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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Un pôle ressources Habitat Groupé en Région wallonne de Belgique

Pour un habitat collectif durable et solidaire

Benoît DEBUIGNE

05 / 2008

A l’origine du projet

A la fin des années ’90, l’association Habitat et Participation a été interpellée par des habitants qui souhaitaient se lancer dans l’aventure de l’Habitat Groupé, mais sur un modèle différent des Habitats groupés des années ’60. L’association a dès lors proposé à la Région wallonne de devenir en 2006 un Pôle Ressources pour les Habitats Groupés !

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Ce n’est pas tant la forme des habitats groupés actuels qui diffère mais bien les motivations des gens qui désirent y rentrer. Là où, il y a vingt-cinq ans, on y rentrait en contre-réaction à une société capitaliste et individualiste, on y adhère maintenant plus par contraintes socio-économiques (pression immobilière, diminution du pouvoir d’achat, éclatement familial,…) ou par souci environnemental (système collectif de lagunage, installation collective de panneaux solaires,…). Les nouveaux habitats groupés sont souvent bien loin de la critique initiale d’un modèle social et préfèrent créer une microsociété ‘hors de la société’ où il s’agit de se mettre ensemble face aux problèmes sociaux, économiques ou environnementaux rencontrés.

 

Qu’est-ce qu’un habitat groupé ?

C’est un habitat où l’on retrouve plusieurs entités (familles ou personnes) et plusieurs espaces individuels et collectifs autogérés. On estime qu’il existe 6 dimensions principales qui caractérisent ce type d’habitat :

- La dimension spatiale : l’habitat groupé est composé d’espaces privés (habitations ou appartements autonomes) ainsi que d’espaces communs (jardin, salle commune, etc.) définis par l’ensemble du groupe.

- La dimension sociale : cette dimension est complémentaire à la première puisque qu’elle prône l’épanouissement de la vie sociale (au travers des espaces communs) sans altérer l’épanouissement de l’individu (au travers de sa sphère privée).

- La dimension volontariste : la spécificité de l’habitat groupé est qu’il faut avoir la volonté de vivre de manière collective. Ce type d’habitat peut être proposé à un public en difficulté mais celui-ci doit alors faire preuve de volonté afin d’y être intégré.

- La dimension idéologique : l’habitat groupé se construit autour d’un projet commun à tous les membres du groupe, généralement consigné par écrit (via une charte, un objet social, un acte de copropriété).

- La dimension d’autogestion : les occupants d’un habitat de ce type sont les gestionnaires de leur lieu et de leur mode de vie (organisation interne, rencontres, tâches, etc.), ce qui varie en fonction du public de l’habitat groupé.

- La dimension de temporalité : l’habitat groupé se structure dans le temps avec la possibilité d’évoluer quant à son organisation interne, ses règles, ses projets, ses habitants, etc.

Plusieurs dimensions énoncées permettent de différencier un ensemble d’appartements en copropriété ou un logement social d’un habitat groupé. L’implication de chaque habitant pour créer son cadre de vie y est plus intense et plus diversifiée que le simple fait d’habiter un logement.

 

Objectifs et enjeux

1 Les objectifs poursuivis par les personnes qui veulent mettre en place des habitats groupés : se donner les moyens d’être en meilleure adéquation entre besoins, envies, valeurs et principes de vie que dans le logement traditionnel. L’enjeu de la maîtrise sur son logement, voire sur son environnement, est aussi souvent recherché : plus grande maîtrise de l’environnement, du social et de l’économique. Enfin, il y a souvent un état d’esprit lié au changement de société ainsi que de tisser du lien social (vivre au rythme de ses voisins et ne plus être anonyme)

2 Dans ce contexte, le pôle ressources a pour objectif de sensibiliser aux concepts, enjeux, limites de l’habitat groupé ; de les informer sur les projets existants ; d’identifier les problèmes rencontrés et de proposer des solutions avec les personnes ; d’échanger entre habitants groupés (ou candidats) ; de faciliter la mise en place de nouveaux projets, en ce compris la sensibilisation des pouvoirs publics locaux et régionaux.

 

Déroulement du projet

Dans un premier temps, nous avons identifié les habitats groupés existants sur notre territoire. Ceci a permis de réaliser une typologie croisée de projets et de publics cibles :

  • Projets de type culturel, spirituel, idéologique, environnemental, social,…

  • Publics cibles : ‘Monsieur tout le monde’, personnes âgées, en précarité sociale, de jeunes, de personnes sortant d’assuétudes, intergénérationnel,…

Le gradient (l’intensité) de collectif est une autre façon de « classer » les habitats groupés. Cette dimension est principalement spatiale, notamment dans l’approche duale espaces collectifs - espaces individuels, même s’il est vrai que l’on pourrait y ajouter les dimensions de temporalité avec des activités collectives. Dans certains habitats groupés, les espaces collectifs sont peu nombreux et de faible nécessité (jardins ou piscines collectifs) tandis qu’à l’extrême, dans d’autres, tout est commun sauf les chambres qui restent individuelles : séjour, salle à manger, cuisine, salle de bain, … A partir de ce constat, on peut discuter de la position de deux formes d’habitat un peu particulières : la colocation et l’écoquartier. Dans le premier cas, tout est commun sauf en général la chambre tandis que, dans le second, on partage un espace public ou semi-public. On parlera alors respectivement de micro-habitats groupés et de macro-habitats groupés.

