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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Une expérience de dialogue entre chrétiens et musulmans à Rabat, Maroc

Echanges avec Jacques Levrat

Guy POITEVIN

07 / 1993

A Rabat, capitale intellectuelle du Maroc, au Centre de la Source, 24 av. du Chellah, Jacques Levrat se consacre à un projet de rencontre entre chrétiens et musulmans. Une capitalisation systématique, consignée dans une thèse puis un livre, d’expériences de centres de rencontre chrétiens-musulmans ouverts dans d’autres pays majoritairement musulmans, a préparé la réalisation de ce projet.

Une demeure en plein coeur de la ville fut donnée à l’Eglise locale pour des projets susceptibles d’amener les communautés chrétiennes et musulmanes à oeuvrer ensemble pour le mieux de la société marocaine contemporaine. Elle abrite une bibliothéque destinée à regrouper tous les ouvrages, parus et paraissant, qui concernent le Maroc. Des universités marocaines y déposent des thèses qu’elles ont patronnées. Des institutions et des particuliers lui offrent leurs fonds. Le but de La Source, ouverte tous les après-midi, est d’offrir un service de consultation sur place à des enseignants du supérieur et à des chercheurs après la licence. Ce service privé s’adresse volontairement à des intellectuels de niveau avancé. il se veut de qualité, par la valeur des livres, des revues et des fichiers mis à la disposition des lecteurs, et par l’accueil personnel des chercheurs guidés et conseillés, s’ils le désirent, dans leurs thèses, leurs lectures, leurs articles ou leurs études. 25 à 30 lecteurs remplissent quotidiennement la salle de consultation.

Des contacts personnels se nouent spontanément et librement entre les lecteurs et l’équipe de La Source qui la maintient. Celle-ci prend l’initiative, une fois par mois, d’organiser un débat animé, sur un sujet concernant le Maroc, par un spécialiste invité à exposer ses recherches à un groupe d’une trentaine de personnes concernées.

Les principes qui animent ce service offert gratuitement par l’évêché de Rabat et géré de façon autonome avec le soutien ponctuel de particuliers ou d’institutions bénévoles, en expliquent le succès. Ce service d’Eglise se situe et agit, délibérément, au plan de la seule culture, de façon purement scientifique, aspirant en ce domaine à une honnêteté intellectuelle des plus rigoureuses, en toute autonomie de l’esprit, sans complaisnce ni compromission. Les thèmes religieux sont eux-mêmes abordés dans cette seule et même perspective, excluant d’emblée la confrontation entre "clercs" ou "religieux" sur des "sujets religieux". Cette forme de rencontre est motivée par une foi dans la puissance et la bonté de l’esprit de l’homme, reflet et demeure de l’Esprit de Dieu, et lieu privilégié en conséquence de la quête de la vérité et du rapprochement des hommes.

La Source se démarque intentionnellement d’approches en termes d’action sociale et humanitaire, d’échanges entre représentants du christianisme et de l’Islam, de programmes d’aide à des projets de développement. De nombreux organismes compétents se chargent déjà de ces tâches. Sa visée est spécifiquement autre. Elle ne se conçoit pas cependant comme projet orienté vers des buts définis, qui resteraient inavoués. Elle veut simplement rendre un service gratuit qui ne poursuit point d’objectif caché au-delà de lui-même. Il s’impose la discrétion et évite la publicité. Il ne cherche à attirer personne mais reçoit qui veut travailler et réfléchir à l’écart

La différence et l’opposition caractérisent l’histoire des hommes de façon telle que toute réconciliation rapide est artificielle ou forcée. Il faut s’en représenter l’avancée au rythme des temps géologiques ete par conséquent, dansl’immédiat, privilégier la différence. C’est la meilleure forme d’un vrai respect. La faiblesse consiste à la gommer par peur, impatience ou mensonge. Cette hâte se solde en tout état de cause par des manques à gagner. "Si on te demande de faire un mille, fais-en deux, dit l’évangile. On est toujours trop pressé de faire aussitôt ce deuxième mille. Il serait bon que nous fassions, d’abord, le premier ensemble", dit J. Levrat.

Mots-clés

interdépendance culturelle, coopération internationale, autoévaluation, science et société, religion


, Inde, Maroc, Pune, Rabat

Commentaire

Ces échanges ds 22 et 25 avril 1993 à Rabat furent des retrouvailles aussi exaltantes que brèves, comme celles de navigateurs qui se reconnaissent lorsqu’ils croisent au large, par chance: Jacques et moi étions compagnons d’études théologiques à Rome il y a plus de 30 ans. J’ai relevé des temps forts de nos échanges comme des étoiles sur lesquelles nous avons mis le cap à l’horizon de l’histoire ou plutôt au-delà de cet horizon, car notre intuition est que l’unité du genre humain ne peut être conquise ni vécue dans le temps de l’histoire de l’humanité. Elle relève d’un acte de foi et non d’un progrés historique.

Nos routes sont paralléles mais nos démarches concrètes différent considérablement. Nos stratégies de l’espérance opèrent dans des environnements socio-culturels et des contextes historiques peu comparables. Intuitions et motivations sont semblables: celles d’un service dont le désintéressement voudrait signifier l’authenticité d’un amour divin gratuit en des gestes de chrétiens vivant la kénose du Vendredi Saint.

Notes

Voir le livre où J. Levrat a développé ses analyses et ses réflexions : Une Expérience de dialogue, les Centres d’étude chrétiens en monde musulman, Christlich Islamiches Schriftum, Altenberge, 1987.

Source

Entretien

POITEVIN, Guy, CCRSS=CENTRE FOR COOPERATIVE RESEARCH IN SOCIAL SCIENCES

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