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Les ressources en eau de l’Inde

Disponibilité, utilisation et problèmes

Binayak DAS

06 / 2009

L’Inde possède environ 4% des ressources mondiales en eau potable, ce qui la place parmi les dix pays les plus riches en eau. Pourtant, d’après le Groupe de travail II du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), repris par l’Organisation Mondiale de la Santé, l’Inde est considérée comme une région de stress hydrique avec seulement 1.122 m3 d’eau douce disponible par an et par habitant, comparés à la norme internationale standard de 1.700 m3 par an et par habitant. Dans l’avenir, et au rythme de consommation actuel, l’Inde, dont les besoins sont croissants, deviendra une région en pénurie hydraulique avec une quantité d’eau douce disponible inférieure à 1.000 m3 par an et par habitant.

La demande en eau est en forte augmentation en raison de l’industrialisation et de l’urbanisation rapide qui s’ajoutent aux besoins plus traditionnels de l’agriculture. Au total, les précipitations sous forme de pluie et de neige apportent plus de 4.000 km3 d’eau douce par an à l’Inde, dont 2.047 km3 retourne dans les océans. Seul un faible pourcentage est donc stocké dans les étendues d’eau et les nappes phréatiques. Les contraintes topographiques, les caractéristiques de la distribution, les limitations techniques et la mauvaise gestion ne permettent pas à l’Inde de tirer profit efficacement de ses ressources en eau.

Les rivières

En Inde, les rivières ont été des éléments vitaux de la culture et du développement. L’Inde est parcourue par douze systèmes fluviaux principaux avec de nombreux ruisseaux et rivières plus petites. Les principaux systèmes fluviaux dans le Nord sont les rivières himalayennes pérennes : le Gange, la Yamuna, l’Indus et le Brahmapoutre. Au Sud se trouvent les rivières non-pérennes, alimentées par les eaux de pluies : la Krishna, la Godavari et la Cauvery. L’Inde centrale dispose de la Narmada, la Mahanadi et la Tapti. Les systèmes fluviaux du Gange-Brahmapoutre et de l’Indus sont les plus importants puisqu’ils traversent près de la moitié du pays, transportant plus de 40% de l’eau de surface disponible de l’Himalaya à l’océan. Plus de 70% des fleuves de l’Inde drainent dans la Baie du Bengale, principalement comme partie du système Gange-Brahmapoutre. La mer d’Arabie reçoit 20% des écoulements totaux, via l’Indus et d’autres rivières. Les 10% restant s’écoulent dans des bassins intérieurs et des lacs naturels.

En Inde, le débit des rivières est fortement influencé par la mousson ce qui conduit à des pics annuels pour la plupart des rivières. Les rivières du Nord prenant leur source dans l’Himalaya connaissent un pic supplémentaire pendant la fonte des neiges printanière. Les niveaux d’eau augmentent et les inondations sont un phénomène courant qui peut aussi conduire à des catastrophes annuelles dans des États tels que le Bihar ou l’Assam. Durant la saison sèche, le débit diminue dans la plupart des grandes rivières et s’arrête même complètement dans les ruisseaux et petits affluents. En raison des faibles pluies et de l’assèchement des lits des rivières, les sécheresses sont une autre calamité courante dans de vastes régions telles que le Deccan. Ainsi, certaines régions de l’Inde souffrent-elles d’inondations tandis que d’autres subissent la sécheresse.

En dehors de leur rôle dans les inondations et des sécheresses, la plupart des rivières indiennes sont utilisées comme dépotoirs des déchets provenant des centres urbains et industriels. En 1995, le Bureau Central de Contrôle de la Pollution (Central Pollution Control Board) a identifié des zones extrêmement polluées sur 18 grandes rivières en Inde. Le mode de destruction est toujours le même : pollution industrielle et domestique, urbanisation incontrôlée, occupations illégales, écoulements de pesticides et d’engrais agricoles, érosion et envasement, surexploitation de l’eau et pratiques religieuses inconsidérées. Ainsi, les 44 rivières du Kerala sont en voie d’extinction en raison de la déforestation, de l’extraction de sable, de la fabrication de briques sur les rives des cours d’eau et de la pollution.

Les rivières sont des sources d’eau potable pour les zones rurales et urbaines, d’eau brute pour l’industrie et l’irrigation. Or la demande en eau est en constante augmentation, conduisant à une surexploitation. Le prélèvement excessif de l’eau des rivières réduit leur débit alors qu’il est très important de le maintenir car il permet de diluer et de transporter les déchets et les polluants. Les canaux d’irrigation et les unités industrielles extraient d’énormes volumes d’eau et, à l’inverse, déversent les déchets agricoles et les effluents contaminés.

