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Une réponse éthiopienne à la sécheresse

Joël AUDEFROY

02 / 1993

Contexte

L’Ethiopie est, comme les autres pays de la Corne de l’Afrique, victime de sécheresses importantes dues principalement à l’ignorance des contraintes de l’environnement, ce qui a provoqué une rupture de l’équilibre écologique, la disparition des forêts et l’érosion du sol. En outre, la surpopulation dans les traditionnelles terres fertiles des régions du Nord (Wollo et Tigré) et le manque de savoir-faire dans l’agriculture ont aussi contribué à la détérioration du sol et de l’environnement. De plus aucun programme de développement durable n’a été mis en place qui aurait permis à l’Ethiopie de retrouver un équilibre écologique.

La réponse du Gouvernement Ethiopien à la sécheresse qui a affecté principalement les régions du Nord surpeuplées - depuis la Révolution de 1974 - a été une politique de déplacement de populations baptisée « Resettlement Policy ». Ce déplacement de populations a consisté à transférer des populations originaires du Nord dans des nouveaux villages d’environ 500 familles en leur fournissant une aide et une assistance technique limitée. Cette « revillagisation » s’est effectuée en 4 phases depuis 1974 jusqu’en 1986.

Le déroulement du processus

PHASE 1: les premiers transferts (1974-1978). Ces premiers déplacements n’ont eu lieu qu’à une échelle régionale, ils étaient dirigés principalement vers les populations victimes de désastres naturels et vers certaines catégories sociales : chômeurs urbains, nomades, etc.

PHASE 2: Transferts depuis les zones traditionnelles de sécheresse (1978-1984). Avec l’arrivée de la sécheresse, des établissements humains (les nouveaux villages)ont été implantés dans des zones fertiles et peu peuplées. Les transferts ont été réalisés surtout depuis le Wollo et le Tigré vers le Welega et le Plateau Somalien. A la fin de la période, les nouveaux villages qui avaient été réalisés comprenaient environ 120 000 habitants.

PHASE 3: Les transferts massifs (1984-1986). Depuis 1984 jusqu’à la première moitié de 1986, environ 300 000 personnes avaient été transférées surtout vers la Province du Welega. Les conditions de sélection, de transport, de choix des sites étaient médiocres et leurs conséquences peu contrôlées. Ces transferts ont coïncidé avec la période de la plus forte sécheresse.

PHASE 4: Interruption des transferts à partir de 1986. Cette soudaine interruption est due à des campagnes internationales contre les déplacements, à la réduction de l’aide internationale et à la baisse de la famine grâce à des changements de climat.

La sécheresse a été l’argument du Gouvernement pour justifier les déplacements de population; or il semble qu’en fait, la « stimulation » des migrations ait des racines profondes dans l’histoire de l’Ethiopie : les anciens empereurs et rois de l’Ethiopie ont traditionnellement encouragé le groupe ethnique dominant, les Amharas à coloniser les basses terres au sud de l’Ethiopie. Le gouvernement socialiste a donc repris à son compte la même stratégie afin de mieux contrôler les populations locales potentiellement hostiles au pouvoir central. Ces transferts ont pu être en outre réalisés au moindre coût grâce à l’aide internationale (lorsque l’aide a diminué, les transferts se sont arrêtés).

Ces transferts ont en outre été un laboratoire pour transformer les modèles de peuplement. Une telle transformation correspond à un changement brutal de la structure agraire permettant aux paysans de passer d’une forme isolée à un système d’associations issu d’un modèle inspiré de l’ancien système soviétique des Kolkhoses et des Sovkhoses. Il s’agit donc d’une volonté politique de changer brutalement les habitudes culturelles, sociales et économiques des paysans au nom d’une idéologie totalitaire et sans tenir compte des contraintes locales ni des systèmes de productions informels existants.

Or pour réaliser un transfert de population dans un minimum de conditions acceptables il faudrait répondre aux conditions suivantes : que les populations soient consentantes; qu’une analyse préalable des possibilités et contraintes locales soit réalisée; que des investissements soient réalisés dans les secteurs sociaux et productifs; que la plus grande intégration sociale des nouveaux arrivants dans le contexte local soit facilitée; enfin, que la planification des nouveaux villages soit adaptée aux différents contextes climatiques et naturels.

Répondre à ces conditions rend difficile un déplacement massif et rapide de populations comme ce fut le cas ici entre 1974 et 1986. L’exemple d’Assossa réalisé à la frontière Sud avec le Soudan, à partir de 1977-78, analysé dans ce document montre que ces conditions ne furent pas remplies.

Mots-clés

paix et développement, personne déportée, violence étatique, peuplement, désintégration sociale, désertification, dégradation de l’environnement, Etat et société civile, sécheresse, migration


, Ethiopie, Welega, Plateau Somalien

dossier

Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie

Commentaire

Les nouveaux villages ont atteint assez rapidement une autosuffisance alimentaire mais le prix de cette autosuffisance semble assez élevé:

La destruction de l’environnement: En moins de 5 ans les nouveaux habitants avaient détruit le potentiel de réserves forestières, accélérant le processus de désertification en allant de plus en plus loin des villages pour aller chercher le bois de feu utilisé pour la cuisine, en détruisant des espaces forestiers pour l’agriculture extensive, en construisant des maisons avec des matériaux utilisant beaucoup de bois (torchis).

Des conditions de vie difficiles pour les habitants: manque d’infrastructures (eau potable, drainage)

Des villages réalisés sur le même modèle urbanistique: ce qui a empêché une véritable appropriation de l’espace par les habitants. Les patrons culturels des maisons traditionnelles du Wollo et Tigré ont été abandonnés pour les remplacer par des systèmes de construction fonctionnels ignorant aussi le climat, les vents dominants et les risques naturels (termites).

Notes

Communication au 23e Congrès de la Société internationale des planificateurs urbains et régionaux, New-Delhi, 5-11 décembre 1987.

Source

Littérature grise ; Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

AYALDE, Maria, CABANNES, Yves, GRET=GROUPE DE RECHERCHE ET D’ECHANGES TECHNOLOGIQUES, GROUPE DE RECHERCHE ET D’ECHANGES TECHNOLOGIQUES, 1987/12 (France)

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