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Chauffe-eau solaires en Tunisie (3)

Impacts et perspectives du programme PROSOL

Rafik MISSAOUI

04 / 2007

Lire les deux premières parties de cette fiche : Etat du marché, marché potentiel et contraintes de développement du programme PROSOL et L’ingénierie financière du projet PROSOL

Les impacts du programme PROSOL

La réalisation du programme PROSOL devrait permettre une économie d’énergie primaire cumulée d’environ 620 ktep sur la durée de vie des CES installés sur la période 2005-2009.

Ces économies d’énergie primaire se traduiront par :

– Une économie en devises d’environ 570 MDT, ce qui contribuera à l’amélioration du solde de la balance des paiements.

– Un montant évité de subvention de l’État sur la consommation du GPL pour le chauffage de l’eau sanitaire d’environ 285 MDT, contre un montant global de la subvention d’investissement du CES d’environ 30 MDT, ce qui contribuera à réduire sensiblement le déficit budgétaire public.

– Un évitement des investissements nécessaires pour le renforcement des capacités de stockage du GPL, pour satisfaire l’augmentation des besoins liés au chauffage de l’eau.

À ces impacts directs, il faudra ajouter les impacts en termes de volume d’affaires généré par le programme.

Ce volume de marché peut être estimé, sur la période 2005-2009, à plus de 150 MDT.

Sur le plan social, les emplois qui seront créés dans le cadre du programme à l’horizon 2009, peuvent être estimés à plus de 2 000. La valeur sociale de ces emplois est d’autant plus importante que ces derniers sont essentiellement des emplois de proximité, créés dans les régions par l’activité d’installation et de services après-vente.

Les premiers retours d’enseignements de PROSOL

  • La réaction du marché

Les premières réalisations montrent que le mécanisme du programme PROSOL a effectivement permis de palier la baisse de la demande engendrée par la fin du programme FEM et de relancer la dynamique du marché (figure 6). En effet, en 2005, alors que le programme n’a démarré effectivement qu’au mois d’avril, les réalisations étaient de 23 000 m2 de capteurs, soit 35 % de plus que la meilleure année du programme FEM (17 000 m²).

En 2006, plus de 35 000 m2 de capteurs ont été installés, le double de la meilleure année enregistrée lors du programme du FEM.

Par ailleurs, il est important de mentionner que le marché a été en partie freiné par l’insuffisance de l’offre qui devrait mettre un peu de temps pour s’adapter à la hausse rapide de la demande. Des délais de livraison relativement longs ont été parfois enregistrés à cause de cette situation.

  • L’impact sur l’offre

Le rythme de réalisation devrait donc naturellement s’accélérer avec le renforcement de l’offre locale qui va se développer dans les années à venir. En effet, le signal positif donné par l’État, et qui s’est traduit par la dynamisation du marché, a eu un effet immédiat en termes d’attraction d’investissements locaux et internationaux dans l’industrie du CES en Tunisie.

En 2005, quatre fournisseurs dont 2 fabricants étaient conventionnés avec le programme PROSOL et effectivement opérationnels. Fin 2006, on compte plus de 10 fournisseurs dont 5 fabricants et assembleurs. L’année 2007 connaîtra l’entrée en production d’au moins 2 nouveaux fabricants de CES en Tunisie. Certains de ces fabricants sont d’envergure internationale et profitent de l’assise offerte par le marché tunisien pour se positionner sur le marché régional, maghrébin et africain.

Figure 6 : Premières réalisations et prévisions du programme PROSOL

Premières réalisations et prévisions du programme PROSOL

Par ailleurs, l’accroissement de la demande a incité certains fournisseurs à introduire, pour la première fois sur le marché tunisien, de nouvelles techniques solaires telles que le tube sous vide. Cela est de nature à diversifier l’offre technologique et mieux répondre ainsi aux différents segments de la demande.

Enfin, malgré la flambée des prix de certaines matières premières essentielles dans la fabrication des CES (acier et cuivre, notamment), les prix de ces derniers sont restés relativement stables depuis le démarrage du PROSOL, grâce à l’instauration d’un marché concurrentiel.

Les augmentations des coûts de facteurs ont été bien compensées par les gains de compétitivité et les économies d’échelle réalisées par les fournisseurs.

  • La structure de la demande

L’un des effets observés du PROSOL est l’inversion de la structure de la demande en termes de capacités des CES installés, et ce, grâce aux modalités des crédits de financement offerts. En effet, la répartition de la demande entre les CES de 200 litres et ceux de 300 litres était avant le programme de respectivement 70 % et 30 %.

Actuellement, la part des CES de 300 litres représente environ 60 % du marché. Cette évolution correspond à une meilleure satisfaction des besoins des ménages en eau chaude.

En termes de modalités de paiement, l’analyse des premiers résultats de PROSOL montre qu’environ la moitié des achats des CES est payée par crédit. Les payements au comptant correspondent au segment de marché des ménages relativement riches, pour lesquels l’investissement initial pour l’acquisition du CES ne constitue pas réellement une barrière. Dans l’avenir, la part des financements par crédit risque d’augmenter après l’épuisement progressif des segments supérieurs de la demande.

Les perspectives d’amélioration du mécanisme

Du fait de son caractère pilote, l’ANME assure un suivi et une évaluation continue du programme PROSOL, rendue possible grâce au MIS (Management Information System) mis en place dans le cadre du programme ainsi qu’à l’approche de consultation permanente instaurée avec les différentes parties prenantes de la filière (fournisseurs, banques, STEG, etc.).

