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L’organisation intersectorielle comme solution de sortie de la crise rurale ? Le difficile passage du concept à sa réalisation

L’expérience de l’association des producteurs de veaux des Lucs

Betty WAMPFLER

02 / 1994

Luc est une commune rurale, proche de Rodez, dont l’activité est essentiellement agricole, avec la production de lait de vache, dans des exploitations relativement petites, intensives et le plus souvent spécialisées. Les agriculteurs y sont encore nombreux et parmi eux, la proportion de jeunes est importante. La proximité d’une grande ville est ici un atout parce qu’elle fournit des opportunités d’emploi aux conjointes des agriculteurs. Mais elle est aussi une contrainte, parce qu’elle induit une forte concurrence sur le foncier liée à l’urbanisation. Les possibilités d’agrandissement des exploitations sont donc limitées et les voies de développement doivent être recherchées ailleurs.

En 1990, alors qu’il devient clair pour beaucoup d’agriculteurs que la crise n’est pas simplement conjoncturelle, mais structurelle, une réflexion sur les voies d’adaptation possibles s’organise entre des jeunes agriculteurs de la commune. Leur futur projet nait d’un constat: la plupart des produits agricoles consommés localement viennent d’ailleurs. Pourquoi ne pas essayer de reconquérir le marché local avec un produit de leurs exploitations qu’ils valorisent mal actuellement: le veau de lait, nourri avec les excédents de production laitière ?

Des contacts sont pris avec un boucher local qui accepte de commercialiser trois veaux par semaine. Les agriculteurs se regroupent en association, obtiennent le droit d’abattage, et créent une marque commerciale, assortie d’un cahier des charges.

Cependant, rapidement, le projet se heurte à plusieurs problèmes : comment assurer son extension au delà des quelques bouchers contactés individuellement ? Comment obtenir des bouchers un engagement ferme par contrat ? Une tentative de collaboration avec le syndicat des bouchers échoue, en raison de l’hostilité de certains grossistes.

Les agriculteurs démarchent alors la grande distribution locale où ils se retrouvent en concurrence avec les mêmes grossistes et une autre association d’agriculteurs. Par contre, face au risque de voir des produits identiques à leur propre gamme apparaitre dans les grandes surfaces locales, les bouchers sont à nouveau intéressés...

Les ventes se font au coup par coup, la contractualisation s’avère difficile, le recours fluctuant à différents partenaires rend toute stratégie de prix aléatoire...

Les tentatives faites par l’association pour "ouvrir le jeu" sont peu fructueuses: les bouchers montpelliérains et parisiens trouvent le veau "trop rose", les associations de consommateurs contactées s’avouent désorientées dans le marché de la viande, les négociations avec d’autres associations d’agriculteurs achoppent sur la définition du produit; quant aux grandes coopératives locales, elles ne sont pas intéressés par les faibles quantités produites, mais gardent un oeil sur la marque commerciale, si d’aventure celle-ci venait à se consolider.

Malgré ces obstacles, les agriculteurs croient à leur démarche et ont défini une double stratégie: assurer la qualité du produit et son adéquation à la demande; s’implanter sur le marché local par une politique de prix bas et une action commerciale plus active et plus personnalisée.

Mots-clés

organisation paysanne, commercialisation


, France, Aveyron

Commentaire

Les démarches intersectorielles sont souvent présentées comme une solution de sortie de la crise rurale. Cette expérience en montre toute la difficulté. Elle met en évidence les tensions qui se créent entre artisans et agriculteurs, quand ceux-ci sortent du strict rôle de producteur. Elle montre la difficulté de négocier à la fois face à des partenaires dispersés et face à des filières organisées dans lesquelles certains maillons ont un poids déterminant (ici, les grossistes). Elle montre enfin les atouts et les risques d’une stratégie qui joue la concurrence entre la grande distribution et les artisans locaux.

Source

Entretien

ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - France - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr

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