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Le bail ‘glissant’, un accompagnement au logement durable par Habitat Service

Restaurer une relation de confiance entre propriétaires bailleurs et locataires

Pascale THYS

06 / 2008

A l’origine du projet

Créé en 1994 à l’initiative de l’association Maison d’accueil des Sans Logis, l’association Habitat Service a voulu proposer une offre de logement permettant d’éviter aux personnes précarisées (sans logement – mal logé) les Maisons d’accueil. A l’initiative de ce projet, la responsable de l’époque a réalisé un tour d’Europe afin de prendre connaissance de dispositifs mettant en avant l’aspect préventif du logement. Elle trouve l’idée en France : le bail glissant, un contrat de bail passé d’abord entre propriétaire et association garante du locataire, puis après 6 mois à 1 an entre les deux parties (locataire réel – propriétaire bailleur). Le dispositif est adapté au système belge aux niveaux juridique, social et politique et ce en fonction du public cible choisi (sans logement – mal logés).

Objectifs et enjeux

En Belgique, la plupart du temps, pour les personnes en précarité sociale, deux solutions de relogement s’offrent à elles : le logement social quasiment sans aucun accompagnement social ou le logement de transit ou d’insertion (6 mois / 1 an) avec accompagnement social et obligation de trouver un autre logement au terme du bail. L’enjeu du projet est d’offrir aux personnes un logement durable (sans obligation de déménagement) et un accompagnement social transitoire. Un locataire a bien résumé l’enjeu d’Habitat Service en disant qu’il « maintenait l’équilibre entre les intérêts des deux parties. »

1 Travailler avec le parc locatif privé pour créer du lien entre des mondes qui se côtoient parfois difficilement, bien que chacun ait besoin de l’autre.

2 Réconcilier les propriétaires privés avec une population en précarité souvent mal perçue ; changer les représentations de ces propriétaires échauder par de mauvaises expériences passées.

3 Casser un parcours fait de ruptures pour des personnes qui n’ont jamais eu de logement correct ; leur donner d’autres critères de choix pour leurs futurs logements (qualité du logement, voisinage, quartier).

Déroulement du projet

Habitat Service se donne pour but de contribuer à la mise en œuvre du droit à un logement décent et durable et utilise pour cela un dispositif de logement qui permet aux personnes à revenus modestes l’accès direct à ce logement.

Concrètement, pour cela, l’association a mis en place le système du bail glissant : elle se porte le garant du bail locatif durant une durée déterminée (6 mois à 1 an), puis un autre bail est conclu normalement entre locataire et propriétaire. Le bail glissant permet donc :

  • de mettre à disposition, pour une durée déterminée selon les difficultés du ménage, un logement dont Habitat Service est, dans un premier temps, locataire.

  • d’assurer, pendant cette période, un accompagnement social qui permettra aux personnes d’assumer leurs obligations locatives et, de façon plus large, de s’insérer socialement.

  • De permettre, à terme, au bail de glisser au nom de la personne, qui reste donc dans ce logement et en devient locataire à part entière.

La spécificité du bail glissant réside dans les deux axes autour desquels le travail s’articule : l’accompagnement des locataires ET la médiation avec les propriétaires. « Pour la majorité des situations rencontrées, grâce au bail glissant, notre service occupe une place charnière entre la vie institutionnelle, l’errance et la réinsertion sociale. On y observe que le point de départ d’une stabilité accrue passe par l’occupation optimale d’un logement et la reconstruction progressive d’un réseau avec l’aide des institutions existantes. La personne doit cependant être demandeuse d’un accompagnement." Côté propriétaire, certaines remarques montrent largement l’intérêt de la formule : « Je n’aurais pas pris le risque de louer mon bien à une personne percevant des allocations de remplacement sans la garantie financière d’Habitat Service. » ou encore « Le système mis en place permet d’éviter que les personnes issues du quart monde soient ghettoisées. » et enfin « Le système permet de maintenir l’équilibre entre les deux parties (…) le locataire est bien informé aussi de ses devoirs."

