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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

« Si j’avais su, j’aurais pas fait » - Un jeu collectif en construction continue pour favoriser l’échange et l’interformation entre personnes en difficultés

Pascale THYS

07 / 2009

Fiche projet

CONTEXTE ET ORIGINES DU PROJET

Le jeu s’est construit et se pratique dans le cadre des activités de la Maison d’accueil les Quatre Vents.

Les Quatre Vents est une Maison d’accueil pour adultes en difficultés qui existe depuis 1974. Les responsables ont remarqué que, souvent, pour l’ensemble des hébergées, hommes, femmes et familles, un problème essentiel se pose : que faire de ses journées ? La réponse des Quatre Vents n’a pas été de développer de l’occupationnel mais d’utiliser ce qui existe à l’extérieur. Dans le fonctionnement de la Maison, une réunion était organisée avec les hébergés et portait initialement sur des questions purement organisationnelles.

Mais ces réunions ont débouché progressivement sur des questions telles que «comment je vis ici ? » ou « comment en suis-je arrivé(e) à venir dans cette Maison d’accueil ? ». A un moment donné, l’équipe a décidé de créer deux moments distincts suite à un besoin qui apparaissait sur le terrain.

C’est ainsi qu’un groupe de parole a vu le jour sous forme d’atelier à coté de réunions strictement organisationnelles. Tous les sujets en rapport avec des éléments de la vie quotidienne pouvaient être abordés. Après un certain temps, les thématiques ont été recentrées sur les préoccupations des gens dans la Maison d’accueil au moment présent. Les thèmes portaient sur l’alimentation, le budget, la recherche d’emploi. Ces ateliers s’institutionnalisant, une lassitude est née et la motivation des hébergés a fortement baissé. Animés par une personne extérieure, les ateliers étaient devenus beaucoup trop scolaires et, ne répondant plus aux attentes du public, ont été supprimés.

Réfléchissant à un autre type d’animation face à des situations de plus en plus complexes et confrontée à un grand besoin de parler des bénéficiaires, l’équipe a lancé le jeu. Ce cheminement qui a mené jusqu’au lancement du jeu a duré quatre à cinq ans.

OBJECTIFS DU PROJET ou ENJEUX DU PROJET

L’objectif du projet est de permettre aux hébergés de parler de leurs difficultés mais aussi des solutions qu’ils ont trouvées pour les dépasser et de les partager avec les autres. L’idée est aussi de chercher les moyens de trouver de nouvelles pistes de réponses aux problèmes rencontrés dans son parcours. Outre la finalité de parler, le jeu permet de développer les capacités d’écoute des participants face aux difficultés des autres.

POPULATION CONCERNEE ou GROUPES CIBLES

Le groupe des joueurs est constitué par des hébergés des Quatre Vents, ainsi que des anciens ou ceux qui passent par-là.

Au niveau des hébergés, il s’agit d’une population de personnes qui n’ont plus de logement (hommes, femmes, couples et enfants).

MONTAGE FINANCIER

Cette activité est menée sur fonds propres. Toutefois, les Quatre Vents a reçu une bourse de 50.000FB via le Volet « Participation et citoyenneté » du Parcours d’insertion lancé par la Commission sous-régionale de coordination du parcours d’insertion du Brabant wallon (Province de Belgique).

PARTENAIRES DU PROJET

Dans le cadre du jeu, les participants ont été amenés à se rendre dans différents services d’aide de la région pour récolter de l’information pour alimenter les réponses que les participants se posent.

DEROULEMENT DU PROJET

Le jeu se construit avec un groupe très changeant, mais le jeu trouve sa valeur dans la prise de parole des hébergés et dans l’idée que les participants laissent un témoignage aux autres hébergés des Quatre Vents. Il s’agit de « faire ensemble », le jeu n’a pas un contenu propre sinon celui que les joueurs précédents lui ont donné et ce que les joueurs du moment en font.