Sur la base des premières évaluations, des actions d’amélioration ont déjà été identifiées et discutées avec les parties prenantes. Certaines actions ont déjà été mises en place et d’autres le seront à court terme.

Parmi les améliorations de fond, il faut citer en particulier le fait que dans le nouveau mécanisme, l’endettement inhérent au financement des ventes de

CES ne sera plus supporté par les fournisseurs, ce qui permettra d’alléger notablement la structure de leur bilan. La responsabilité juridique du remboursement du crédit sera assumée directement par le client final, mais le paiement des banques sera garanti par la STEG.

Après la première année de rodage des procédures, les versements aux banques des remboursements de crédits collectés par la STEG sont effectués aujourd’hui à des échéances mensuelles et non plus trimestrielles, ce qui permet d’améliorer la liquidité financière du système.

Enfin, l’éventail des tailles du crédit offert aux clients a été élargi afin de mieux couvrir la gamme des prix sur le marché, en intégrant de nouvelles modalités : 550 DT et 1 150 DT.

L’approche PROSOL, gage de durabilité

Le programme PROSOL repose sur des mécanismes financiers, institutionnels et organisationnels innovants qui le rendent unique dans la région, voire dans le monde. Ces mécanismes visent tous un objectif de durabilité sur les plans financier, économique et technique.

Le premier atout de durabilité est l’approche « gagnant-gagnant » sur laquelle repose le programme.

En effet, au niveau de l’État, le soutien financier qu’il apporte au CES ne se traduit pas par un effort budgétaire supplémentaire. La subvention publique, estimée à 30 MDT, est largement compensée par le montant de subvention évitée sur la consommation de GPL pour l’eau chaude sanitaire, estimé à 285 MDT sur la durée de vie des équipements. Au niveau du secteur bancaire, la mise en oeuvre du programme permet de créer un portefeuille global de crédit d’environ 90 MDT sur la période 2005-2009. Ce portefeuille est par ailleurs de haute qualité, du fait de sa sécurisation grâce aux remboursements des crédits via la facture d’électricité.

Pour les fournisseurs, il est évident que le programme constitue une opportunité unique d’affaires, compte tenu du volume de marché (150 MDT) qu’il génère, d’une part, et la visibilité qu’il offre aux opérateurs, d’autre part. Au niveau du citoyen, le programme lui permet d’améliorer le niveau de son confort en bénéficiant d’un service d’eau chaude de qualité, à des conditions de paiement particulièrement avantageuses.

Au niveau de la collectivité, le programme permet d’éviter la sortie de montants importants de devises (plus de 570 MDT) et de créer des emplois dans le secteur industriel et de service de proximité.

Cette approche « gagnant-gagnant », où toutes les parties prenantes trouvent leur intérêt, est un gage fort de durabilité de développement de la filière. Cet atout est d’autant plus important que les cours mondiaux de pétrole continueront à grimper dans les années à venir.

L’administration, à travers l’Agence Nationale pour la Maîtrise de l’Énergie, joue un rôle primordial de régulation et de contrôle afin de préserver les intérêts de tous les acteurs. En particulier, le programme a prévu des règles de contrôle de qualité en amont et en aval du processus d’installation des CES afin de protéger le consommateur final et, par là même, l’image du CES. La promotion d’une image positive du CES est en effet une autre condition de durabilité de développement de la filière.

Cette régulation est basée sur des règles transparentes consignées de manière détaillée dans un manuel de procédures qui a été élaboré selon une démarche participative impliquant étroitement l’ensemble des acteurs concernés : Agence pour la Maîtrise de l’Énergie, Ministère en charge de l’industrie et de l’énergie, Ministère en charge des finances, fournisseurs, Banque Centrale, Association Professionnelle des Banques, etc.

Enfin, la clarté et la transparence des mécanismes mis en oeuvre dans le cadre du programme inciteront les bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux à appuyer les efforts de l’État tunisien en fournissant, en amont, les budgets nécessaires pour la subvention publique.

Cela est de nature à conférer une plus grande visibilité et assurance à l’ensemble des acteurs et en particulier aux fournisseurs.

Cette visibilité encouragera les investisseurs à investir dans une industrie locale de CES et à profiter de la prospérité du marché national pour développer des opportunités d’expansion sur le marché régional, voire mondial.

Le programme PROSOL traduit typiquement l’optimisation des ressources nationales à travers un partenariat public/privé adéquat dont l’esprit pourra être sans doute élargi au développement d’autres filières renouvelables : éolien de grande puissance, pompage photovoltaïque et éolien, valorisation de déchets, etc.

Mots-clés

économie d’énergie, production d’énergie, financement des énergies renouvelables, énergie solaire


, Tunisie

dossier

Énergies renouvelables, développement et environnement : discours, réalités et perspectives (Les Cahiers de Global Chance n°23, avril 2007 en coédition avec Liaison Énergie-Francophonie)

Notes

Rafik MISSAOUI est ingénieur en Génie industriel, il a été Chef de Service dans une banque de développement en Tunisie, thésard et chargé de mission à l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie en France, puis Responsable Maghreb au bureau d’études Transénergie. En 2000, il a créé son propre bureau d’études et de conseil en Tunisie (ALCOR).

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