español   français   english   português

dph participe à la coredem
www.coredem.info

rechercher
...
dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Le langage silencieux

Une lecture du livre d’Edward T. Hall

Claire BARTHÉLÉMY

12 / 2006

Le langage silencieux est ce langage sans paroles qui est pour Edward T.Hall une source essentielle de la communication, mais aussi et donc des quiproquos culturels.

Dans cet ouvrage, il décortique le rapport au temps dans les différentes cultures. Par exemple, être en retard, faire attendre. Ou encore, le rapport des individus au passé, au présent et au futur, ou au découpage du temps : les heures de la journée, les semaines. Il prend pour cela divers exemples, particulièrement aux Etats-Unis où il compare la culture américaine et la culture indienne, ou la culture latine.

Ce livre s’inscrit dans la recherche d’Edward T. Hall sur les dimensions cachées, inconscientes, de la culture, qui dictent nos comportements. Il commence d’ailleurs ainsi : « Le temps parle. Il parle plus simplement que les mots. (…) Parce qu’il est utilisé moins consciemment, il ne risque pas d’être dénaturé comme l’est le langage parlé. Il peut clamer la vérité quand les mots mentent ». Au-delà du temps, l’analyse de cet anthropologue américain porte en fait sur l’ensemble de la communication.

En généralisant une analyse faite sur le temps, il distingue alors trois types de comportements humains apparaissant de façon progressive, le formel, l’informel et le technique.

Il prend l’exemple du ski pour expliquer cette distinction : le ski, formel pour les habitants de Grand Lake qui doivent se déplacer à ski pendant l’hiver, conçu plutôt comme informel pour les skieurs du dimanche qui savent comment s’y prendre mais ne peuvent vraiment l’expliquer, et technique pour les skieurs professionnels. La connaissance formelle s’apprend par l’injonction, la remontrance, la connaissance technique se transmet de façon explicite du maître à l’élève, et la connaissance informelle se constitue autour d’un modèle qu’on cherche à imiter : « des systèmes de comportement composés de milliers de détails sont transmis dans leur totalité de génération en génération sans que personne puisse énoncer les lois qui régissent un événement ».

Cette triade peut être appliquée à l’ensemble de l’activité humaine : à la transmission des connaissances comme à la conscience, à l’affect et aux attitudes vis-à-vis du changement. Elle permet d’analyser la société.

L’auteur analyse ensuite différentes formes de communication, particulièrement dans leur dimension inconsciente, « comment l’homme interprète les actes de ses semblables » : le langage, le temps, l’espace, la communication interpersonnelle.

A cette occasion, il étudie par exemple la question des séries.

Une série est un groupe de plusieurs composantes distinctes qui s’organise selon un schéma différent d’une culture à l’autre et qui est valorisée plus ou moins d’une culture à l’autre. Pour expliquer ces concepts, Edward T. Hall développe des exemples vraiment très divers, allant de la richesse du vocabulaire de la neige chez les Eskimos au marchandage au Moyen-Orient, en passant par l’importance accordée à la plomberie, aux sentiments et à la logique au Venezuela, aux Etats-Unis et au Japon. Il examine avec beaucoup d’à propos et de minutie le quotidien, ce qui semble sans importance, l’inconscient de la culture traduite dans des détails.

Tous ces exemples montrent bien l’importance de cette communication non verbale, de nature culturelle, dans les rapports entre les hommes. Il est nécessaire d’y prêter attention pour favoriser la compréhension mutuelle. C’est l’effort d’aller « au-delà de la culture » qu’Edward T. Hall exhorte ses lecteurs à faire. L’influence parfois radicale de la culture sur les comportements, les schémas culturels si constants qu’ils limitent les alternatives individuelles, et finalement un certain déterminisme peuvent être dépassés par la prise de conscience de l’existence de l’univers culturel de chacun.

Ce livre, écrit en 1959, l’un des premiers d’Edward T. Hall, présente cette théorie de façon passionnante, amusante et approfondie. On apprend beaucoup de choses et il est très agréable à lire, et peut-être le plus facile pour aborder les travaux de l’auteur.

Mots-clés

comportement culturel, identité culturelle, anthropologie

Source

Livre

HALL Edward T. Le langage silencieux. Paris : Seuil, 1984. Collection Points Essais. 237 p.

Développement et Civilisations - Centre international Lebret-Irfed - 49 rue de la Glacière, 75013 Paris, FRANCE - Tel 33 (0) 1 47 07 10 07 - France - www.lebret-irfed.org - contact (@) lebret-irfed.org

mentions légales