Une enquête ‘post bail glissant’ est en cours, afin de mesurer la satisfaction des deux parties ainsi que le taux de réussite de cette expérience. Lire à ce propose la rubrique « commentaires ».

Données pratiques :

Échelle territoriale : Région wallonne, plus spécifiquement Liège et environs

Public cible : Selon une enquête récente, 50% de sans logis qui résident en institutions, en hébergement d’urgence, chez des amis après expulsion, etc. – 40% de mal logés pour raisons de surpeuplement, insalubrité ou coût trop élevé du logement – 10% de personnes en cours de modification de la composition familiale, par exemple suite à une séparation.

Acteurs du projet : L’association Habitat Service, les services publics, les partenaires institutionnels, les candidats locataires, les candidats propriétaires (privés ou institutionnels), les services locaux qui prendront en charge la personne.

Durée actuelle : Depuis 1994 au sein de l’association ‘Sans Logis’ et depuis 2004 de manière autonome.

Résultats actuels : Le projet tourne avec environ 40 logements en bail glissant par an.Une récente enquête portant sur les locataires et propriétaires ayant participé au ‘bail glissant’ il y a quatre années donnent les grandes lignes des résultats actuels. Sur les 27 locataires de l’époque, 20 résident toujours dans leur logement ! Ces locataires, âgés en moyenne de 35 à 45 ans, bénéficiant souvent d’un revenu de remplacement, célibataires et de multiples nationalités se disent globalement très satisfaits du résultat. Côté propriétaires, la satisfaction est également très grande tant pour des raisons pratiques de gestion de leurs biens que pour des raisons plus philosophiques (intérêt social du projet).

Sources de financement : La Région wallonne – l’association Sans Logis en tant que propriétaires de nombreux logements - une intervention des propriétaires (15% du loyer) – des subventions ponctuelles diverses (loterie nationale, donateurs privés, etc.). Il existe un récent plan financier sur 20 ans permettant de pérenniser le projet avec une dimension achat/rénovation de logements.

10 Principes de Bonne Gouvernance

10 Questions ont ensuite été posées lors de cet entretien pour mieux comprendre comment cette expérience peut s’approcher des principes de Bonne Gouvernance énoncés par {l’Alliance pour un monde responsable, pluriel et solidaire en juin 2001 in «Les principes de la gouvernance au XXIe siècle» et ce afin d’échanger ces pratiques avec celles du Congo en matière d’habitat et de gestion des déchets.

1-Se fonder sur une approche territoriale et le principe de subsidiarité

Le territoire d’intervention étant limité, il n’y a pas de spécificité territoriale identifiée. Par contre, en ce qui concerne le choix des logements à prendre en bail glissant, il y a des différences territoriales : nous proposons à telle personne un logement dans tel quartier car nous savons qu’il y a des services spécifiques à proximité pour elles (exemple : suivi toxicomanie).

De plus, nous achetons un logement dans tel quartier car ce quartier permet d’obtenir une prime plus importante à la rénovation. De plus, nous choisissons des logements dans des zones ‘à standing’ parce que c’est une façon de tirer les gens vers le haut grâce à un environnement externe positif.

Les pouvoirs publics nous subsidient via un dispositif APL (Association de Promotion du Logement) qui est relativement innovant et nous laisse énormément de liberté (subsidiarité active).

2-Instituer un dialogue au sein de communautés plurielles

Après 2 mois d’installation dans son nouveau logement, le locataire est amené à rencontrer en notre présence son propriétaire chez le locataire en question, histoire aussi de rassurer le propriétaire.

Nous organisons aussi des réunions collectives à divers niveaux : pour promouvoir la rencontre entre locataires chez l’un d’entre eux ; pour réfléchir aux travaux de rénovation à entreprendre ; pour réaliser collectivement le Règlement d’Ordre Intérieur si le bâtiment offre de multiples logements à gérer.

Enfin, Habitat Service aide aussi à la rencontre informelle entre locataires : « Ça m’est arrivé de faire se rencontrer des personnes qui sont en besoin, à savoir par exemple un Monsieur seul et un autre qui avait des problèmes de santé. Cela se fait de manière discrète."

