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Des habitants-citoyens s’engagent pour l’aménagement de leur quartier

Expérience de l’association Urbanisme et démocratie (Udé ! )

06 / 2003

L’association Urbanisme et démocratie (Udé ! ) s’est créée en 1993 dans le quartier Plaisance (XIVe arrondissement de Paris) afin de permettre aux citoyens de s’impliquer dans les décisions qui modifient leur cadre de vie. Les militants de l’association défendent, animent… et rêvent la vie de ce « village dans la ville », constitué de villas et d’impasses.

Revendiquant l’héritage des grandes mobilisations urbaines des années 70, Udé ! se bat pour la promotion du logement social dans les opérations immobilières du quartier, l’aménagement d’espaces verts et d’équipements de proximité pour la petite enfance et les activités sociales et associatives. Ses domaines d’intervention et de réflexion sont donc multiples (urbanisme, aménagement, logement et mal-logement, social, exclusion, immigration, animation,…) mais quatre dossiers structurent son histoire.

L’Histoire

En 1993, quand ils apprennent qu’un immeuble de logements pour classes moyennes va remplacer l’aménagement initialement prévu d’un jardin, les habitants se mobilisent pour obtenir la préservation des éléments bâti existant, le maintien de l’espace vert et son ouverture à des projets pédagogiques (potager participatif). Un jardin sera finalement aménagé dont le principe de fonctionnement reste actuellement l’objet de discussions.

Sur la ZAC Didot (Zone d’aménagement concerté de deux hectares), dans le cadre d’un programme de construction de logement et d’équipements (sportif, extension d’une crèche), l’association obtient la préservation et la réhabilitation de certains bâtiments voués à la démolition, la réduction de la hauteur des constructions et du nombre de logements et le rééquilibrage du programme au profit des logements sociaux. Le jardin initialement prévu est agrandi et les ateliers-logements pour artistes réintégrés dans le projet. Udé ! obtient également l’ouverture de la salle de sport aux activités associatives en salle polyvalente. Cependant, elle y déplore l’absence de structure sociale et de maisons de quartier.

Depuis 1998, avec la fermeture de 3 maisons de quartier, plus de 50 associations locales se retrouvent sans toit pour accueillir leurs activités de soutien scolaire, d’alphabétisation, d’animation pour la jeunesse, etc. Le Collectif pour des Maisons de Quartier, auquel Udé ! participe très activement, n’a pas encore trouvé à l’heure actuelle de débouché positif sur ce plan.

Avec la fermeture progressive de l’Hôpital Broussais qui représente une mise à disposition de 46 000 m² de terrain et de bâtiments déjà construits, Udé ! demande le rachat de l’ensemble du site par la Mairie de Paris et s’investit avec le collectif d’associations de quartier Redessinons Broussais (CRB), dans l’élaboration d’un projet d’aménagement d’ensemble du site, intégrant, à l’échelle du quartier, les besoins socio-culturels et les désirs des habitants.

A côté de ces quatre dossiers principaux, Udé ! développe des groupes de réflexion internes sur des questions ou des projets conjoints (transports et pollution, structure d’insertion par le logement, café associatif) et se mobilise ponctuellement sur des dossiers plus éloignés de ses orientations de base ou de ses assises territoriales (défense de bâtiments à caractère patrimonial, soutien à des familles en situation de précarité,…).

Actions

Udé ! déploie tout l’éventail d’actions des luttes urbaines (pétitions, manifestations, agitation médiatique, réunions publiques, recours juridiques, élaboration d’études contradictoires et de contre-projets, classement des sites et des zones, participation aux éventuelles réunions de travail avec les pouvoirs publics). Son leit-motiv est de « créer un rapport de force » de manière à être entendue et à imposer la prise en compte des souhaits des habitants dans les politiques socio-urbanistiques locales. Dans la plupart des cas, des modifications des projets initiaux sont obtenues.

Cette activité se combine avec l’animation locale du quartier. Les fêtes (Crêpes-party, fête des Thermopyles, Petit Bazaar de Noël, etc.) contribuent à financer une partie des activités de l’association, à constituer un réseau d’habitants et à créer de la convivialité. Le jardin est d’ailleurs conçu comme un espace permettant de tisser du lien social. Par ailleurs, sa stratégie d’action en collectifs ad hoc d’associations permet aux différents acteurs locaux de se rencontrer, d’échanger des informations et d’unir leurs forces.

L’animation des APU, la diffusion de questionnaires ou encore sa présence régulière sur le marché assurent à l’association un bon ancrage dans le quartier et un lien certain avec ses habitants. Pour autant, Udé ! s’attache à cultiver une fonction de proposition à la fois militante et idéaliste à travers son ouverture en tant qu’association locale sur des mobilisations dont les enjeux sont extérieurs au quartier (collectifs des associations du XIVe arrondissement anti-guerre) et l’élaboration de projets fondés sur des principes de solidarité et de convivialité (café associatif, projet de « Pension de famille », implantation de boutique de commerce équitable, équipement artistico-culturel, maison de quartier, jardin ouvert et autogéré).

Impact

A un niveau macro, avec d’autres mobilisations du même type (Association La Bellevilleuse) et à la faveur de conjonctures politiques favorables (loi SRU, changement de majorité municipale…), Udé ! a contribué à imposer des procédures de concertation dans la mise en œuvre des projets d’aménagement urbain. Au niveau du quartier, elle a permis l’évolution des projets d’aménagement initiaux en direction d’une amélioration du cadre et des conditions de vie des habitants (deux jardins, deux locaux associatifs, abaissement de la hauteur des immeubles construits, préservation de plusieurs maisons et immeubles typiques, augmentation des capacités d’accueil en crèche dans une ville qui en manque cruellement) et de justice sociale (rééquilibrage des programmes de logement en faveur du logement social, inscription du quartier en Politique de la ville,…).

