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Histoire d’une organisation paysanne sénégalaise

Le CADEF et le développement rural

Pierre Yves GUIHENEUF

04 / 1997

L’histoire de notre organisation commence en 1985, à une époque de sécheresses et de guerres séparatistes qui provoquent un exode rural massif. C’est aussi un moment où de grands projets de développement entrent en crise et où les paysans se rendent compte qu’ils ont été embrigadés et se sont endettés.

En Casamance, lors d’un congrès annuel de villages qui regroupe des habitants et des émigrés, les participants de huit villages se retrouvent autour du constat de crise de leur région. Ils décident alors de créer le Cadef, le Comité d’action du Fony, et déterminent trois principes : entente, solidarité, entraide. Pour aller plus loin que les actions habituelles des comités villageois (construction de mosquées ou de foyers), le Cadef entreprend de s’engager dans des réalisations économiques. Pendant deux ans, ses initiateurs vont de village en village pour convaincre les paysans. Ils parlent d’abord avec les plus anciens, puis avec les hommes, enfin avec les femmes et les jeunes et terminent par une assemblée de village.

Peu à peu, grâce à de nombreuses discussions, le Cadef détermine un plan de développement qui constituera un instrument de négociation avec les autorités locales et les ONG. Les axes d’action sont définis avec la population : lutte contre l’érosion des sols et mise en place de nouvelles rizières ; création de petits barrages pour l’irrigation des cultures ; équipement en matériel pour mieux valoriser le temps disponible lors de la courte saison des pluies ; fertilisation organique des rizières ; entretien du matériel agricole et création d’une forge.

Avec l’appui d’ONG et de la Caisse française de développement, le Cadef a également mis en place une caisse de crédit populaire, des programmes de recherche-développement et un centre de formation. La formation est un objectif majeur pour le Cadef, qui cherche à multiplier les cadres paysans.

Notre objectif : la sécurité alimentaire

Aujourd’hui, le Cadef regroupe 50 villages. La cellule de base est celle de l’exploitation familiale, qui regroupe en moyenne douze actifs : c’est de là que partent toutes les décisions. Il y a ensuite des groupements d’exploitations au niveau de quartiers, de villages et de secteurs.

Au sein de l’organisation existent des animateurs volontaires, spécialisés en gestion ou sur des questions techniques. L’un des effets de la crise des années quatre-vingts a été de projeter les jeunes sur le devant de la scène, ce qui est une situation relativement rare en milieu rural africain ou les vieux jouent un rôle déterminant dans la prise de décision. Ici, les vieux font désormais confiance aux plus jeunes. Ce changement social est d’une importance considérable et la transition n’a pas toujours été facile, même si le Cadef a essayé de contribuer à ce qu’elle s’opère en douceur. En 1990 par exemple, une crise a éclaté : l’organisation voulait aller trop vite aux yeux des plus anciens, ce qui a provoqué des résistances de leur part. Il y a un risque permanent pour les organisations paysannes : celui d’être entraîné par la logique des financeurs et de se couper de leurs bases sociales.

L’objectif du Cadef est de parvenir à ce que la région produise les aliments de base nécessaires à la population : riz, mil, maïs et sorgho. Le choix a donc été fait de limiter le développement de la culture de l’arachide et de favoriser le renforcement des circuits locaux de commercialisation. L’organisation estime que la spécialisation dans une culture rend les producteurs très dépendants du marché mondial. Certains paysans décident malgré tout de se spécialiser et de s’engager dans une filière qui leur semble prometteuse : c’est leur choix et le Cadef les appuie comme les autres. Cependant, l’organisation refuse absolument de se spécialiser elle-même. Lorsqu’elle se concentre vers le développement d’une filière de production, une organisation cesse souvent de se préoccuper du développement local ou de concerner tous les habitants.

Espoirs et risques de la concertation avec l’État

Notre histoire n’est pas unique. La crise de 1985 a suscité l’émergence ou le renforcement d’organisations paysannes dans de nombreuses régions du Sénégal. Depuis quelque temps, celles-ci se sont regroupées au sein du CNCR, le Comité national de concertation des ruraux. L’une des grandes conquêtes du CNCR est d’avoir obtenu du gouvernement d’être consulté pour la définition des grandes orientations de politique nationale. Le CNCR est désormais un partenaire reconnu. La Banque Mondiale elle-même a exigé du gouvernement sénégalais que le CNCR soit présent lors de la négociation d’ouvertures de crédit et qu’il contrôle l’octroi des fonds.

Pour les organisations paysannes, cela représente à la fois un acquis et un danger. Un acquis car cela conforte leur pouvoir de négociation et rend les décisions plus démocratiques et plus transparentes. Un danger, car cela peut les amener à cautionner de fait la politique de l’État ou celle des organismes multinationaux et mobiliser leurs forces vers des problèmes qui ne sont pas nécessairement ceux que la population juge prioritaires. Nous devons donc nous engager dans cette concertation avec l’État avec prudence et esprit critique.

Palabras claves

agricultura y alimentación, agricultura, agricultura campesina, alimentación, soberanía agrícola, política alimentaria, organización campesina, desarrollo rural


, Senegal

Notas

Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996.

Entretien avec GOUDIABY, Bara

Fuente

Entrevista

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Francia - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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