3-Gérer les ressources naturelles et remettre l’économie à sa juste place

Notre travail est à la jonction entre sphère marchande (le logement) et non marchande (les relations propriétaire bailleur – locataires en précarité). Nous portons d’ailleurs les deux casquettes : gestionnaire de logement et accompagnateur social, tant pour aider les locataires que les propriétaires.

La gestion des ressources naturelles se réalise surtout au niveau de l’eau, des déchets et de l’énergie. Elle est intégrée dans l’accompagnement social des locataires, mais aussi des propriétaires à qui l’on propose de rendre leurs logements moins énergivores via des rénovations.

4-Se fonder sur une éthique universelle de responsabilité

Les valeurs véhiculées par le projet sont : la philosophie de l’accompagnement social dans le respect de la personne – la clarté des droits et devoirs de chacun sous forme de contrat de bail – le souci d’être utile tant pour les locataires que pour les propriétaires (gestion WIN WIN des intérêts de chacun) – principe de réalité sociale, financière, etc.

Ces valeurs sont connues des acteurs du projet, mais si elles ne sont pas forcément totalement partagées. L’enquête montre que les locataires ne sont pas spécialement conscients de cette éthique de responsabilité sociétale, mais que les propriétaires le sont davantage puisque beaucoup mettent en avant le côté philosophique du projet comme motif d’adhésion.

5-Définir un cycle d’élaboration de décision et contrôler les politiques publiques

Rappelons que le projet est au départ une émanation purement associative, reconnue des années plus tard par les pouvoirs publics. Aujourd’hui cette reconnaissance et les sources de financement impliquent des contrôles du projet tant de la part des pouvoirs publics que des donateurs.

Nous pensons qu’il existe également une évaluation de sanction régulière effectuée par les propriétaires et les locataires puisque sinon ils ne s’adresseraient pas/plus à Habitat Service.

Enfin, nous réalisons actuellement une enquête, mais c’est la première fois depuis le début du projet.

En terme de débat public sur le projet, on peut signaler que lors d’une Assemblée Générale de l’association Sans Logis, des propriétaires et locataires sont venus spontanément donner leur avis.

6-Organiser la coopération et les synergies entre acteurs

C’est précisément l’objet de notre projet, à savoir d’organiser de la médiation entre propriétaires bailleurs et locataires en précarité. Chaque acteur a un pouvoir d’initiative : suite à notre Atelier de Recherche Logement, une nouvelle Régie de Quartier s’est créée. Les pouvoirs publics s’intéressent de plus en plus à notre expérience : la Ville de Liège, la Région wallonne subventionne une enquête.

7-Concevoir des dispositifs cohérents avec les objectifs poursuivis

L’enquête montre que le dispositif est globalement cohérent et satisfaisant, mais nous avons aussi aujourd’hui grâce à cette enquête des pistes pour améliorer le dispositif : un suivi plus léger à plus long terme à proposer – proposer des formules de colocation – travailler la relation avec le voisinage. (voir aussi l’autoévaluation dans la rubrique commentaire de la fiche).

8-Maîtriser les flux d’échange des sociétés entre elles et avec la biosphère

La question de la biosphère n’est pas traitée au travers du projet. Par contre la dimension de réseau d’information existe (la commune remet aux personnes en recherche de solutions logement une liste de lieux possibles dont Habitat Service ; nous sommes plusieurs fois passés dans les médias). Nous prenons en compte le capital social des locataires et des propriétaires et tentons d’améliorer leurs compétences pour ce qui est de la gestion du bien logement en bon père de famille : diminuer sa consommation d’énergie, apprendre à suivre un locataire en difficulté, etc. Nous pensons par notre action avoir rendu le monde du logement pour les plus précarisés plus compréhensible aux yeux des propriétaires qui ont donné à leur engagement une dimension philosophique et sociale.