Pourtant, avec quelques dossiers restés peu fructueux, une certaine insatisfaction subsiste sur la difficulté générale à travailler avec les élus et les services techniques de la Ville de Paris : pris trop en aval, les projets s’avèrent très difficilement modifiables ; pris trop en amont, les interlocuteurs se révèlent fuyants ou indécis. Finalement, les habitants s’épuisent toujours à remonter le courant impassible du cours de définition et de mise en œuvre des politiques publiques socio-urbanistiques. Cette tendance semble d’ailleurs plus marquée en ce qui concerne les politiques sociales qu’en ce qui concerne les projets urbanistiques.

Par ailleurs, empruntant un registre plus volontiers politique (agitation médiatique, pétitions, manifestations, etc.) que technique, le mode d’action d’Udé ! peut rebuter d’emblée élus et techniciens de la Ville et l’obliger à reconstruire à chaque fois une position d’interlocuteur qu’elle a laborieusement construite.

L’envers de cette médaille est son attachement à la démocratie participative jusque dans son organisation interne (présidence tournante selon les dossiers, renouvellement de l’équipe dirigeante, Universités d’Eté, accueil des nouveaux adhérents destinés à leur intégration) et la promotion qu’elle en fait sur le quartier (information, consultation et travail commun avec les habitants).

Enjeux

Comme pour toutes les associations de défense de quartier, l’action d’Udé ! sur le quartier Plaisance pose le problème de sa participation involontaire à une certaine gentryfication du quartier. A la frontière des politiques socio-urbaines et de l’animation de quartier, il semble en fait qu’Udé ! travaille à enrayer ce processus de partition entre zones embourgeoisées et zones de relégation urbaine qui menace inéluctablement le quartier Plaisance.

L’expérience d’Udé ! montre la difficulté réelle qu’il peut y avoir à développer un travail incluant une véritable participation (et non un simple concertation) des habitants aux projets socio-urbanistiques. Les barrières pratiques relèvent bien davantage de l’ordre des habitudes et des cultures de travail de chacun que de la coloration politique des responsables.

Les APU figurent les modalités d’un aménagement participatif. Ils montrent que la participation des habitants aux projets socio-urbanistiques doit se situer dès le moment du diagnostic (expressions des souhaits et des désirs, définition des enjeux et des besoins) réalisé avec les pouvoirs publics et leurs services techniques et indiquent aussi l’énergie, l’endurance, la capacité de travail et l’inventivité dont peuvent faire preuve les habitants lorsqu’ils se sentent impliqués.

Enfin, l’implication plurielle de Udé ! indique combien le quartier est une invitation à s’impliquer dans tous les types de problématiques (animation locale, politiques sociales, projets urbanistiques, questions d’intérêt patrimonial, socio-culturelles, luttes contre les exclusions, etc.). L’aménagement d’un quartier ne peut être pensé de manière cohérente qu’au niveau du quartier tout entier et de manière trans-thématiques.

Financement

En 2002, les recettes par lesquels Udé ! finance ses activités (fournitures, divers services, animation) se répartissent en trois postes d’importance comparable :

  • subvention de 3000 € de la Préfecture de Paris dans le cadre de la Politique de Ville (subvention sur projet non-reconduite en 2003),

  • dons et adhésions (3700 €),

  • recette des fêtes (3400 €).

Depuis 1998, La Page est un journal de quartier réalisé par des bénévoles du 14ème arrondissement (240 abonnés / 2000 exemplaires). Tous les deux mois, il donne des infos sur l’actualité du quartier : dossiers d’urbanisme, vie associative, questions sociales ou scolaires. Chaque année, l’équipe qui rédige et réalise le journal organise une fête qui réunit des dizaines d’associations de l’arrondissement.

Deux fois par mois, depuis deux ans, les habitants et associations se réunissent à l’Hôpital Broussais (concertation interne…).

Les Ateliers Populaires d’Urbanisme (APU) initiés en Juin 2001 par le CRB. Une soixantaine d’habitants se retrouvent pour élaborer un projet d’aménagement et de programmation du site de l’ancien Hôpital Broussais : exposé du rôle historique, économique et urbanistique de l’Hôpital Broussais, témoignages d’habitants, expériences de programmation artistico-culturelle, 50 questionnaires… et travail à la rédaction d’un cahier des charges pour l’aménagement du site.

A Paris, le problème de l’information et des locaux associatifs est récurrent. Depuis 2001, la nouvelle municipalité travaille à le résoudre à travers l’ouverture d’une Maison des associations par arrondissement, offrant espaces, moyens matériels et soutien juridique aux habitants-citoyens. Elle réfléchit également aux moyens d’élargir les possibilités d’information des associations par voie d’affichage. Pourtant, depuis 10 ans, certaines associations de quartier (dont Udé !) préconise l’obligation d’ouverture de locaux polyvalents (associatifs, sportifs, artistiques,…) dans tous les projets d’urbanisme d’une taille suffisante.

Le projet de « Pension de famille » porté par Udé ! s’inspire des maisons-relais ouvertes par des associations d’accueil et de soutien aux personnes en situation de précarité. L’idée est de faciliter l’insertion sociale et l’accès au logement à des personnes et des familles socialement isolées qui en sont exclues. La structure articulerait une quinzaine de logements autonomes et des espaces collectifs pour faciliter les échanges (cuisine collective, salle de loisirs commune) et serait gérée par un couple d’hôtes. Elle devrait cultiver le brassage social, générationnel, et culturel des résidants, favoriser leur insertion dans les réseaux actifs du quartier (associations, structures sociales, etc.) et veiller à l’ouverture de ses activités au quartier.

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