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La lutte contre les expulsions

Panorama des acteurs, des lois et des dispositifs contre les expulsions locatives en France

06 / 2003

Les expulsions locatives représentent un cas limite du droit au logement. La dérégulation progressive des mesures de protection (le gel des loyers par la loi de 1948), doublée par la progression du chômage et de l’exclusion ont sensiblement accru les difficultés depuis les années 80. Comment assurer le relogement des populations ? Plus largement, comment agir en matière de prévention ? Quelles sont les nouveaux acteurs professionnels impliqués ? En quoi la loi Besson puis loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) permettent-elles de nouvelles avancées dans la lutte contre les expulsions ?

Causes de l’expulsion : Quelques chiffres

  • Pour cause d’impayé : Il y a impayé dès que le loyer n’est pas payé au terme fixé par le bail. La dette locative est la cause première des expulsions. Se distinguent deux types de situation (qui impliquent un traitement différent du délai imparti au remboursement) :

    • La dette n’est qu’un incident de parcours. Les délais sont donc suffisants.

    • La dette locative n’est qu’un aspect d’une dégradation plus générale de la situation du ménage.

  • Congés des bailleurs, souvent pour des raisons spéculatives : les propriétaires privés peuvent résilier le contrat locatif. Les locataires ont 6 mois pour quitter les lieux. Très souvent aucun logement n’est proposé en retour.

  • Logement de fonction

  • Occupation sans titre : deux types de cas apparaissent, celui des personnes sans bail écrit ni oral ; celui des familles dont le bail a été résilié mais qui, pour diverses raisons, n’ont pas encore quitté les lieux.

Juridiction : « l’expulsion face au Juge »

L’Etat, jusqu’en 1990 avec la loi Besson, était quasi-absent dans le traitement des expulsions. Il n’intervenait qu’en fin de procédure pour accorder ou non l’intervention de la force publique après enquête sociale. A noter qu’en ne cherchant aucune solution préventive, la prise en charge des indemnisations des bailleurs auxquels était refusé l’intervention de la force publique devenait de plus en plus lourde.

La loi Besson en 1990 est venue tisser un nouvel espace de prévention et de sécurisation de l’expulsion et a permis la mise en place notamment d’un Fond de Solidarité Logement (FSL).

La loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et, dans une moindre mesure, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000 ont modifié le dispositif juridique de prévention et de traitement de l’expulsion locative. L’objectif selon la loi de 1998 étant de traiter le plus en amont possible et dans les plus courts délais la menace d’expulsion liée à l’impayé de loyer. Ce travail induit la mise en œuvre d’un dispositif apportant des réponses adaptées à chaque situation et permet de limiter la question des expulsions aux personnes dites de « mauvaise foi » (les « squatters » notamment).

Dans les faits : lorsque s’amorce un travail en commun avec les services sociaux, les associations, la préfecture… les temps demeurent trop court pour les familles entre la réception des premiers plis de huissiers et l’audience du référé. Lors du jugement, la situation réelle du locataire est souvent peu considérée.

Procédures juridiques dans le traitement de l’impayé

La procédure et les mesures juridiques sont initiées lorsqu’il y a constitution d’un impayé et varient selon le type de logement :

  • Dans le parc privé : Une série de démarche à l’amiable est engagée par courrier, jusqu’à une première saisine du conciliateur de justice, en vue de signer un plan d’apurement. Si la situation perdure, il y a saisine du tribunal d’instance et délivrance d’un commandement de payer la dette.

  • Dans le parc public : Pour qu’une procédure soit engagée, il faut qu’il y ait trois mois consécutifs d’impayé. Le bailleur social peut dès lors délivrer un commandement de payer. Depuis la loi de 1998, le bailleur doit au préalable saisir les organismes publics d’aide au logement (CAF Caisses d’Allocations Familiales, SDAPL Section Départementale des Aides Publiques au Logement) pour vérifier que le ménage demeure allocataire de ses droits.

La phase contentieuse s’ouvre avec le commandement de payer et un délai de 2 mois est accordé. Depuis la loi de 1998, une enquête sociale est réalisée en vue de constituer « une fiche de liaison » destinée au Juge, informant de l’état social, économique et psychologique de l’intéressé. Le jugement de l’expulsion se traduit par la résiliation du bail. Le concours de la force publique a lieu en extrême situation et bien souvent les « pressions » sont fortes pour que les intéressés partent « volontairement » . La trêve hivernale : période du 1er novembre au 15 mars - permet de suspendre les expulsions sans relogement ni hébergement adapté.

Panorama des acteurs : de la prévention aux traitements de l’expulsion

Les expulsions locatives impliquent plusieurs segments professionnels habituellement cloisonnés : la justice, le logement, l’administration Préfectorale, l’action sociale, les CAF, les acteurs de l’endettement, et parfois la force publique. Chacun de ces acteurs traitent une partie du dossier selon des critères et une temporalité administrative qui leurs sont propres, souvent sans tenir compte les uns des autres.

Mise en perspective

L’ambition de la loi de 1998 lutte contre les exclusions est de faire émergée une nouvelle appréhension de l’impayé locatif et de sa résolution. Or souvent les familles se retrouvent dans une situation contradictoire : dans l’obligation de quitter les lieux mais sans aucune perspective de relogement.

De plus, face à un bailleur dont la demande est fondée en droit, le juge d’instance est souvent amener à prononcer la résiliation du bail et l’expulsion du locataire. L’Etat en tant que garant de la cohésion sociale et de l’ordre publique se retrouve instrumentalisé par des bailleurs, avant tout soucieux de rentabilité.

Le locataire reste encore largement démuni pour faire aboutir certaines revendications légitimes. Les règles sur l’insalubrité, par exemple, obligent la délivrance d’un logement décent.

L’expulsion est en France un moyen pour les bailleurs de spéculer et de renforcer indirectement la ségrégation sociale. Un certain nombre de mesures est nécessaire, notamment celle de l’obligation de relogement, pour faire avancer la lutte contre les expulsions et le droit au logement au même titre que celui sur la propriété.

Il y a chaque année plus de 320 000 cas d’impayés de loyer d’au moins deux mois dont 110 000 cas deviennent contentieux.

Procédure précédant toute expulsion prévue par la loi de 1998 :

  • Le préfet doit se saisir des services sociaux en vue d’enquêter sur la situation financière du locataire

  • Le juge peut ordonner des délais de paiement

  • Les familles peuvent saisir directement le juge de l’exécution

  • L’huissier ne peut plus expulser directement

La loi SRU de 2000 vient renforcer les droits des locataires et impose que 20 % des logements de chaque commune soient des logements sociaux.

Sur 2000 enquêtes sociales réalisées, 11 ménages ont obtenus un logement suite au jugement de l’expulsion.

A noter une augmentation réelle de l’expulsion avec intervention des forces publiques en France : 600 cas en 1995 contre 1000 cas en 2002.

Les acteurs associatifs de la prévention, FAPIL (Fédération des Associations pour la Promotion et l’Insertion par le Logement) et Pact Arim disposent d’un ensemble d’outils élaborés pour prévenir de l’expulsion : production et mise à disposition de logement adapté, gestion locative adaptée, accompagnement social, dispositif AIVS (Agence Immobilière à Vocation Sociale) permet d’assurer une garantie aux bailleurs.

Le DAL (Association Droit au Logement) assure une antenne d’information et de défense des droits des expulsés. Souvent les familles arrivent trop tard, l’association s’occupe exclusivement du relogement.

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