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JADE : ’savoir conduire, c’est savoir se conduire’

Cécile FLEUREAU

02 / 2002

Une équipe d’éducateurs de rue de La Courneuve a créé en 1988 Jade (Jeunes Action Dialogue Entreprise), une association d’insertion sociale et professionnelle. L’association accueille des jeunes issus du quartier des 4000 de La Courneuve, mais aussi des personnes de tout âge en difficulté d’insertion professionnelle. Jade les aide à rechercher un emploi, mais aussi à effectuer les démarches nécessaires pour se soigner ou trouver un logement. L’originalité de Jade est d’être aussi une auto-école. õ Jade, on utilise l’image valorisante du permis de conduire comme moyen d’attirer les jeunes en difficulté et travailler avec eux sur leur insertion professionnelle, mais aussi sur les conduites à risques.

L’auto-école

L’enseignement est volontairement payant : le forfait code coûte 45 euros, l’heure de conduite coûte 12,20 euros. Trois salariés de Jade sont moniteurs auto-école et l’association dispose de deux voitures-écoles. Avant que ne débute l’enseignement, les membres de l’équipe de Jade font connaissance avec le jeune, cernent ses attentes et ses projets par rapport à l’apprentissage de la conduite et l’informe sur le déroulement de cet enseignement. Une fois que le jeune a franchi la porte de la structure, ce sont aux professionnels de l’association (les deux éducateurs, le formateur emploi et la directrice) de lui apporter plus que le permis de conduire. L’apprentissage du code de la route, donc de la loi, permet d’insister sur les règles de vie en société. Il rend visible les autres problèmes des jeunes qui les empêchent d’assimiler le code. Au niveau de leur santé, par exemple, la prise de produits psycho-actifs nuit à la concentration. Les séances de codes révèlent aussi des difficultés de lecture. Ces obstacles sont l’occasion de discuter avec le jeune, d’engager des actions de prévention, de lui proposer des cours d’alphabétisation par exemple.

L’apprentissage de la conduite permet de travailler sur le comportement individuel car "savoir conduire, c’est savoir se conduire". Seul pendant plusieurs heures dans la voiture avec le jeune, le moniteur noue une relation privilégiée avec lui. Ces moments permettent d’interroger le jeune sur ses pratiques, sur les risques qu’il prend, sur ses représentations et ses réactions face aux situations diverses auxquelles il est confronté au volant. La conduite réclame une certaine attitude : on ne conduit pas sous l’emprise de psychotropes, il faut être autonome, connaître ses limites, il faut partager la rue, un espace social où l’on doit respecter les autres, avoir confiance en soi pour gérer son stress le jour de l’examen, etc.

Des séjours de vacances, organisés par Jade, sont aussi l’occasion de conduire sur une longue distance. En 2001, un groupe est parti dans les Alpes. Le séjour a été préparé par le groupe, ce qui a exigé de chacun qu’il se mobilise pour organiser ce voyage. Les jeunes ont conduit pour y aller ; c’était l’occasion de rappeler les règles de sécurité à propos de la conduite de nuit, sur autoroute ou sur route enneigée. Sur place, une rencontre avec une école de conduite sur glace a mis les apprentis conducteurs en situation concrète. Passer de la théorie à la pratique prévient les conduites à risques.

Le public concerné :

- les jeunes du quartier qui viennent essentiellement de la cité des 4000 et qui connaissent Jade par le bouche à oreille ;

- les jeunes toxicomanes envoyés par l’hôpital Avicenne de Bobigny ;

- les bénéficiaires du RMI qui suivent l’enseignement sous forme d’un stage de 5 mois. Deux groupes de dix personnes ont été formés en 2000 ;

- les mineurs de la maison d’arrêt de Villepinte. Jade leur propose un atelier code de la route deux fois par semaine. Outre le code, un temps est réservé à l’échange où sont abordés des thèmes comme : qu’est-ce que l’ANPE ? qui fait les lois ? quels sont les risques de la conduite sous l’emprise de produits psycho-actifs ? Parmi les 26 détenus venus au moins une fois à l’atelier en 2000, seuls deux ont suivi assidûment les séances et un seul a pu passer l’examen du code ;

- les jeunes des plateformes de mobilisation de la Seine-Saint-Denis . Durant deux mois et demi, les jeunes sont en formation code de la route à mi-temps, et l’autre mi-temps est consacré à l’élaboration de leur projet professionnel. Les deux mois et demi suivants, les jeunes sont en alternance " immersion en entreprise et apprentissage de la conduite ". Vingt jeunes ont été concernés en 2000.

