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Deux modes d’irrigation pour une même planification en Syrie

Katia HALABI

02 / 1993

Dans la région de Mhardé au nord-ouest de Hama co-existent deux modes d’irrigation: les puits privés et le réseau de canaux construit et géré par l’Etat. Pendant la période sèche d’avril à septembre, ces canaux amènent aux parcelles l’eau de l’Oronte et les pluies d’hiver retenues au barrage de Mhardé. Les villages qui se situent à la périphérie de ce réseau n’ont pas d’autre alternative que les puits pour irriguer. Parfois comme à Jebben, au sein d’un même village une partie seulement des terres se trouve dans le réseau. Cette proximité géographique fait que les paysans irrigant par puits connaissent les autres et peuvent comparer leurs revenus. Et les ingénieurs agronomes de la région rapportent que certains se plaignent.

A travers son Plan de production agricole, l’Etat fixe chaque année pour un certain nombre de denrées de base (blé, orge, lentilles, betterave à sucre, coton...)le pourcentage des superficies cultivées qui leur sont consacrées. Il définit également le rendement à obtenir et le volume de la production, les quantités de semences et d’engrais nécessaires, et le montant des crédits à court terme correspondants. Par une simple règle de trois, au début de chaque campagne agricole, les ingénieurs agronomes appliquent ces chiffres aux surfaces des exploitations privées et des coopératives. La répartition qui s’effectue ensuite au sein de celles-ci permet de réaliser quelques économies d’échelle: elle évite que chaque petite exploitation qui y adhère ne fasse toutes les cultures imposées sur de toutes petites superficies. Cela se traduit pour les exploitants par un papier officiel portant mention de toutes ces données, qui leur est indispensable pour obtenir semences, engrais et crédit, au prorata de ces indications. Cela signifie également que le prix des principaux produits est fixé par l’Etat, qui contrôle approvisionnement et commercialisation par l’intermédiaire des Offices en situation de monopole pour ces denrées.

Or cette planification tient à peine compte des différences de système de production. Et dans la région de Mhardé elle impose à tous le blé, la betterave sucrière et le coton, qui ensemble représentent 75% de l’assolement. Cependant, pour le droit d’utilisation des canaux, l’Etat ne fait payer qu’une somme forfaitaire de 1000 livres syriennes par hectare irrigué et par an, alors que le mazout pour le moteur de la pompe d’un puits privé revient en moyenne à 3000£S par hectare de blé, 5000£S par hectare de betterave sucrière, et 10000£S par hectare de coton. L’Etat détermine donc les types de cultures, le prix, unique sur l’ensemble du pays, auquel il les achète, alors que les frais varient beaucoup selon les systèmes d’irrigation. Pour toutes les cultures, à rendement identique, la marge brute par hectare de ceux qui ont un puits est plus faible que pour ceux qui utilisent les canaux, d’où les dissensions.

Mots-clés

agriculture, planification, irrigation, coopérative, système de production, rentabilité, intervention de l’Etat dans l’agriculture, assolement, politique des prix


, Syrie, Hama, Mharde

Commentaire

On notera cependant que le puits confère une autonomie non négligeable, l’utilisation des canaux étant soumise à une organisation stricte, contrôlée par des agents de l’Etat: chacun a droit à 4 heures d’irrigation à tour de rôle le long d’une section de canalisation, qui ne correspondent pas toujours au moment le plus propice dans la journée ou dans le cycle de la plante pour irriguer. En outre, si les pluies hivernales s’avèrent insuffisantes, le barrage ne retient que peu d’eau et l’Etat la rationne en été (alors que le pompage par puits dans la nappe phréatique n’est pas réglementé), ce qui devient catastrophique pour des cultures comme la betterave sucrière ou le coton qui nécessitent sous ce climat de nombreuses irrigations.

Notes

La présente fiche résulte d’une synthèse d’entretiens avec des paysans et des ingénieurs agronomes. Voir aussi "Etude des systèmes agraires et des systèmes de production de la région de Mhardé, nord-ouest de Hama, Syrie", mémoire soutenu par K.HALABI (diplôme d’ingénieur agronome, 1993).

Source

Entretien

HALABI, Katia, 1992

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