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La misère sanitaire dans le Haut-Atlas marocain

Dans les montagnes marocaines, le taux de mortalité maternelle est très élevé faute de pouvoir accoucher dans un milieu surveillé

Davina FERREIRA

11 / 2006

Le cœur de la montagne

La province d’Azilal, d’une superficie de plus de 12 000 km2, fait partie du Haut-Atlas central. Ce massif, au cœur même du Maroc, joue les intermédiaires entre le Moyen-Atlas, au nord, et l’Anti-Atlas, au sud, assurant ainsi la continuité de l’Atlas, chaîne de montagnes qui traverse pratiquement toute la partie centre du pays. La région d’Azilal est une zone de montagnes par excellence. 95% de son territoire atteint des altitudes de 800 à 4 000 mètres. Malheureusement, elle est aussi classée parmi les 11 communes les plus pauvres du Maroc avec un taux de pauvreté estimé à plus de 30%.

Des femmes victimes de la tradition et d’un service de santé déplorable

Par définition, la montagne est un lieu difficile d’accès qui prive ses populations de nécessités de base. Malgré les efforts du ministère de la Santé en termes de construction d’infrastructures, de fourniture d’équipements, les besoins en instruments de santé restent conséquents. Dans ce contexte, ce sont les femmes enceintes qui semblent le plus souffrir de cet enclavement. Les chiffres sont alarmants. Le taux de mortalité maternelle avoisine les 270 décès pour mille accouchements dans les zones pastorales marocaines ; soit 30 fois plus qu’en Europe. Les causes de cette mortalité maternelle sont essentiellement médicales (hémorragies, hypertension…), ces décès se produisant pendant l’accouchement ou dans les quelques heures qui suivent. D’autres femmes encore restent handicapées à la suite de complications. Comment expliquer de tels chiffres ? Faute d’information et de structures adaptées, 72% des Marocaines choisissent d’accoucher à la maison. La plupart ne peuvent s’offrir les services d’une clinique privée et ont peur des hôpitaux aux médiocres prestations. Pire encore, 30% de la population d’Azilal est à plus de 10 kilomètres d’une structure de santé, même la plus sommaire.

Mais le problème ne vient pas que de là, il y aussi la tradition. La femme rurale est faite pour procréer, pour mettre au monde des enfants qui pourront aider aux champs. Puis elle doit retourner travailler trois jours après l’accouchement. A Azilal, le taux de fécondité est élevé avec 5 à 6 enfants par femme, alors que la moyenne nationale est de 2,7 enfants par femme. Et puis, il y a le mari qui le plus souvent n’autorise pas sa femme à aller accoucher dans un milieu surveillé ; sa mère, sa grand-mère et toutes les générations de femmes précédentes ont accouché à la maison, alors sa femme aussi peut bien le faire. C’est cela, la tradition. Quant à l’usage d’un moyen de contraception, c’est contre-nature.

Enfin, s’ajoute le problème de carence en professionnels compétents. C’est un problème au niveau national. L’on ne compte que 200 gynécologues et 500 sages-femmes pour les 700 000 accouchements annuels ! Dans les montagnes, c’est encore pire ! Le personnel se rend bien compte combien il est difficile de travailler dans un tel milieu sans matériel spécifiquement adapté ; ne serait-ce même que des ambulances tout-terrains. Au final, ce sont le plus souvent l’accoucheuse traditionnelle du village, ou bien les cousines ou amies, qui procèdent à l’accouchement.

La lanterne du ministère de la Santé

AADEC (Association Azilal pour le Développement, l’Environnement et la Communication) est une association marocaine créée en 2000 dans le but de promouvoir et de contribuer à un développement intégré et durable de la province d’Azilal en ciblant les femmes, les enfants, les jeunes et les populations rurales défavorisées. Entre autres projets réalisés par l’association, il y eut la création d’un centre de formation à l’artisanat pour les femmes, des activités de parrainage d’enfants, d’alphabétisation de la population, de collectes de denrées alimentaires et de vêtements, des activités pour la protection de l’environnement et l’organisation d’un festival culturel.

AADEC agit aussi sur le plan de la santé. Son président, Monsieur Ouzouhou, médecin à Azilal, connaît bien les problèmes sanitaires de la région. Il a choisi de servir d’éclaireur au ministère de la Santé en mettant en place des projets-pilote qui pourront servir de modèles s’ils s’avèrent efficaces. Il s’agit notamment de projets qui visent à impliquer la population dans son auto-prise en charge en l’ouvrant aux micro-assurances de santé ou autres mutuelles communautaires. Il s’agit aussi d’ouvrir des centres d’accueil pour les femmes enceintes tout près de leur domicile, afin qu’elles puissent accoucher dans des conditions dignes et confortables et puissent être suivies la dernière semaine avant le terme et après l’accouchement en particulier.

Enfin, AADEC met en place un projet de sensibilisation, en partenariat avec la délégation locale à la Santé et le Fond de Nations Unies pour la Population, pour améliorer le comportement des gens en matière de santé et de reproduction. Le but recherché est de réduire la fécondité en enseignant des méthodes de contraception, et d’encourager les femmes à consulter le planning familial et à accoucher dans des maternités. Le travail s’effectue aussi sur les hommes pour qu’ils incitent, eux aussi, leurs femmes à prendre soin d’elles.

Mots-clés

santé et développement, accès aux soins, infrastructure sanitaire


, Maroc

dossier

Les peuples de montagne dans le monde

Commentaire

Le budget santé doit tenir compte du milieu naturel

La société civile, les bailleurs de fonds par exemple, peut toujours - et doit ! - aider les collectivités locales à installer des centres de santé, mais elle ne peut régler la totalité du problème à elle seule. L’Etat marocain, par l’intermédiaire de son ministère de la Santé, doit prendre conscience des spécificités du terrain. Il doit créer des centres d’accueil, mais aussi faciliter leur accès en créant des routes et en offrant des moyens de mobilité adaptés (ambulances 4x4). « La santé doit accéder à la population et la population à la santé ». Il faut aussi remédier aux carences en ressources humaines, il faut recruter plus de personnel infirmier et le former aux difficultés géographiques, climatiques qu’impose le milieu ; l’attirer dans les montagnes en lui offrant des compensations telles qu’un logement de fonction. La montagne impose des contraintes qui n’existent pas dans le milieu urbain, il faut en tenir compte dans le budget santé. Les restrictions devraient être moins importantes lorsqu’il s’agit d’un poste aussi délicat et crucial. Les acteurs de développement des zones de montagnes ont eux aussi leur rôle à jouer. Qu’elles soient nationales ou internationales, les ONG et associations doivent dès aujourd’hui exercer du lobbying afin de faire reconnaître par la loi marocaine la particularité des zones de montagnes et mettre en place des stratégies adaptées.

« La montagne c’est avant tout une zone d’altitude. Mais plus qu’un simple relief, elle sous-entend des contraintes naturelles, une culture et une identité particulière et des acteurs sociaux et économiques spécifiques. »

Notes

Cet entretien a été réalisé par ALMEDIO Consultores avec le soutien de la Fondation Charles-Léopold Mayer pendant la rencontre régionale organisée par l’Association des Populations des Montagnes du Monde - APMM.

Source

Entretien avec Mustapha OUZOUHOU, médecin, Président de l’Association Azilal pour le Développement, l’Environnement et la Communication, B.P. 100 Quartier administratif-Jardin public, Azilal 22000 - Tel.: \(+212) 23 45 98 12 ; \(+212) 71 33 91 06 - Fax : 00212 23 45 98 12 - aadec2000 [at] hotmail.com - www.aadec.yabladi-voila.fr

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