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Colombie : la stratégie du cartel de Cali

11 / 1994

A la suite de la mort de Pablo Escobar, leader du cartel de Medellin, en décembre 1994 et des pressions américaines pour que la guerre à la drogue s’étende à d’autres régions, certains medias colombiens ont évoqué le spectre d’une "médellinisation" de Cali et de sa région - la Vallée du Cauca -, qui mettrait en cause les bienfaits du "boom" industriel et financier de cette zone stratégique. Grâce au port voisin de Buenaventura, sur la côte pacifique, Cali tient en effet la clef de la voie la plus directe pour les échanges commerciaux vers l’Asie, le Pérou et le Chili, la Californie et le Canada. Cali, représente aussi 40% des flux industriels colombiens. Mais, la "médellinisation" est déjà, dans une certaine mesure, un fait acquis. Contrairement à une idée recue, le cartel de Cali n’est pas fondamentalement moins violent que celui de Medellin. Mais, à la différence de ce dernier, sa stratégie d’implantation et de développement a longtemps réservé à la violence des objectifs ciblés au lieu d’en faire le vecteur central d’assise et de maintien de son pouvoir. La façon radicale dont les narcos caleños ont "nettoyé" leur cité des "indésirables" en donne un exemple : assassinats de milliers de mendiants, de délinquants échappant à l’ordre narco de prostituées, d’homosexuels ou des enfants des rues. Enfin et surtout, Gilberto Rodriguez Orejuela et son frère Miguel sont, aux côtés de Guillermo Londoño White, parmi les fondateurs supposés de Los Pepes, milice parallèle qui a le plus largement contribué à la chute de Pablo Escobar, qu’ils auraient financé à hauteur de 2,5 millions de dollars mensuels.

Après la mort de ce dernier, les chefs du cartel de Cali ont choisi d’adopter un profil bas. Ils ont momentanément cessé de s’ afficher dans les grands restaurants et discothèques de la ville. Des drapeaux blancs ont surgi, déployés aux façades des pharmacies du réseau La Rebaja, dont les Rodriguez Orejuela, sont propriétaires en sous-main. Pour comprendre cette attitude, un petit retour en arrière s’impose. Dès avril 1993, les membres dirigeants du Cartel s’étaient réunis pour mettre au point une nouvelle stratégie. Bien placés pour savoir que le filet se resserrait autour d’Escobar et conscients que les projecteurs se tourneraient bientôt vers eux, une centaine de membres de la fédération ont étudié un moyen d’éviter que les 3 000 hommes du Bloque de Busqueda, avec l’appui de ceux de la DEA, ne se "recyclent" contre Cali ou, dans cette éventualité, de limiter les dégâts. Il paraissait, en effet probable que le gouvernement Gaviria serait poussé à donner des gages aux autorités américaines et à l’opinion internationale en lançant des opérations militaro-policières sur leur territoire. Quinze jours plus tard, une seconde réunion fit le bilan des propositions. La seule qui fut rendue publique consistait à faire au gouvernement l’offre suivante : le cartel acceptait de mettre fin à ses activités en échange d’un règlement global de la situation judiciaire de ses membres. La justice colombienne disposant de peu de preuves contre les trafiquants de Cali, les avocats des narcos évaluaient qu’à peine vingt chefs du cartel étaient sous le coup de poursuites et que, dans le cas d’une application stricte de la loi, au maximum cinq d’entre eux risquaient de passer quelques années dans une prison locale ou en résidence surveillée. D’autre part, la non-rétroactivité de la loi de 1989 sur l’enrichissement illicite des particuliers leur garantissait la jouissance légale des biens acquis avant cette date. Comme le résumait l’hebdomadaire colombien Semana, après enquête auprès des avocats du cartel, l’idée est simple : "mieux vaut un milliard de dollars en liberté que deux ou trois dans la clandestinité". La décision, en février 1993, de la Cour constitutionnelle autorisant le gouvernement à récupérer les biens des trafiquants sur lesquels aucun acte de possession ne serait intervenu au bout d’un an ne pouvait que renforcer les mérites de cette position. A la suite d’un lobbying intense à coups, vraisemblablement, de menaces et de pots-de-vin, le cartel allait d’abord éviter un premier obstacle en faisant échouer au Congrès un projet visant à interdire la transmission par héritage des biens d’un délinquant décédé.

Mots-clés

drogue, trafic de drogue, trafiquant, corruption, législation, organisation criminelle


, Colombie, Cali, Medellín

Notes

Les sources d’information de cette fiche sont confidentielles et non communicables.

Source

Enquête

OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES

OGD (Observatoire Géopolitique des Drogues) - France

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