9-Gérer la durée et savoir se projeter dans le temps

La stratégie de long terme actuelle est ce plan de financement sur 20 ans pour rendre le projet viable.

La question des rythmes se pose régulièrement, notamment avec du relogement (pas avec les sans abri) car il faut concilier les dispositifs de déménagement et d’emménagement en fonction des souhaits des locataires et des deux propriétaires bailleurs, anciens et nouveaux, ainsi que des dispositifs d’aide existant en Région wallonne.

10-De la légalité à la légitimité de l’utilité, des valeurs, des méthodes

Si la légitimité de notre projet est liée au besoin de personnes, nous pouvons répondre oui à ce principe. Pour le locataire, le besoin est celui d’accéder à un logement durable avec un accompagnement social adapté, logement où il sera accepté malgré certaines difficultés (délit de sale gueule, revenu de remplacement, …). Pour le propriétaire, il y a un double besoin : celui de sécurité de gestion de son bien et celui de pouvoir partager une richesse qu’il possède. Enfin, pour les pouvoirs publics, il s’agit sans doute de soutenir un dispositif qui n’existe pas tel quel sur le marché du logement pour les personnes en précarité.

Mots-clés

gouvernance, médiation, gestion de l’habitat, accompagnement social


, Belgique, Wallonie

dossier

Bonne Gouvernance en matière d’habitat et de gestion des déchets

Commentaire

EVALUATION / REPRODUCTIBILITE :

  • Le taux de réussite de l’opération est très élevé selon l’enquête : sur les 27 locataires cette année-là, seuls 2 ont eu à nouveau des problèmes de logement, soit seulement 7% d’échec !!!

  • L’aspect financier du projet reste fragile ; nous manquons de personnel (sans publicité nous tournons déjà à plein régime) ; nous devrions multiplier les offres diversifiées de parcours logement possibles pour les locataires. Ce projet est reproductible, mais il faut tenir compte du coût de l’accompagnement social indispensable.

  • En ce qui concerne la durée de l’accompagnement, l’enquête menée montre que les 2/3 des personnes n’en n’ont plus besoin après 9 mois, d’où une premier bail glissant signé pour une période de 9 mois, avec prolongation si nécessaire. Mais le souhait de nombreux locataires et propriétaire de continuer dans une version plus light est à prendre en compte.

  • La stabilité dans le logement est atteinte d’après l’enquête, mais une question se pose en filigrane des réponses : la moitié des locataires a obtenu ou souhaite obtenir un logement social « Par rapport au logement d’Habitat Service, les personnes qui sont dans un logement social indiquent avoir apprécié le logement du service au niveau du montant du loyer, mais pas au niveau du voisinage. Or le projet est bien ici de favoriser la mixité sociale, d’insérer les personnes dans des quartiers de standing pour les tirer vers le haut, d’où l’interrogation sur le souhait de ces personnes de préférer le logement social pour des raisons de voisinage ???

Questions posées par l’expérience :

1 : Quels dispositifs mettre en place pour les personnes en grande exclusion qui ne se sont jamais posées et pour lesquelles le bail glissant n’est pas suffisant en terme d’insertion logement ?

2 : Comment arriver à faire reconnaître et à valoriser l’accompagnement social dans des processus d’accès au logement durable, étant donné que cet accompagnement n’apparaît pas productif à court terme ?

3 : Comment faire avancer des cadres et des dispositifs où les synergies et les transversalités soient davantage reconnues dans le travail social ?

4 : Comment arriver à dépasser certaines limites du système, par exemple le souhait de la moitié des locataires d’être en logement social alors qu’on leur offre la possibilité de s’insérer dans un tissu urbain non stigmatisé ou ghettoïsé au contraire du logement social ?

Notes

Cette fiche a été élaborée dans le cadre d’un échange d’expériences sur les pratiques de Bonne Gouvernance en matière d’HABITAT et de GESTION DES DECHETS entre le Congo et la Belgique en 2007 et 2008.

Source

Entretien

Entretien avec Madame Josiane SIMONS et Madame Oriella Di Stefano

Habitat service

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