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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Défis théoriques posés par une pratique alternative du droit

Ana LARREGLE

03 / 1993

Dans le cadre de la « Rencontre interafricaine sur les pratiques alternatives du droit » (Cotonou, Bénin, octobre 1992), Manuel Jacques, directeur de Quercum (Centre de Développement et d’Etudes Juridiques)au Chili, a témoigné sur l’expérience des services juridiques latinoaméricains. Le dialogue Sud/Sud aboutit à un constat commun: le droit existant ne sert pas à résoudre les problèmes du Tiers Monde. Avec les participants africains, M. Jacques a contribué à un débat autour de la recherche de nouvelles voies pour réfléchir, imaginer et créer le droit.

Un certain nombre de défis théoriques naissent de la pratique, dont les principaux seraient:

1) Démystification du droit. Il faut dévoiler le mythe du droit à partir d’une discussion théorique ayant pour objectif une prise de conscience critique.

2) Droit et transformation sociale. Actuellement, le temps est venu de distinguer, d’une part, une logique de consolidation du système par l’intermédiaire du droit et, d’autre part, une autre logique qui situe le droit comme une ressource stratégique de transformation. La première logique répond à une conception légaliste du droit, qui utilise la loi en tant que mécanisme de défense, cherchant la résolution des conflits uniquement dans la réponse légale des tribunaux. Dans une deuxième logique de transformation, le concept du droit s’associe plutôt à l’idée du « juridique », différent du « légal », et rejoint ce qu’on pourrait nommer « droits au quotidien »: à savoir, tous ces besoins insatisfaits que la population défavorisée n’arrive pas encore à identifier comme étant des problèmes juridiques. De ce point de vue, la défense n’est plus la représentation du client dans le procès, mais une démarche d’éducation juridique reliée à l’organisation, la mobilisation, la formation, la proposition normative pluraliste et la recherche de solutions alternatives aux conflits.

3) Critique des idées reçues. Le légalisme ou formalisme juridique, conséquence idéologique de la « théorie pure du droit » de Kelsen, consiste à aimer la loi pour sa forme laissant de côté son contenu. Il est à l’origine de croyances telles que: la loi est un monopole, un oracle de la connaissance juridique, marginalisant ainsi toute autre connaissance juridique non consignée dans la loi; la loi comme synonyme de vérité, alors qu’elle peut être fausse, impliquant une confrontation entre savoir et comprendre, une séparation artificielle entre sujet et objet du droit; une conception traditionnelle du rôle du droit en tant que discipline sociale, dans la trilogie « contrôler-corriger-punir », excluant son rôle créatif, socialisateur, libérateur.

4) Pluralisme juridique et normativité. Divers ordres juridiques peuvent converger dans une société, car ils répondent à une diversité sociale. Le cas le plus visible concerne les sociétés qui ont des minorités ethniques. L’idée d’un droit minoritaire ne doit pas être comprise comme une imposition normative qui pèse sur tous, mais comme une convergence harmonieuse de la pluralité. Il existe également une conception plus large du pluralisme juridique, qui implique la prise en considération non seulement des droits coutumiers, mais aussi des situations sociales d’auto-régulation, tels que les mécanismes des secteurs populaires, de l’économie informelle, jusqu’à maintenant exclus des sources de la normativité.

5) Validité matérielle du droit. La validité formelle du droit entend l’efficacité de celui-ci comme une application passive. En revanche, pour une validité matérielle, l’efficacité du droit a forcément une application active, et c’est la communauté même qui met en oeuvre ses propres droits en tant que sujet capable de faire des propositions.

6) Tension entre légalité et légitimité. Ce problème ne pourra être résolu sans l’inclusion de la notion de « pouvoir », en tant que « capacité d’exercer une influence sur les décisions à partir de ma propre proposition ». Sans capacité d’influence, il n’y a pas de pouvoir. Comment les secteurs populaires peuvent-ils exercer cette capacité, pour fonder ainsi une vraie légitimité? (Version espagnole de cette fiche: MFN 3016)

Mots-clés

relations Sud Sud, droit et démocratie, droit et changement social, pratique du droit, droits humains, analyse


, Amérique Latine

dossier

Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les nouveaux défis du XXIe siècle

Commentaire

L’idée du modèle politique sous-tend ce débat. Il a été signalé que le Nord est en train de promouvoir partout dans le monde une conception de « démocratie consociative », alors que celle-ci montre actuellement son échec. Elle n’est qu’un euphémisme de l’individualisme, où le consensus implique uniquement l’inexistence d’un pouvoir de décision dans la communauté. On entend souvent dire qu’un pays mûr doit arriver à un consensus, mais celui-ci ne provient que des dirigeants: il évite le conflit et s’installe comme symbole de sécurité sociale, alors qu’il n’est que l’expression d’une démocratie formelle. Les groupes présents à la rencontre, qui travaillent pour la formation de la population, se prononcent pour des actions destinées à soutenir une démocratie participative réelle. Un dialogue Sud/Sud est une contribution nécessaire à la poursuite de ce travail.

Notes

Fiche rédigée à partir de l’exposé de Manuel Jacques, suivi d’un débat. Propos recueillis et traduits par Ana Larrègle.

Source

Littérature grise ; Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

JACQUES, Manuel, Les Pratiques alternatives du droit (rencontre interafricaine), Cotonou, Bénin, 12-17 octobre 1992, FPH, JURISTES SOLIDARITES, ASSODIV, 1993/01 (Belgique)

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