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Quel rôle pour les associations ?

Lydia NICOLLET

11 / 1994

Après 1945, l’éducation populaire avait pour principal objectif d’être l’intermédiaire entre le prolétariat et le modèle culturel national par l’apprentissage de la méthode "rationnelle". On a assisté depuis à une véritable mutation associative. Les militants mettent aujourd’hui en oeuvre une pédagogie plus individualisée, prenant en compte les spécificités sociales, culturelles, géographiques. L’animateur joue avant tout le rôle d’un catalyseur pour des projets mettant en oeuvre des formes d’engagement social qui touchent de plus en plus à la quotidienneté de l’activité civique et qui s’expriment de manière privilégiée au niveau local.

De cette évolution découle la nécessité de penser plus précisément leur rapport avec les structures politiques et administratives. Le rôle revendiqué par les associations de relais entre les citoyens et l’Etat pose en effet un certain nombre de problèmes, notamment la position ambigüe que peuvent entretenir les autorités publiques et administrative avec les intermédiaires associatifs mais également la mise à l’écart du processus d’un certain type de public. Le pouvoir à la recherche d’interlocuteurs a volontiers crédité les associations d’un rôle de médiateur social et de démocratisation qui confère au processus décisionnel un caractère de concertation; ce dernier permet finalement de contourner à bon compte les conflits ouverts sous couvert d’une participation qui peut finalement s’avérer limitée. Fortes de cette légitimation étatique, les associations ont eu tendance à se professionnaliser et à se bureaucratiser. De la dichotomie militants/bénévoles on est passé à un collectif avec des permanents, des bénévoles et des professionnels de statuts très divers.

Aujourd’hui, un certain nombre d’élus remettent en cause le caractère représentatif des associations, des professionnels de la vie associative et les revendications de ceux, consommateurs de biens associatifs, qui tendent à monopoliser l’accès aux représentants du pouvoir, faisant ainsi écran à une population qui reste en dehors des circuits associatifs de la même façon que peuvent, par exemple, faire écran les cabinets d’experts ou les agents de développement. La véritable représentativité de la vie associative, parfois difficile à reconnaître, regroupe de fait des gens qui sont déja intégrés et ne peut toucher les populations en marge. Ce sont des populations déjà structurées qui manifestent une volonté de s’exprimer, à l’exemple des populations immigrantes. Des leaders émergent qui deviennent des "apparatchiks" coupés de leur base et finissent par être rejetés par ceux qu’ils affirment représenter. A l’inverse, du quart-monde français en position locale déstructurée ne peut émerger aucun représentant et il reste définitivement à l’écart du processus de participation à la vie sociale.

Réfutant l’accusation adressée par certains élus de faire écran entre les pouvoirs publics et les citoyens, les acteurs associatifs, conscients de la difficulté qu’il y a à inclure dans l’activité associative ceux qui doivent être en priorité visés, ne manquent pas de souligner que les acteurs politiques et administratifs ont encore à faire la preuve de leur volonté d’une concertation directe avec les citoyens. Le décalage est en effet énorme entre le discours politique et l’incapacité à toucher ces publics. Le RMI (Revenu Minimum d’Insertion), par l’instruction des dossiers, apparaît certes comme susceptible de permettre d’entrer en contact avec des publics qu’on ne pouvait atteindre et fournirait le seul instrument pour une aide personnalisée aux personnes en difficulté. Il importe donc de renforcer le secteur des travailleurs sociaux et d’établir des contacts personnels entre les allocataires du RMI et les équipes qui traitent les dossiers. Mais cette procédure, parce qu’elle concerne des populations déjà en grande difficulté et parce qu’elle est déjà un constat d’échec, doit être développée aussi sur d’autres champs. Afin d’asseoir leur rôle, les intermédiaires sociaux doivent revendiquer une place d’interlocuteurs actifs mettant en oeuvre une compétence particulière - ceci impliquant de former les responsables associatifs - qui les autorise à argumenter en termes explicatifs et non justificatifs et à instaurer une logique de partenariat avec les autorités publiques : désigner les problèmes et dégager des priorités qu’il faut ensuite imposer, avoir des rapports exigants avec les collectivités locales, faire des propositions, mettre les élus en face de leurs responsabilités. La collaboration implique un véritable rapport de force afin de créer les conditions de négociation avec les pouvoirs publics. Mais cette logique de partenariat est très relative : le terme "partenaire" est né à la fin des années 70, lorsque le mouvement associatif revendiquait auprès des pouvoirs publics d’être reconnu comme tel. Ensuite, avec la décentralisation, les pouvoirs publics se sont emparés de ce terme pour définir le nouveau type de relations entre l’Etat et les collectivités publiques territoriales, qui s’avèrent être un véritable partenariat. Mais ce terme est inapproprié concernant les relations entre les pouvoirs publics et les associations.

Or il semble qu’il ne peut y avoir de partenariat véritable entre pouvoirs publics et associations, tout simplement parce qu’il n’y a pas, dans ces relations, quelque chose qui va dans le sens de l’égalité. Les associations ne sont pas libres d ’entrer ou de sortir du partenariat. Elles sont souvent ficelées dans des dispositifs qui ont été négociés par une seule des parties. Et lorsqu’une tentative de négociation a lieu, celui qui décide est du côté des pouvoirs publics, si bien que les éléments constitutifs de la relation partenariale n’existent pas. De plus, cette logique de partenariat faussée peut être perverse car certains responsables associatifs sont si proches des pouvoirs locaux et de leur logique d’action qu’ils privilégient de plus en plus la variable économique et financière dans les choix qu’ils sont amenés à effectuer.

Aujourd’hui des efforts devraient être faits pour démocratiser le monde associatif, pour lui donner un autre sens. Un rassemblement inter-associatif est donc fondamental. La plupart du temps, lorsque l’on parle de richesse associative, on se réfère à sa diversité. Mais cette diversité est aussi un obstacle au rayonnement associatif. Un rassemblement, qui semble s’esquisser progressivement, permettra au mouvement associatif de concentrer d’avantage sa réflexion sur le sens et pas simplement sur les produits. Car si les associations savent parler approximativement de ce qu’elles font, elles ont beaucoup plus de difficultés à dire ce qu’elles sont et pourquoi elles existent.

Mots-clés

vie associative, Etat et société civile, association, changement social, politique sociale


, France

Notes

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Source

Articles et dossiers

Education et civisme, Les déficits de démocratie in. Territoires, 1991/10, 321

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