De nombreuses rivières souffrent aussi de dépôts de vase dans leur lit qui réduisent le débit et perturbent l’écosystème. La déforestation près des sources des rivières conduit à l’érosion des sols, aux glissements de terrain, aux inondations, à la formation de vase et à la sédimentation des rivières. En Inde, les taux d’envasement sont parmi les plus élevés au monde : on estime que 135.000 millions de tonnes métriques de sédiments et 32.000 millions de tonnes de matières solubles entrent dans l’océan par les différents fleuves. L’eau qui coule dans les rivières indiennes représente 5% de l’eau de toutes les rivières du monde mais elle transporte 35 % des sédiments mondiaux. De grands barrages ont été construits sur de nombreuses rivières afin de réguler le débit de ces grands cours d’eau, de stocker l’eau, de la rediriger pour l’irrigation et de générer de l’énergie. Mais ces mesures ont fortement affecté le débit de l’eau avec pour résultat l’enlisement. Le stockage de l’eau a aussi pour effet d’empêcher le débit naturel, affectant ainsi les écosystèmes.

Les lacs

En dehors des rivières, l’Inde abrite parmi les plus beaux lacs au monde, certains naturels, d’autres artificiels. On les trouve dans les hauteurs de l’Himalaya, dans le Nord-Est vierge, dans les déserts semi-arides du Rajasthan, dans les zones côtières mais aussi dans les métropoles, villes et villages.

En Inde, les lacs sont des sources d’eau pour l’alimentation, l’agriculture et l’industrie. Ils servent à absorber les eaux usées, à contenir les inondations et à recharger les aquifères souterrains. Ils forment un écosystème où de nombreuses espèces d’oiseaux et d’animaux se reproduisent. La pisciculture et l’aquaculture qui y sont liés représentent également des sources de revenus pour la population tandis que le tourisme lié aux lacs est un secteur très rentable. En Inde, il existe des lacs urbains et ruraux avec des étendues d’eau naturelles classifiés par la convention de Ramsar sur les zones humides (1971) : ils sont importants d’un point de vue écologique mais aussi comme source de moyens de subsistance pour de nombreuses personnes.

Progressivement, nombre de ces ressources prisées en eau disparaissent. Plusieurs raisons à cela : l’assèchement des lacs pour la construction immobilière dans les villes, pour l’agriculture et les usines dans les villages ; le déversement des eaux usées, domestiques et industrielles ; les déchets agricoles ; l’empiètement illégal ; et la négligence générale. De plus, alors qu’auparavant les paysans prenaient le limon des lacs pour fertiliser la terre de leurs sols, cet usage du limon est désormais abandonné en raison de l’utilisation des engrais chimiques, ce qui conduit à son accumulation au fond des lacs. Conséquence : les nombreux lacs de grandes villes indiennes telles que Hyderabad, Bangalore et Ahmedabad sont aujourd’hui en sursis.

Dans de nombreux lacs, le tourisme incontrôlé a perturbé la biodiversité de la flore et de la faune – les lacs glaciaires de haute altitude de Tsomoriri et de Tshangu en sont des exemples. Les lacs côtiers ont été aussi affectés par un trop fort degré de salinité dû à un déséquilibre entre les eaux douces des bassins hydrographiques du lac et les entrées d’eau de mer salée par l’embouchure.

D’autres menaces pèsent sur les lacs comme la croissance des jacinthes d’eau qui conduit à la multiplication de maladies endémiques (cf. les lacs Loktak, Dal ou Ropar) ou bien l’immersion des statues de divinités et la dilution des teintures et de la peinture toxiques dans l’eau, lors de festivals religieux dans des villes telles que Bangalore, Bombay ou Bhopal.

Les sanctuaires d’oiseaux et les pêcheries sont également très affectés par le manque d’eau dans les lacs, avec des sources d’approvisionnement détériorées en raison des empiètements et de la perte de zones de captage.

Les aquifères souterrains

Concernant les aquifères souterrains, les régions montagneuses au Nord et à l’Ouest ne permettent pas une infiltration adéquate. De ce fait les disponibilités en eaux souterraines sont limitées aux vallées et autres zones basses. Dans l’Inde péninsulaire, la géologie limite la formation de larges aquifères continus. Le potentiel général de cette région est faible même si certaines zones connaissent des potentiels moyens ou élevés en fonction de l’hydrogéologie locale. Les régions côtières sont riches en eaux souterraines grâce à un terrain très alluvial, mais les aquifères risquent d’être contaminés par l’eau salée en raison d’un pompage excessif.

