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L’immobilier parisien d’une bulle à l’autre

De la bulle spéculative de 1991, à la bulle monétaire de 2008, on remarque des constantes mais aussi des divergences.

Joseph Comby

2008

Le marché emblématique des appartements parisiens n’a commencé à s’engager dans sa phase de chute des prix qu’au second trimestre 2008. Ceux-ci avaient même continué de progresser légèrement au cours du premier semestre 2008. Par contre, le volume des transactions est en chute libre depuis le milieu de 2008. Les agences immobilières se sont vidées. Nous sommes en train de revivre le scénario d’éclatement de la bulle spéculative de 1991, même si le processus déclencheur est différent, à une plus grande échelle puisque c’est cette fois-ci tout le territoire qui est concerné.

Cette chute était annoncée dès le moment où le processus de hausse arrivait à épuisement. Nous nous étions permis d’ironiser, dans un éditorial de septembre 2006 sur le concept de « l’atterrissage en douceur » qui faisait alors les titres de toute la presse spécialisée, comme s’il était possible d’atterrir sur un nuage sans commencer par redescendre sur le sol.

D’une bulle spéculative à une bulle monétaire En 1991, la bulle spéculative n’avait vraiment touché que la région parisienne et la Côte d’Azur. La nouvelle bulle touche l’ensemble du territoire et sa puissance est supérieure.

Sa cause n’en est plus proprement spéculative ; c’est presque le contraire puisque c’est en dépit des craintes d’un retournement que les prix poursuivaient leur hausse. Si les prix continuaient de monter c’est que la demande était dopée par une surabondance de crédits bancaires et par des politiques gouvernementales à contre sens.

Pour le reste, l’histoire se répète. Rappelons qu’en 1991, il y avait d’abord eu une chute rapide du ombre des mutations (leur nombre annuel était passé de 50.000 à 25.000 dans Paris intra-muros, puis les prix avaient mis ensuite quatre à cinq ans pour redescendre à leur niveau normal après avoir perdu 50%.

Deux questions se posent donc : où est situé aujourd’hui le niveau « normal » de l’immobilier et combien faudra-t-il d’années pour le rejoindre.

Pour répondre à la première question, on peut observer qu’après 1991, les prix ne sont pas retournés à leur niveau initial de 1985 car, entre temps, une certaine progression des revenus des parisiens avait eu lieu.

Or, sur la longue durée, comme le montre le graphique de Jacques Friggit, on peut voir que l’évolution du prix de l’immobilier est liée à l’évolution des revenus des ménages.

On peut donc penser que le point bas se trouvera plutôt vers 3.800 et 4.000 € de 2008. Il pourrait cependant être encore plus bas si la crise économique devait s’aggraver au point de se traduire à moyen terme par une baisse significative des revenus.

La seconde question est plus difficile car cela dépendra de la politique suivie. Si l’on fait comprendre aux ménages que c’étaient les prix de 2007 qui étaient anormaux et que l’on ne fait rien pour freiner le retour vers des bases plus saines, il suffira peut-être de deux ou trois ans. Par contre, si l’on fait les mêmes erreurs qu’après 1991 en expliquant au public qu’il ne s’agit que d’une crise passagère, l’encourageant ainsi à attendre des jours meilleurs, cela n’empêchera pas les prix de baisser autant, mais ce sera plus long, peut-être six ou sept ans.

A Paris intra muros, les prix de l’immobilier ont atteint l’an passé des sommets jamais égalés comme le montre le graphique suivant qui reprend les chiffres annoncés chaque année par les notaires parisiens. Tous les prix ont été convertis en euros de 2007 et croisés avec les nombres d’appartements anciens vendus chaque année.

On notera surtout qu’à la différence de la bulle spéculative de 1990, la hausse des années 2000 c’est faite sans aucun gonflement du volume des ventes.

L’ambiance est d’ailleurs fort différentes. A la fin des années 1980, il existait une véritable « demande spéculative », fondée sur la croyance d’une hausse future encore plus forte qui venait s’ajouter à la demande « normale » : les prix parisiens devaient rattraper ceux de Londres, le capitalisme était radieux. La hausse des années 2000 s’est faite, au contraire, en dépit de la crainte d’un possible retournement, plusieurs fois annoncé. L’inverse d’un processus spéculatif.

Les prix montaient simplement parce que les acheteurs disposaient facilement de beaucoup d’argent pour les faire monter. On remarquera d’ailleurs que le nombre des mutations est resté stable alors qu’il s’était gonflé d’une activité spéculative (achats pour revendre) à la fin des années 1980.

Les banques cherchaient des clients à qui prêter de l’argent. Pour les candidats acquéreurs capables de présenter quelques garanties, le prêt pouvait couvrir non seulement la totalité du prix d’achat mais aussi les « frais de notaires » et les commissions : le prêt atteignait 110% de la valeur du bien. Cependant, on restait loin de l’euphorie de la fin des années 1980. Beaucoup d’acquisitions étaient guidées par la peur de l’avenir. Les classes moyennes, après avoir appris qu’elles ne toucheraient pas de retraite ou si peu, après avoir acheté ce qu’on leur avait conseillé d’acheter (de l’Eurodisney, du Tunnel sous la Manche, du France-télécom, etc.) ne voyaient plus que l’immobilier pour se protéger. A la limite, on trouvait des acheteurs résignés à perdre une partie de leur mise dans une acquisition immobilière mais qui préféraient encore cela, de crainte de perdre encore davantage.

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