Un site Internet avec l’ensemble des habitats groupés existants ainsi qu’un certain nombres d’informations pratiques a été réalisé ; un forum Internet permet aux personnes de s’interconnecter pour échanger des pratiques et pour trouver de nouveaux projets (Offres et Demandes).

Le pôle ressources a ensuite réalisé des conférences thématiques (aspects architecturaux, financiers, environnementaux, etc.) afin de permettre aux habitants, futurs habitants, mais aussi professionnels du logement, associations et pouvoirs publics d’aider à la création de nouveaux projets d’habitats groupés. Ceci avait aussi pour objectif de modifier les dispositifs (légaux, financiers) actuels qui sont parfois autant de frein au bon déroulement du projet.

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Depuis début 2008, le Pôle ressources vise davantage à sensibiliser et à faire évoluer les mentalités et les dispositifs tant au niveau du secteur public (feuillets explicatifs réalisés à l’attention des pouvoirs communaux – démarches auprès du Ministère des Finances ainsi que du Ministère du Logement) que privé (banques alternatives ou non). Des groupes de travail constitués par les personnes concernées se réunissent pour élaborer ensemble des pistes de solution et d’action.

 

Données pratiques

Echelle territoriale : Région wallonne et Bruxelles

Public cible : les habitants et futurs habitants d’habitats groupés — la Région wallonne de Belgique — les Communes — les associations

Acteurs du projet : Habitat et Participation, la Région wallonne, des associations, les pouvoirs publics et politique, les habitants et les candidats à l’habitat groupé.

Durée actuelle : Depuis 2006 jusqu’à aujourd’hui

Résultats actuels : Réalisation d’outils d’aide à la création d’habitats groupés et, de façon plus générale, une prise de conscience de la part des pouvoirs publics et politiques de l’intérêt de la formule « habitat groupé ».Un engouement certain de la part de personne en recherche d’un mode d’habiter différent.

Sources de financement : Région wallonne de Belgique

 

10 Principes de Bonne Gouvernance

10 Questions ont ensuite été posées lors de cet entretien pour mieux comprendre comment cette expérience peut s’approcher des principes de Bonne Gouvernance énoncés par {l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire en juin 2001 in «Les principes de la gouvernance au XXIe siècle» et ce afin d’échanger ces pratiques avec celles du Congo en matière d’habitat et de gestion des déchets.

1-Se fonder sur une approche territoriale et le principe de subsidiarité

Le pôle ressource réalise des accompagnements de projet différenciés selon que l’on soit en milieu urbain (aspects sociaux plus exploités) ou rural (aspects environnementaux plus exploités). Une réflexion plus systématique sur l’articulation et les spécificités territoriales n’a pas été réalisée.

Les pouvoirs publics régionaux appuient le pôle ressources financièrement, mais les projets qui se mettent en place rencontrent souvent des freins dans les dispositifs existants. Il semble qu’il y ait une certaine frilosité à voir se développer trop de projets sans cadre précis, une certaine peur des effets pervers dus à une trop grande ouverture au niveau financier et légal.

2-Instituer un dialogue au sein de communautés plurielles

Le pôle ressources, sans en faire une généralité, promeut au sein des groupes d’habitants rencontrés la diversités et la rencontre entre publics cibles (exemples : l’habitat intergénérationnel, l’habitat solidaire entre personnes en difficultés qui peuvent s’entraider). La question de l’élaboration des règles internes de fonctionnement du groupe se traite de manière spécifique au sein du pôle qui favorise la réalisation d’une Charte de Principes Communs qui peut être liée à un Règlement d’Ordre Intérieur.

3-Remettre l’économie à sa juste place – Gérer les ressources

Le pôle favorise l’échange d’expériences entre habitants, notamment via les outils informatiques (forum,…), les journées de rencontre et les visites de projets existants. L’objectif est de les faire réfléchir sur l’opportunité de créer des projets de type non marchand au sein de leur habitat groupé : modalités de solidarité, économie sociale, approche développement durable, etc. Nous leur ouvrons aussi les yeux sur l’opportunité de réaliser des mises en commun de biens et services (au niveau énergétique, espace vert pour un potager collectif, outils de jardinage, maison communautaire ouverte sur le quartier,…)

4-Se fonder sur une éthique universelle de responsabilité

Ce n’est pas une démarche volontariste de ce pôle ressources. Cependant, sous certains aspects, nous mettons les habitants en responsabilité collective face aux problèmes environnementaux. Nous induisons une réflexion environnementales et développement durable pour les nouveaux projets.

Les valeurs véhiculées par le pôle ressources sont : le collectif – la solidarité – la valorisation des compétences des habitants – responsabilité vis-à-vis de son voisin. Elles sont visiblement partagées et même renforcées par les personnes qui approchent ce pôle ressources (habitants – techniciens – fonctionnaires – politiques).

