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Ingénieurs et agronomes dans un projet de développement rural en Syrie

Katia HALABI

01 / 1993

Les ingénieurs agronomes syriens de la plaine du Ghab n’échappent pas à la bureaucratisation d’une administration à planification fortement centralisée. Cependant l’Etat a pris soin depuis l’assainissement et l’aménagement de cette région d’y promouvoir la formation agricole: de ce fait, la plupart de ces ingénieurs sont issus du monde agricole, et une bonne partie de leur famille y exploite des terres. En outre, les primes accordées pour déplacement sur le terrain les incitent à multiplier les sorties (ils peuvent ainsi doubler leur salaire). La conjugaison de ces deux facteurs fait qu’ils entretiennent des relations suivies avec les paysans qu’ils conseillent, et connaissent bien les problèmes et possibilités du terrain. Le service des fonctionnaires en Syrie se termine à 14 heures: leur salaire modeste les oblige à exercer une activité complémentaire où ils tentent de valoriser leur savoir technique et leur connaissance des rouages administratifs. Cela a donné lieu à une association ingénieur-paysan particulièrement fructueuse, à une époque où le Plan de production ne fournissait semences et crédit aux exploitants que pour les trois cultures principales: blé, coton, betterave sucrière.

A la fin de l’été 1976, un ingénieur de l’Office du Ghab proposa à un paysan de sa connaissance dans cette région de financer une "opération pommes de terre". Cette culture pouvait s’insérer dans le cycle de rotation prévu par le Plan, et des études de sol antérieures prouvaient que la terre s’y prêtait, avec un espoir de bons rendements. Il pensait surtout que la sécheresse en Europe allait se répercuter et provoquer une forte augmentation des prix au Proche-Orient dans les mois à venir. Il acheta les semences et s’occupa, grâce à ses relations, du transport et de la commercialisation; le paysan apporta eau, terre et main d’oeuvre: ils partageraient en deux le montant de la récolte. Contrairement aux cultures principales, les produits maraîchers relèvent du marché libre. Cette opération fut une réussite financière et permit au paysan d’acquérir une camionnette.

Elle permit une transmission de savoir bien plus rapide et plus efficace que les directives et contrôles officiels: les paysans découvraient les pommes de terre, et de façon plus générale l’intérêt d’introduire des cultures dérobées dans le cycle des cultures principales. Cependant cela suppose de complexifier l’assolement, de diversifier les cultures, mais surtout de trouver un partenaire financier et un appui afin de bénéficier de quotas d’eau supplémentaires, ce qui n’est pas à la portée de tous les petits exploitants de cette région. En outre, ces cultures vendues sur le marché libre ont un caractère spéculatif: elles peuvent doubler, voire tripler le revenu annuel d’un paysan, mais également l’endetter lourdement.

Mots-clés

agriculture, développement rural, diffusion de l’innovation, innovation, planification, transfert de connaissances, assolement, rentabilité


, Syrie, Plaine du Ghab

Commentaire

En dix ans les cultures complémentaires se sont très largement développées. Les paysans ont intégré le jeu du marché et l’analyse des risques. Ceux qui, du fait de leur réussite, deviennent des leaders au sein d’un village ou d’une coopérative, diffusent à leur tour autour d’eux les leçons de leur expérience, ce qui a permis l’extension de cette pratique au delà de la plaine du Ghab.

Notes

extrait de: "Bâtisseurs et Bureaucrates: Ingénieurs et Société au Maghreb et au Moyen-Orient."

Source

Articles et dossiers

METRAL, F. in. ETUDES SUR LE MONDE ARABE, 1990, N°4

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