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Les luttes populaires en Inde

Intercultural Ressources

07 / 2011

Le dossier qui suit, intitulé “Les luttes populaires en Inde”, apporte des informations sur les diverses facettes des mouvements sociaux en Inde. Décrivant des mouvements menés dans divers contextes régionaux, du nord-est militarisé aux zones côtières, en passant par les espaces urbains et les forêts, et prenant diverses formes (syndicat, théâtre de rue radical, organisations ouvrières, environnementalisme de classe moyenne, etc.), il se veut une réflexion sur la pluralité des combats menés par la population indienne.

La plupart des articles sont axés autour d’un thème commun : le déplacement de populations lié au « développement ». Cela révèle d’un côté la centralité du problème à l’heure actuelle et la similarité de l’expérience vécue par les différents acteurs, et de l’autre la divergence des positions face à ce problème suivant la manière dont il est abordé et les stratégies mises en œuvre pour y remédier. Ces variations reflètent la pluralité des réalités que recouvrent ces mouvements et le dynamisme avec lequel sont menés ces combats.

Les combats en question partagent plusieurs points communs. Le premier est la compétition entre des acteurs inégaux pour l’accès aux ressources, comme en témoignent les articles sur les travailleurs de la pêche du Kerala, le mouvement des femmes autour du marché traditionnel Ima Keithel à Imphal, au Manipur, et le mouvement contre les zones économiques spéciales (ZES) dans le Gujarat. Si, dans le cas du Gujarat et du Kerala, la compétition porte sur les eaux côtières et oppose les travailleurs de la pêche traditionnelle aux pêcheries industrielles mécanisées, le combat mené par les femmes autour du marché Ima Keithel montre comment, sous couvert de développement et de modernisation, les femmes, qui exercent une forte influence sur le commerce intérieur depuis des années avant l’indépendance de l’Inde, se voient privées de certains de leurs droits traditionnels pour laisser place à une domination masculine du marché. Le discours sur le développement est un thème incontournable en Inde et fait l’objet de conflits autour de différentes causes à travers le pays. Les articles sur l’extraction d’uranium à Jaduguda, au Jharkhand, le combat contre le barrage de Mapithel dans la région d’Ukhrul, au Manipur, et celui de Koel Karo dans la région de Ranchi, au Jharkhand, et la résistance contre les interventions répétées sur le lac Loktak, au Manipur, mettent tous en lumière l’un ou l’autre aspect du débat sur le développement en Inde.

Ce dossier révèle également les dégâts infligés par le développement aux communautés et environnements locaux. Que ce soit l’immense zone économique spéciale côtière gérée par le Groupe Adani au Gujarat, les grands barrages déployés aux quatre coins du pays qui submergent des villages entiers et les terrains environnants, l’exploitation minière non durable menée par le groupe Lafarge au Meghalaya, l’extraction d’uranium, processus extrêmement dangereux, par l’entreprise publique Uranium Corporation of India Limited (UCIL) au Jharkhand, le pompage massif d’eau par l’usine Coca Cola à Plachimada ou encore les interventions du gouvernement du Manipur sur le lac Loktak, toutes ces opérations se sont révélées nocives pour l’environnement. Elles compromettent par ailleurs l’accès aux ressources et traduisent un combat pour cet accès qui, directement ou indirectement, affecte les moyens d’existence des communautés locales.

On découvre également à travers ce dossier les différentes méthodes adoptées par chacun de ces mouvements, c’est-à-dire les stratégies d’opposition déployées. Ainsi, si le combat mené à Palchimada a montré l’efficacité de la voie judiciaire pour soutenir la mobilisation populaire et parvenir à obtenir la fermeture définitive de l’usine Coca-Cola, dans le cas du combat contre l’exploitation minière par Lafarge, le groupe a contourné les procédures judiciaires encore en cours pour poursuivre ses activités d’extraction minière. De même, tandis que les travailleurs traditionnels de la pêche du Gujarat, considéré comme l’un des États les plus répressifs d’Inde, ont organisé leur résistance sous forme de grandes organisations populaires, leurs homologues du Kerala ont choisi de mener leur mouvement sous l’égide d’une structure syndicale. Le syndicat des travailleurs de la pêche du Kerala, connu sous le sigle KSMTF (Kerala Swathanthra Malsya Thozhilali Federation, Fédération autonome des travailleurs de la pêche du Kerala), a exercé une forte influence au sein de l’État, si bien qu’il a débouché sur la création de la fédération nationale des travailleurs de la pêche de l’Inde (NFF, National Fishworkers Federation) regroupant les travailleurs de la pêche des États côtiers du pays, dont ceux du Gujarat font également partie.