5-Définir un cycle d’élaboration de décision et contrôler les politiques publiques

Le projet a été élaboré par Habitat et Participation suite aux demandes émanant des habitants. Le projet évolue actuellement en fonction des rencontres avec les habitants et les fonctionnaires qui y participent. L’acteur politique finance le projet, mais reste peu présent dans son action.

6-Organiser la coopération et les synergies entre acteurs

C’est l’objectif premier de ce pôle ressources via des approches thématiques et de publics cibles. Quelques exemples : organisation de journées de rencontre entre habitats groupés – forum Internet pour se faire rencontrer offre et demande – visites d’expériences entre habitants pour favoriser les échanges formels et informels.

7-Concevoir des dispositifs cohérents avec les objectifs poursuivis

Certaines activités sont bien pensées ; le point faible est le ‘coaching’ de groupe d’habitants. La question des moyens est bien ici une cause liée à ce manque. Le projet, en cours d’évolution, se donne davantage de possibilités maintenant d’interpellation des politiques, afin de rendre le dispositif plus cohérent.

8-Maîtriser les flux d’échange des sociétés entre elles et avec la biosphère

Le pôle a pour objectif de créer davantage de flux d’information entre les habitants (cfr ci-dessus).

La valorisation du ‘capital social’ des habitants qui résident en habitat groupé est amplement valorisé via des visites d’expériences organisées par le pôle ressources. Lors des animations, nous tentons de favoriser l’usage de ce capital social dans le montage de nouveaux projets.

9-Gérer la durée et savoir se projeter dans le temps

Cette question n’a pas (encore) été abordée en terme d’harmonisation. Lors des rencontres de groupes d’habitants, nous leur avons donné des informations sur les durées liées aux aspects administratifs. Certains besoins sociaux ne peuvent pas être rencontrés dans l’urgence.

Chaque année, le pôle ressources organise une rencontre des habitats groupés sous forme festive où habitants – fonctionnaires – secteur privé – politiques sont invités.

10-De la Légalité à la légitimité de l’utilité, des valeurs et des méthodes

Lors de la première rencontre annuelle des habitats groupés, nous avons demandé aux personnes de réfléchir au pôle ressources, à quels besoins devrait-il répondre. Ce qui est ressorti de la ‘ballade thématique’ organisée avec les habitants est que ce pôle devait répondre aux besoins suivants : faire évoluer le cadre légal général – promouvoir des changements législatifs spécifiques – rencontrer des besoins d’échanges – rencontrer des besoins de coaching individuel ou collectif – amener une forme de reconnaissance de ce mode d’habiter dans une typologie à définir.

Mots-clés

gestion de l’habitat, coopérative de logement, gouvernance, solidarité, autogestion, aménagement urbain, aménagement du territoire, aménagement rural


, Belgique, Wallonie

dossier

Bonne Gouvernance en matière d’habitat et de gestion des déchets

Commentaire

Le danger de l’habitat groupé est de se refermer sur lui-même, de créer une sorte de ghetto au sein du collectif. Il est dès lors toujours nécessaire de s’interroger sur le degré d’ouverture, de perméabilité au monde du collectif afin d’en apprécier l’intérêt. A l’inverse, des personnes seules ont pu, grâce à la sécurité apportée par le collectif, recommencer à avoir une vie sociale extérieure.

Cette formule d’habiter peut faciliter la rencontre de grands enjeux de société contemporains. Par exemple, l’habitat groupé peut encourager une densification au niveau du bâti et donc une utilisation parcimonieuse de l’espace, mais pas forcément si cet habitat groupé décide de s’approprier de très grandes parcelles.

L’habitat groupé peut également répondre aux problèmes de solitude, faciliter les économies d’échelle, renforcer la cohésion sociale, développer des modes de vie plus durables,… si le groupe décide de rencontrer ces enjeux.

Finalement, il n’existe pas un modèle unique d’habitat groupé, chacun apporte des réponses à certains défis de société, mais peut aussi poser de nouvelles difficultés.

Questions que pose cette expérience :

1) L’habitat groupé correspond à un mode d’habitat différent, alternatif. Comment faire en sorte que ce mode d’habiter soit accepté, reconnu, voire soutenu par les autorités publiques, voire même par les simples voisins ?

2) Dans un contexte de crise du logement (de moins en moins abordable), un pouvoir public doit-il accepté – encouragé – soutenir des modes d’habitat ‘hors normes’ ?

3) Comment un découpage institutionnel sectoriel peut-il être cohérent face à des solutions habitat ayant une approche plus globale (dimensions économique – environnemental – social – participative – urbanistique - …) ?

Notes

Cette fiche a été élaborée dans le cadre d’un échange d’expériences sur les pratiques de Bonne Gouvernance en matière d’HABITAT et de GESTION DES DECHETS entre le Congo et la Belgique en 2007 et 2008.

Source

Entretien

Habitat et Participation - Place des peintres 1/004, 1348 Louvain-La-Neuve, BELGIQUE - Tél. (32) 10 45 06 04 - Fax (32) 10 45 65 64 - Belgique - www.habitat-participation.be - hep (@) tvcablenet.be

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