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Agir contre l’impunité pour guérir la mémoire

Claire MOUCHARAFIEH

03 / 1994

Les ONG de développement, engagées dans un processus de construction de la paix à travers le monde, se battent parfois sur le terrain du droit international pour tenter de le faire avancer et de renforcer son efficacité. Si les instruments juridiques internationaux existent, en revanche la volonté politique de les faire appliquer est trop souvent défaillante et c’est sur elle qu’il faut agir. A l’instar d’autres associations, la CIMADE intervient au sein de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies, et défend notamment la constitution d’un tribunal international sur les crimes de guerre en ex-Yougoslavie, même si de nombreuses interrogations subsistent quant à son efficacité.

L’action contre l’impunité est fondamentale pour guérir la mémoire. Dans le cas de la guerre de Bosnie, et d’autres conflits atroces, comme au Rwanda ou en Somalie, il est fondamental que soient jugés les criminels de guerre et les idéologies criminelles. Pour ne pas confondre tout un peuple avec les dirigeants qui ont pu l’entraîner dans des dérives meurtrières, il est primordial que des moments d’histoire soient jugés, et que l’on puisse condamner des faits, des individus, une idéologie, de façon à permettre une guérison.

On voit l’importance que cette question de l’impunité revêt en Amérique Latine où les violations des droits de l’homme ont été massives : un véritable processus de reconstruction de la société, après une période de dictature ou de guerre, n’est possible que lorsque les victimes d’un système condamné auront été reconnues en tant que telles. Même si tous les criminels et les tortionnaires ne sont pas sanctionnés, il est important que la mécanique dont ils ont été les instruments soit analysée et condamnée en tant que telle, pour permettre une réappropriation de la mémoire, et aussi peut-être pour permettre aux victimes de pardonner. On ne pardonne jamais quelque chose qui a été gommé. C’est le drame de l’Uruguay, de l’Argentine ou même du Chili, où il existe, de la part des nouveaux pouvoirs en place, une volonté de tourner la page, et de faire comme si on pouvait tout effacer et re-démarrer.

On voit bien aujourd’hui l’effet à retardement des horreurs commises pendant la seconde guerre mondiale entre Serbes et Croates. Dès la fin de la guerre, des pressions multiples, y compris de la part du général Tito, se sont exercées pour ne pas rouvrir les plaies et le régime a orchestré l’amnésie collective. Moralité, les plaies purulentes sont restées ouvertes pendant 50 ans et dès qu’elles ont pu s’exprimer, après l’effondrement du système communiste, elles ont donné lieu à un déchaînement de violences et de cruautés.

Il est très frappant, lorsqu’on se rend aujourd’hui en ex-Yougoslavie, d’entendre les témoignages de personnes qui entendent venger des faits qui se sont déroulés il y a 50 ans ! Ils en parlent comme si leurs propres femmes ou enfants, maris ou frères, venaient de se faire assassiner la veille… L’intensité est restée intacte.

Pour rompre avec l’esprit de vengeance, il faut que la justice soit rendue et que la souffrance ait été reconnue. Le tribunal de Nuremberg a jugé un petit nombre de criminels, mais il a condamné le nazisme. Il y a toujours des nazis qui courent ici et là, mais l’idéologie du nazisme a été jugée par l’histoire. D’où l’importance d’instances internationales telles que le projet actuel de tribunal sur les crimes de guerre.

La CIMADE a toujours soutenu toutes les organisations qui luttaient contre l’impunité en Amérique latine. Aujourd’hui, elle s’interroge sur la nature et les modalités de sa contribution à la mise en place d’un tel tribunal sur les crimes commis en ex- Yougoslavie. Pour une ONG, il est difficile d’agir à cette échelle. En tant que membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui a elle-même émis un avis très favorable, la CIMADE peut faire entendre sa voix. Mais ce n’est pas suffisant.

Les ONG peuvent participer au recueil de témoignages des victimes, mais tout le travail de confrontation et de vérification, qui doit être incontestable, exige des moyens et une logistique qui ne sont pas à la portée des associations. Ces tâches ne peuvent se faire qu’à l’échelle des Nations Unies.

En Serbie, un mouvement opposé à la guerre s’est constitué pour recenser de façon systématique et rigoureuse des informations et des témoignages sur les graves violations des droits de l’homme commises depuis le début de la guerre, notamment en Bosnie. Les résultats seront remis à la commission Mazoviewczki. Un des rôles des ONG est de soutenir ce type d’initiatives.

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