Le jeu est envisagé non comme une compétition mais comme un jeu de réflexion et de partenariat dans lequel l’ensemble du groupe va joue sans qu’il y ait de perdant. Il n’y a pas de consigne ni sur le fond, ni sur la forme, mais le jeu tel qu’il a été conçu est présenté aux nouveaux joueurs.

La question de départ du jeu est « qu’est-ce qui nous a amené à la maison d’accueil ? » puis « quelles sont les institutions qui vont pouvoir m’aider ? »

Au début les participants ont exprimé un peu en vrac ce qu’ils connaissaient. Une étape a consisté également à récolter une série d’informations dans les institutions afin de réaliser une farde de documents de référence pour aider à trouver des réponses aux questions quand l’expérience du groupe ne permet pas de trouver une solution satisfaisante.

Différents groupes se sont succédé pour arriver au stade où le jeu en est.

Petit à petit, de la rédaction d’un très grand nombre de questions, le jeu s’est construit autour de neuf thèmes : l’argent, la santé, le boulot et la formation, mes droits, la famille, l’occupation du temps et les loisirs, le logement, les trucs et astuces, l’alimentation.

Chacun de ces thèmes, après de multiples sélections qui sont autant de moment de s’exprimer et d’échanger, comporte dix questions. On y retrouve des questions comme : « Comment vivre avec peu d’argent ? Que faire pour ne pas s’ennuyer ? Comment se payer un logement confortable quand on a peu de revenus ? Comment choisir un bon médecin ? ». Ces questions renvoient à une série de réponses.

Dans le processus, à tout moment, c’est l’expérience personnelle qui est favorisée et l’aide éventuelle des autres participants qui est mobilisée pour venir étoffer la réponse de la personne.

Fiche de perception du projet par les acteurs

RESULTATS QUANTITATIFS

Au cours de la première phase de jeu et de construction du jeu, il y a eu 36 personnes qui ont participé. Lors de la deuxième phase, il y a eu environ 40 personnes. Au totale, environ 80 personnes ont participé et joué.

RESULTATS QUALITATIFS

Selon le directeur des Quatre Vents, « sans action spécifique de l’équipe, cette démarche a déjà pour effet de relativiser le niveau des difficultés auquel chacun est confronté et redonne de l’espoir aux gens. »

En décembre 1999, un hébergé témoigne que « grâce aux questions et aux réponses du jeu, nous avons acquis plus de culture. Cela nous a servi entre autre pour le CPAS ou le Forem. Quand je suis allé au CPAS, par exemple, je savais qu’il existait une prime d’installation et comment l’obtenir. »

Pour une participante actuelle du jeu, « on ose dire des choses qu’on dirait pas, on ose aussi aller vers les assistants sociaux. » Elle ajoute « Ca semble passer très vite, comme si c’était cinq minutes au lieu d’une heure. » Pour un autre participant, avec le jeu, « on est moins coincé, et puis on fait des « Tilt » en entendant des choses auxquelles on n’avait pas pensé ».

Le jeu permet aussi d’aider à formuler des questions qui pourront ensuite être travaillées dans le cadre du suivi individuel.

Pour un nouvel hébergé, « Arrivé ici, on est paumé, on a peur de la vie communautaire, de toutes les démarches. Grâce au jeu, on s’adapte ».

Les répercussions de ce jeu sont positives en termes de dynamique de groupe, d’informations, d’échanges et de contacts.

EFFICACITE DU PROJET

L’efficacité du projet réside en plusieurs niveaux : la convivialité au sein de la Maison, l’information et l’éducation des bénéficiaires, la valorisation des compétences et de l’expérience des bénéficiaires.

LA PARTICIPATION

Le jeu n’existe que par la présence et la construction que les participants en font. Ce sont eux qui, collectivement, créent les questions et les réponses, mais aussi donnent une certaine forme, une certaine présentation au jeu.

AVANCEES AU NIVEAU DU DROIT

D’un point de vue général, le jeu permet aux participants d’accéder à une meilleure connaissance de leurs droits.