Les combats menés dans le nord-est du pays constituent un cas à part en raison d’une longue histoire de militarisation de la région par le gouvernement central et l’exacerbation de la fragmentation ethnique qui en a découlé. La lutte pour l’indépendance des indigènes de la tribu Hmar implantés au nord-est de l’Inde raconte l’histoire d’un combat qui s’attaque à un long processus de marginalisation ethnique, socio-économique et politique de cette communauté. Les deux articles consacrés à la résistance dans le Manipur, l’un des États les plus instables à l’heure actuelle, autour du lac Loktak et contre le barrage de Mapithel, décrivent la surveillance constante des communautés locales par le biais de postes militaires disséminés à travers la région, ainsi que le déploiement répété des forces armées pour étouffer toute résistance constitutionnelle.

L’article sur la résistance et la répression dans le Jharkhand révèle l’ampleur de la violence avec laquelle sont accueillis les mouvements populaires dans un État placé dans une optique offensive. En revenant sur une tradition de martyre qui se perpétue dans le Jharkhand, cet article constitue une réflexion sur la violence qui entoure un grand nombre des combats les plus démocratiques et pacifiques du pays. Comme le montrent la plupart des articles de ce dossier, la répression est un thème récurrent qui concerne la plupart des combats menés en Inde. L’article sur le mouvement paysan du Telangana qui a vu le jour dans la principauté féodale d’Hyderabad à la veille de l’indépendance de l’Inde décrit particulièrement clairement le conflit qui survient lorsque le pouvoir exercé par une minorité est contesté. En influant sur l’avenir du mouvement communiste indien et en faisant la lumière sur la condition paysanne en Inde, cette banale insurrection paysanne a marqué un tournant dans l’histoire du pays.

Enfin, une dernière série d’articles aborde les mouvements populaires en zone urbaine. L’article sur le club de cyclisme du Manipur s’intéresse à une initiative innovante destinée à la protection de l’environnement et pensée comme un moyen de parvenir à instaurer, dans le Manipur, un État avec une longue histoire de conflits armés, un mode de vie plus pacifique pour une communauté sévèrement affectée par la violence. L’article sur la campagne pour la préservation de la « crête de Delhi » (Delhi Ridge) est une réflexion sur l’évolution d’un mouvement environnementaliste de classe moyenne et la manière dont l’environnement y est conçu au sein d’un espace urbain. L’article sur la troupe de théâtre populaire radical, Jan Natya Manch, ou Janam, implantée à Dehli et les zones industrielles environnantes, propose une réflexion sur la relation entre le théâtre en tant que forme artistique culturelle et les syndicats comme forme de combat et d’organisation politique.

Un grand nombre de ces combats partagent pour toile de fond la situation de l’Inde au sein d’une économie politique mondiale. À la suite de réformes mises en place depuis les années 1990, l’Inde est devenue la cible privilégiée d’entreprises nationales et étrangères, qui convoitent ce qui est perçu comme de précieuses ressources naturelles par les unes et des matières premières bon marché par les autres. Il en résulte une utilisation de plus en plus intense de ses ressources par le pays pour coopérer avec ces entreprises au détriment des intérêts de ses citoyens. Beaucoup de ces combats s’opposent, directement ou non, au modèle même de développement promu par le gouvernement indien, un modèle qui fait primer les intérêts privés des entreprises en invoquant le prétexte du « développement ». Le discours tenu par les autorités est véhiculé d’une part pour légitimer ce modèle auprès d’un public plus large et, d’autre part, pour marginaliser et décrédibiliser les opposants au système. En retour, les mouvements populaires remettent en question l’État et ses alliés. La question qui se pose est simple : à qui profite le « développement » ?

Lire le dossier original en anglais / Read the original dossier in English: People’s Struggles in India

Traduction : Gaëlle Claire

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