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Une coopérative fromagère vers la démarche qualité

étude de motivation de l’ensemble des adhérents de la coopérative Jeune Montagne

Betty WAMPFLER

02 / 1994

La coopérative Jeune Montagne, qui fabrique le fromage de Laguiole, a été créee au début des années 60, alors que la production laitière régressait fortement en Aubrac, au profit de la production de viande. Cette coopérative n’a pu se maintenir et se développer qu’en faisant, longtemps avant qu’il ne soit à la mode, le choix de la qualité , au sein d’une Appellation d’Origine Controlée. Ce faisant, l’AOC Laguiole est devenu l’une des filières-phare de la démarche-qualité en Aveyron, et, avec ses 78 producteurs, ses 30 salariés et son renom, un élément essentiel du tissu économique local.

La pérennisation de la filière impliquant une reconnaissance européenne, la coopérative envisage, en 1993, de procéder à la certification des exploitations, base d’une charte de qualité liant producteurs, laiterie, et consommateurs. Un "état des lieux" est réalisé préalablement auprès des 78 producteurs, pour connaitre leur motivation, leur degré de maîtrise technique et l’état de leur outil de production. Une typologie est établie sur la base de ces trois critères.

Trois types de producteurs se différencient nettement. Un premier groupe de 14 producteurs (soit 18% du total)est convaincu de l’intérèt de produire un lait de qualité et maîtrise bien celle-ci. Ce sont eux qui produisent les quantités les plus importantes; ils adhèrent tous à un organisme de suivi technique et ont rapidement intégré les innovations proposées par la coopérative. Ils sont fortement présents aux postes de responsabilité de la filière.

Le deuxième groupe, 36% des producteurs, a des résultats moyens quant à la qualité, mais tente de progresser selon les voies qui réussissent au premier groupe. Le troisième groupe, 46% des producteurs, présente une faible maîtrise de la qualité et s’avère peu convaincu de l’intérèt de la démarche. Les quantités produites sont plus faibles, l’innovation est peu intégrée, souvent jugée trop coûteuse et inutile. Les membres de ce groupe sont faiblement présents aux postes de responsabilité de la filière.

Globalement, les innovations récemment mises en place dans la filière (grille de paiement du lait valorisant la qualité, changement de race du troupeau laitier)ont contribué à accentuer les clivages, à renforcer les écarts entre groupes.

Parmi les 78 exploitations, 18% seulement pourraient être immédiatement certifiées; 53% ont besoin d’être aidées pour pouvoir progresser et prétendre ultérieurement à la certification. 29% des producteurs s’avèrent démotivés par la démarche qualité, peu enclins à s’adapter, et souhaitent dans un avenir proche, arrèter la production.

On comprendra qu’à la vue de ce bilan, la coopérative ait jugé la certification prématurée et qu’elle s’oriente maintenant vers une rénovation de l’encadrement technique des producteurs. Son propre fonctionnement, trop centré sur le petit groupe de producteurs performants, est l’objet de remise en cause, visant à intégrer et à motiver davantage les producteurs des deux autres groupes. Comme le rayon de collecte de la coopérative et donc le nombre de producteurs potentiels sont limités par le principe de l’AOC, la réussite de cette tentative d’intégration d’un maximum de producteurs actuels à la démarche qualité, conditionne la pérennité de l’entreprise toute entière.

Mots-clés

agriculture, innovation technique, innovation sociale


, France, Aveyron

Commentaire

La qualité comme voie de sortie de la crise agricole ? Oui, certes, mais...Cette étude montre que, même dans une démarche de qualité aussi exemplaire que celle de Laguiole, la réalité est plus complexe que l’image lisse et prometteuse qui en est donnée. La démarche "qualité" n’abolit pas automatiquement les inégalités techniques et économiques entre producteurs. Elle peut, au contraire, les exacerber, et ce faisant, accélérer les processus de sélection et de disparition des exploitations.

La qualité permet d’améliorer les revenus agricoles. Pour qu’elle devienne, en plus, un facteur de maintien du tissu rural, il faut qu’elle soit mise en oeuvre par des actions concertées entre les différents maillons des filières de production et résolument conçues pour qu’un maximum d’agriculteurs puisse la maîtriser et se l’approprier.

Notes

Mémoire d’ingénieur. 1993. Ecole supérieure d’agriculture de Purpan. Toulouse.

Pour un regard complémentaire sur la démarche qualité de Jeune Montagne, voir F5 (ordre de publication)

Source

Littérature grise

VALETTE, Jean Claude, ESA PURPAN; COOPERATIVE JEUNE MONTAGNE LAGUIOLE

ENSAM (Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie de Montpellier) - L’ENSAM fait partie depuis janvier 2007 de Montpellier SupAgro qui est née de la fusion de 4 établissements : ENSAM, Centre national d’études agronomiques des régions chaudes (CNEARC), Département industries agroalimentaires régions chaudes de l’École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires (ENSIA-SIARC) et Centre d’expérimentations pédagogiques de Florac (CEP Florac). 2 place Pierre Viala, 34060 Montpellier Cedex 1, FRANCE - Tél. 33 (0)4 99 61 22 00 - Fax 33 (0)4 99 61 29 00 - France - www.agro-montpellier.fr - contact (@) supagro.inra.fr

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