Le développement de l’utilisation des eaux souterraines est général à tout le pays. Près de 80 % de l’irrigation et 90 % de l’eau potable provient des sources souterraines. Elles contribuent à plus de 85 % des besoins en eau potable des zones rurales, 58 % des besoins en irrigation et plus de 50 % de l’approvisionnement en eau des villes et des industries. On compte 20 millions d’utilisateurs des eaux souterraines en Inde. L’exploitation incessante et inconsidérée de ces eaux ces dernières décennies a engendré une série de crises dont la plus importante est l’épuisement des nappes phréatiques. Cela conduit à l’exploration d’aquifères fossiles qui ne peuvent pas être réalimentés, le forage de puits à pompe mécanique ayant asséché des aquifères sous-terrains dans de nombreuses régions du pays qui ont été déclarées “zones sombres”. Le taux d’extraction est alarmant. Ainsi le Bureau central des nappes phréatiques (Central Ground Water Board) a enregistré une baisse annuelle de 2,5 à 3 m dans les niveaux des nappes des zones urbaines d’Ahmedabad où le taux d’exploitation des aquifères de la cité est de 123 %. Les États les plus affectés sont le Rajasthan, le Gujarat, certaines parties de l’Andhra Pradesh et l’ouest du Madhya Pradesh où l’eau était disponible en abondance il y a 10 à 15 ans. Le niveau des nappes phréatiques dans ces zones est tombé au-dessous de 300 m et la sécheresse est devenue un phénomène annuel. Les puits s’assèchent à grande vitesse, avec 25% des puits du Rajasthan qui s’assèchent chaque année. Dans le bassin de l’Indus le pompage des eaux souterraines excède les capacités de recharge de 50%. En Inde, le nombre de puits à pompe peu profonds est passé de 3000 en 1960 à 6 millions en 1990.

Un autre problème majeur lié à l’exploitation des eaux souterraine des aquifères fossiles est la réaction chimique qui se produit entre l’eau et la roche contaminée par d’autres eaux. Les eaux aquifères sont alors contaminées par les hauts niveaux d’arsenic et de fluorures des couches rocheuses. La population de nombreux États est affectée par des maladies liées à la consommation de cette eau lourdement chargée en produits toxiques. L’exploitation excessive des eaux souterraines, en particulier dans les zones côtières, a également entraîné l’infiltration de l’eau de mer rendant inutilisable l’eau souterraine. Ainsi la métropole côtière de Chennai qui a dépendu pendant des décennies des eaux souterraines a vu ses nappes phréatiques tomber de plus de 80-100 mètres et l’eau est devenue salée dans de nombreuses parties de la ville.

Conclusion

L’état des systèmes hydrologiques en Inde est donc à un point crucial. Il peut soit être restauré soit s’effondrer. Actuellement, les principales menaces auxquelles fait face l’écosystème aquatique en Inde sont les suivantes : surexploitation et régulation du débit des rivières, pollution croissante, occupation et utilisation des terres, dégradation des zones de captage, envahissement par des espèces étrangères, efforts limités de conservation, conflits sectoriels croissants.

Il est impératif et urgent de conserver les ressources en eau pour trois raisons. Tout d’abord, l’eau devient rare à la fois en quantité et en qualité, conduisant à une pénurie dans l’approvisionnement. De plus, du côté de la demande, les besoins augmentent de manière exponentielle alors que la population, la demande alimentaire, et les besoins de l’industrie croissent avec le développement et les activités économiques. Enfin, la perte ou la dégradation de ces écosystèmes aquatiques résulteront dans l’assèchement des rivières, des lacs et des aquifères.

Afin d’éviter un tel scénario des efforts divers ont été mis en œuvre par plusieurs départements du Gouvernement indien, au niveau central et des États, pour conserver, régénérer, contrôler et gérer les systèmes aquatiques. En dehors du Gouvernement, des organisations non gouvernementales et les communautés elles-mêmes font des efforts actifs pour conserver leurs ressources en eau.

Mots-clés

eau, pollution de l’eau, qualité de l’eau


, Inde

Notes

Traduit de l’anglais par Valérie FERNANDO

Cette fiche est également disponible en anglais : India’s water resources

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