LE PROJET COMME PROCESSUS

Pour l’assistante sociale qui anime le jeu, le jeu « a permis d’entamer le dialogue, de les faire réfléchir à leur situation pour qu’ils puissent réussir leur sortie de la maison d’accueil ».

DIFFICULTES RENCONTREES, BLOQUAGES OU HANDICAPS

Une des difficultés est que l’assistante sociale qui anime le jeu doit disposer du temps nécessaire pour assurer l’animation par rapport à d’autres activités souvent plus urgentes. D’où le jeu « dort » à certaines périodes pour se réveiller à d’autres.

Lors du redémarrage, une des difficultés réside dans le traitement de la masse d’informations accumulées. En effet, les participants ont alors à leur disposition une farde épaisse composée non seulement de la documentation rassemblée mais aussi de l’ensemble des questions et des réponses apportées par les participants précédents du jeu depuis sa création. Ils doivent donc se réapproprier le jeu avant de pouvoir se lancer.

Au niveau du contexte plus large dans lequel s’inscrit le projet, il est à noter qu’en 2000, le service n’a pu répondre qu’à 20% des demandes par un accueil. Pour les responsables, cette situation s’explique par l’allongement du temps de séjour dû aux difficultés croissantes des bénéficiaires à se reloger, par un afflux important de demandes d’accueil concernant des candidats réfugiés, ainsi qu’une augmentation de l’accueil de familles en 2000 qui a empêché d’accueillir davantage de couples.

ATOUTS DU PROJET OU CAUSES DE REUSSITE

Le projet s’inscrit dans un environnement qui met l’accent sur l’accueil et l’écoute des bénéficiaires.

Les hébergés apprécient le nom des chambres qui font sourire et leur apportent un peu de chaleur. On y retrouve entre autre la chambre « Caraïbe », la « Méditerranée », ou la « Terre-Neuve ». Par ailleurs, ils apprécient aussi qu’un mur de la salle TV ait été décoré par une fresque peinte par des hébergés en 1995. Dans ce contexte, lors de la réunion d’organisation, les hébergés peuvent proposer les menus, « ce qui demande plus de temps en terme de gestion et de moyens humains » précise le directeur. A l’occasion de la réunion, un planning de la semaine est établi et la cuisine et le nettoyage des endroits communautaires sont pris en charge par les hébergés.

Le jeu a pour effet positif de faire revenir des anciens en visite. Ces anciens, installés, peuvent montrer aux hébergés qu’il y a moyen de s’en sortir et leur donnent espoir.

Le mode ludique et un type de relation plus informel permette de développer une autre qualité de relation entre travailleurs et hébergés.

L’assistante sociale a un rôle essentiel dans la conservation et dans la transmission du jeu. Lors de chaque remise en route du jeu, elle retrace l’histoire du jeu jusqu’à la présentation de la forme qu’il a pris.

PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENTS FUTURS DU PROJET

Au niveau du développement concret du jeu, une participante aimerait que le jeu prenne une forme plus ludique et plus « dynamique » tel qu’un jeu de piste.

Pour l’assistante sociale, l’important est que le jeu continue à se développer et à prendre forme au fur et à mesure des animations et des groupes différents qui se succèdent dans le temps.

Mots-clés

lutte contre l’exclusion, jeu, mémoire collective


, Belgique, Nivelles

dossier

Innovation sociale en matière de lutte contre l’exclusion sociale via le logement et l’insertion socio-professionnelle

Source

Entretien

AUTEURS DE LA FICHE

6 personnes : 4 bénéficiaires, le directeur et une assistante sociale

AUTEUR MORAL

Les Quatre Vents

COORDONNEES UTILES

Les Quatre Vents

Rue des Choraux 17

1400 Nivelles

Tél. :067 21 70 04

Fax. :067 21 72 00

Habitat et Participation - Place des peintres 1/004, 1348 Louvain-La-Neuve, BELGIQUE - Tél. (32) 10 45 06 04 - Fax (32) 10 45 65 64 - Belgique - www.habitat-participation.be - hep (@) tvcablenet.be

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