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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Des projets de développement encastrés dans la culture populaire

Thierry VERHELST

10 / 1993

Une rencontre entre théoriciens et praticiens sur le thème "L’économie populaire (dite informelle)constitue-t-elle un modèle ou une impasse ?" fut organisée par le Réseau Cultures en septembre 1993 à Bruxelles. Emmanuel Ndione y exposa les recommandations d’ENDA-GRAF, Sénégal, par rapport à de nouvelles pratiques de développement dans le secteur "économique" en Afrique sub-saharienne :

(1)Ne plus lier le projet à une forte conditionnalité, notamment quant à l’usage de l’argent mis à disposition. Le partenariat implique que l’ONG accepte que l’argent transite par des réseaux qui lui restent inconnus ou lui paraissent contestables (le lignage, la famille)et qu’il soit utilisé à des fins étrangères au domaine choisi par le projet. Cela revient à formuler des projets avec beaucoup de souplesse, sans le focaliser sur un seul objectif (santé, maraichage, épargne et crédit, petit élevage, puits, etc.). L’expérience montre que seul 45% du subside accordé à une activité économique (pourtant définie par les gens eux-mêmes)y est en fait réellement affecté. Le reste est "investi" dans le relationnel (fêtes)et le magico-symbolique (p. ex. sacrifier une chèvre afin d’en acquérir la capacité de "brouter", c’est-à-dire de ramasser de l’argent). ENDA-GRAF choisit de ne plus privilégier l’économique : les "bénéficiaires" utilisent le prêt comme ils l’entendent, pourvu que la mise de l’ONG - qui complète leur épargne locale - soit finalement restituée. Cette attitude apparemment laxiste et irresponsable porte des fruits en termes d’efficacité : le taux de remboursement à ENDA-GRAF est excellent !

(2)L’évaluation de l’efficacité d’un prêt ou d’un don ne doit pas se faire au niveau d’une unité économique maîtrisable (p. ex. la famille, la coopérative, le projet)mais au niveau de la grappe. Cependant, celle-ci fluctue et ses contours sont indistincts. Il s’agit donc d’abandonner la volonté de maîtriser l’usage de l’argent et celle de faire la preuve de l’efficacité d’un subside. Toutes sortes de choses se passent en fait grâce à ce subside, car la circulation de l’argent entre les "pauvres" est étonnamment rapide.

(3)Le projet n’est pas un carcan pour maîtriser les pratiques des gens. Il est un outil de recherche-action, de communication créative et de formation mutuelle. Plus que son contenu, c’est sa démarche qui importe : le fait de rassembler des gens autour de certains objectifs. Il permet de faire apparaître la cohérence sociale et le sens que donnent les gens à la vie, au "développement". Le projet est un laboratoire où les erreurs sont fécondes. Tout projet se compose de facettes recherche, action et formation (RAF). La méthode RAF a pour but de confronter les points de vue et analyses en présence, de chercher des solutions ensemble et de mobiliser ensuite les ressources propres. C’est ce processus qui est formateur. La RAF c’est une méthode de communication créative où le chercheur est aussi acteur. Les déviations au projet subies par la "stratégie de déjouement" de la population est particulièrement riche en enseignements : elles renseignent sur la perspective des gens et sur les rapports de force en présence. La méthode RAF repose sur une démarche maïeutique : être à l’écoute, "accoucher" les idées et les actions dont la communauté est enceinte, offrir un miroir à l’autre.

Mots-clés

économie populaire, culture populaire, projet de développement, ONG


, Afrique

Commentaire

L’essentiel est de ne jamais se substituer à la dynamique locale. L’apport de l’ONG se limite à rendre possible un projet donné, à conférer à un groupe une légitimité-crédibilité dans le cadre de l’économie du don et du recours entre acteurs. L’ONG, au lieu de dominer les bénéficiaires, devient un "actionnaire moral" parmi d’autres : la communauté acquiert un droit de tirage sur l’ONG et elle-même en acquiert sur les gens. L’ONG devient simplement membre de la grappe, un "tiroir" de plus. L’expérience enseigne que les conditions imposées par les ONG visent beaucoup trop l’autonomisation des groupes et l’accumulation matérielle tandis que celles qui naissent de la perception des gens (par le biais de l’interaction théâtrale)visent, au contraire, le relationnel et la sécurité sociale. L’économique est enchâssé !

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

NDIONE, Emmanuel

Réseau Sud Nord Cultures et Développement - 172 rue Joseph II. B-1040 BRUXELLES. BELGIQUE. Tel (19)32 2 230 46 37.Fax (19)32 2 231 14 13 - Belgique

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