Les étudiants et les salariés ne sont pas acceptés.

En 2000, 97 personnes ont participé à l’activité de l’auto-école. Parmi elles, 66 se sont présentées à l’examen du code de la route (taux de réussite au premier passage de 74 pour cent) et 40 à l’examen de la conduite (taux de réussite au premier passage de 50 pour cent). La durée moyenne de formation en code est de 9 à 10 mois, celle de la conduite est de 44 heures.

Le permis au service de l’insertion

Pour payer les frais du permis de conduire, les jeunes ont la possibilité de travailler. Jade est aussi une entreprise d’insertion qui propose aux jeunes des chantiers ponctuels de peinture et de débarras de cave. Elle embauche elle-même ces jeunes qu’elle rémunère au Smic. Un peintre formateur est salarié à plein temps et encadre les jeunes sur les sites. Ces services sont proposés aux municipalités et aux grandes entreprises avec qui Jade est en lien. Mais ces services ne touchent que les garçons, Jade recherche des activités qui pourraient être proposées aux filles. Avis aux propositions...

Par ailleurs, l’équipe comprend deux éducateurs et un formateur-emploi. Les contacts noués avec les jeunes lors du parcours d’apprentissage à la conduite favorisent les liens individuels et permettent aux éducateurs d’entamer avec eux des démarches pour envisager une insertion professionnelle et sociale. Jade dispose pour cela d’un réseau de partenaires. Ce rôle de soutien des jeunes dans les démarches de recherche d’emploi ou de formation est une mission confiée à Jade à travers différents dispositifs institutionnels :

- Trace : Jade est un opérateur externe du programme et prend en charge l’insertion professionnelle des jeunes envoyés par la mission locale intercommunale, pilote du dispositif.

- Service pour un nouveau départ (SPNDE) : suivi hebdomadaire durant trois mois de demandeurs d’emplois envoyés par l’agence locale pour l’emploi.

- L’accompagnement social individualisé (ASI) : dans le cadre de ce dispositif impulsé par la DDASS et le Conseil général de Seine-Saint-Denis, Jade suit une dizaine de jeunes de 18-26 ans et une dizaine de personnes de 26-30 ans sur une durée de sept à neuf mois.

Tous les jeunes accueillis dans le cadre de ces dispositifs ont la possibilité de s’inscrire à l’auto-école, ce qui est une source de motivation supplémentaire.

Key words

fight against exclusion, young person, social insertion, professional integration, apprenticeship


, France, La Courneuve

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Les plateformes de mobilisation ont pour mission d’accueillir les jeunes en difficulté d’insertion et de les soutenir dans leur démarche.

Le programme Trace (Trajet d’accès à l’emploi), mis en place par l’État dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions de 1997, vise à proposer aux jeunes les plus en difficulté, un parcours d’insertion individualisé. L’objectif prioritaire de ce programme est l’accès des jeunes à un emploi durable. Ce parcours de 18 mois maximum, qui alterne stages de formation et mises en situation professionnelle, concernera 60 000 jeunes en France.

Notes

Contact : Jade, 18 rue de Bobigny 93120 La Courneuve Tél. : 01 48 36 54 83, Fax : 01 48 36 40 14

Entretien avec BUREAU Marianne, directrice de Jade, le 24/01/2002

Source

Interview

Profession Banlieue - 15 rue Catulienne, 93200 Saint-Denis, FRANCE - Tél. 33 (0)1 48 09 26 36 - Fax 33 (0)1 48 20 73 88 - France - www.professionbanlieue.org - profession.banlieue (@) wanadoo.fr

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