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RECIPROCITE : dialogues franco-mexicains pour des filières de bois durables

Pierre Yves GUIHENEUF

05 / 1995

Geyser a une longue expérience de coopération avec des ONG mexicaines. Certaines d’entre elles ont entrepris, depuis plus de dix ans, d’appuyer les communautés paysannes dans leur démarche de valorisation et d’entretien de leurs forêts, avec le souci de préserver à long terme leurs ressources naturelles. Pour ces forestiers, l’une des alternatives est de faire reconnaître leurs efforts de protection de l’environnement par les importateurs du Nord et bénéficier de prix plus équitables, ce qui passe probablement par l’octroi d’un label. Des ONG mexicaines les aident à définir les conditions d’une exploitation raisonnée de la forêt et Geyser cherche à mobiliser des financements européens pour ce travail de recherche-action, ainsi qu’à faciliter les négociations avec les décideurs et les importateurs de la filière, servant ainsi de relais en Europe. Français et Mexicains ont donc établi une collaboration étroite en vue d’appuyer les efforts de petits producteurs. Difficultés et perspectives.

. Entre Français et Mexicains, il existe des DIFFERENCES CULTURELLES qui rendent parfois plus complexe la relation de travail. Nous regrettons souvent le manque de rigueur et de ponctualité de nos partenaires, ce qui - de notre point de vue - entrave la réalisation du travail. Cependant, toute différence, même si elle représente une difficulté pour le dialogue, peut aussi être considérée comme le moyen d’un enrichissement mutuel. C’est grâce à nos différences que nous prenons conscience de nos propres façons de fonctionner et pouvons éviter parfois des excès. Pour qu’elles ne soient pas des obstacles, il faut que chacun des partenaires fasse un effort pour aller vers l’autre, pour le comprendre ou l’accepter comme il est.

. Malgré notre volonté d’établir une relation d’égalité avec nos partenaires mexicains, nous subissons malgré nous L’HERITAGE DU PATERNALISME de la coopération Nord-Sud. Les vieux réflexes (complexe de supériorité)sont prêts à ressurgir en cas de tension et il faut parfois veiller à ne pas déraper. La réciprocité n’est pas une attitude "naturelle" dans une société ou l’égalité n’est qu’un voeu pieux. Ce n’est pas une pratique qui découlerait automatiquement de notre bonne volonté. Elle doit être construite jour après jour.

. LA RECIPROCITE DES RELATIONS PASSE PAR LA CONFIANCE. Elle suppose une bonne connaissance personnelle de ses partenaires et de leur société (notamment de leur contexte culturel et social, ainsi que de leur histoire, qui permettent de comprendre leurs façons de fonctionner). Il est également nécessaire d’assurer une transparence totale concernant le financement de l’action commune (les financements demandés et ceux obtenus par chacun, les coûts de fonctionnement de chacun, etc.)et concernant l’information sur le projet (les contacts pris, les données disponibles...). Les outils de communication sont donc importants. Le courrier électronique, d’usage fréquent en Amérique latine, est devenu un bon moyen de se transmettre rapidement de l’information.

. La réciprocité se nourrit également d’aspects plus symboliques, par exemple une coordination tournante du projet ou un PARTAGE NEGOCIE DES TACHES à réaliser. L’idéal serait d’arriver à ce que les transferts Nord-Sud de financements soient accompagnés de transferts Sud-Nord dans le cadre du projet : les Mexicains peuvent parfois avoir accès plus facilement à certains fonds et ils pourraient contribuer à nos propres besoins de financement, au moins de façon symbolique. Ils ne sont pas opposés au principe, mais nous n’en sommes pas encore là.

. En matière de gestion durable des forêts, les Mexicains sont parmi les plus compétents au monde actuellement. Leurs principes de gestion des ressources naturelles, le lien effectué entre environnement et développement, les processus locaux de négociation pour la préservation de leur patrimoine : tout cela pourrait apporter des éclairages à ceux qui, en Europe, sont confrontés à des problèmes du même ordre. C’est à nous qu’il revient de faire connaître leur expérience. Nous nous adressons pour cela aux autres ONG, aux acteurs de terrain ou aux responsables de la question dans les ministères concernés ou à Bruxelles. Les ONG sont en général assez réceptives. Les acteurs de terrain sont plus dubitatifs sur l’intérêt pour eux d’expériences menées dans le Sud, arguant des différences de situation pour éviter de se remettre en cause. Il y a là un problème d’éducation. Quant aux officiels, ils sont rarement intéressés par des échanges d’expériences ou des débats de fond. Peut-être avons nous des difficultés pour trouver les bons interlocuteurs. Pourtant, le fait d’être engagés dans des actions de terrain en France nous ouvre de nombreux contacts. Malheureusement, ceux-ci restent largement insuffisants. Comment mieux répercuter ici les acquis de nos partenaires du Sud ? Même si cela est souhaitable, est-ce une obligation morale ou technique ? N’est-il pas déjà suffisant de s’assurer que l’intervention dans le pays du Sud a un impact positif ? Sommes-nous tenus de "FORCER" CE RETOUR SUD-NORD ET AVEC QUELLE LEGITIMITE ?

. Certaines conditions rendent difficile pour les ONG du Nord l’établissement de relations d’égalité avec leurs partenaires du Sud. Par exemple, elles maîtrisent souvent les fonds ou servent d’intermédiaires dans la circulation des financements, ce qui leur assure de fait une position de domination. Parfois également, elles sont soumises aux exigences des bailleurs de fonds, qui les contraignent à adopter des pratiques peu respectueuses des rythmes ou des méthodes de leurs partenaires. Pour s’engager dans des relations réciproques, il faut s’assurer de disposer soi-même d’une marge de manoeuvre suffisante pour cela.

Mots-clés

communication et culture, choc culturel, protection des forêts, épuisement des ressources forestières, coopération décentralisée, financement


, France, Mexique

Notes

GEYSER est un groupe de travail à l’interface des questions d’agriculture, d’environnement et de développement. GEYSER anime des réseaux, systématise et diffuse des informations utiles pour l’action, fournit des appuis techniques ou méthodologiques. Pour plus d’information, voir fiche 21

Source

Entretien

BARRET, Yannick

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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