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La coopération avec l’Ukraine, un projet sans ambition

Sophie NICK

02 / 1996

Pierre Mollo est formateur au CEMPAMA de Beg Meil (Bretagne), un centre de formation en aquaculture. Il suit également plusieurs projets de coopération maritime et est membre du conseil d’administration de l’association pour le développement des activités maritimes (CEASM).

"Après notre première mission en Ukraine, nous avons écrit un grand projet très ambitieux sur cinq ans pour développer la mytiliculture. Chaque année, il a été refusé par Bruxelles. Je ne pouvais pas m’arrêter là, je me sentais engagé moralement par rapport aux Ukrainiens. J’ai donc continué cette coopération, modestement, avec les moyens que j’avais et la poste. J’ai écrit et j’ai envoyé des documents et chaque année, grâce au Ministère de l’Agriculture qui me paye un billet d’avion, je continue à aller là-bas. J’ai été au Ministère des Affaires Etrangères (MAE)et on m’a dit : "vos moules, c’est rien par rapport aux problèmes des Ukrainiens". Notre projet est un projet de proximité, avec des actions très ciblées, trop simplistes peut-être, trop modestes mais réelles : une école, un centre de formation, un atelier pilote. Notre projet manque d’envergure pour la France. Un jour le MAE m’appelle parce que la situation n’était pas très stable en Ukraine : vite, il leur fallait un projet. J’écris un projet, ils me débloquent 60 000 francs puis plus rien. La situation s’était stabilisée là-bas et je n’ai jamais vu mon financement. Si tous les six mois on dit aux Ukrainiens : "ça marche, ça marche pas", ils vont nous prendre pour des fous.

En Ukraine, il y a des voitures mais pas de pneus. Quand je suis retourné en France, j’ai donc pris contact avec des entreprises qui vont envoyer des pneus. A Sébastopol, il n’y a pas d’aéroport civil. Le plus proche est à Kiev, à 40 heures de train. C’est un obstacle à l’exportation de moules et au développement touristique qui préoccupe les Ukrainiens. Je négocie avec l’aéroport militaire pour qu’ils accordent un peu de place aux civils et j’ai essayé de trouvé en France des spécialistes des aéroports. Ce sont des initiatives individuelles, je prends des contacts et je mets les gens en relation. Je fais tout pour que mes partenaires sur place soient dans le coup. Je leur dis : "ce sont peut-être les pneus de voitures qui nous ferons faire des moules demain". Je sais qu’il y a ainsi des industriels français qui se sont rendus en Ukraine trois fois depuis six mois.

Sur place, j’ai rencontré un homme très riche qui sponsorise une école. Les enseignants ne sont plus payés et les parents ont été voir ce mécène pour lui demander de financer des établissements scolaires : "votre existence ne sera plus vivable si tous les jeunes deviennent des voyous". Ils ont ainsi monté une école de communication et une école qui enseigne l’environnement. Quand j’ai demandé pourquoi, on m’a répondu : "parce qu’il faut qu’on vende, qu’on montre à l’extérieur que nous avons des idées, que nous pouvons échanger. Nous voulons aussi mettre en valeur nos côtes, nos rivières." On pourrait penser que leur priorité est l’agriculture parce qu’ils ont un grave problème alimentaire. Mais non : la communication et l’environnement. Je suis assez d’accord avec leur démarche. En France, je suis allé voir l’AFDI, une association d’agriculteurs qui font de la coopération en Afrique. J’ai réussi à les intéresser à l’Ukraine et nous devons y faire un voyage ensemble. A l’époque des kolkhozes, les agriculteurs soviétiques avaient des centres de vacances en Crimée. Aujourd’hui, les Ukrainiens voudraient en faire profiter des agriculteurs d’autres pays et en échange, parler des nouvelles techniques. Nous avons aussi un projet de parc naturel pour la sauvegarde des plantes médicinales et un projet de séminaire international sur les médicaments de la mer sur un bateau en Mer Noire. Il y a beaucoup de scientifiques sans emploi en Ukraine et il faut trouver des idées pour les reconvertir. Avant, ils étaient très privilégiés, maintenant ils ont du mal à vivre. Je connais une biologiste qui est docker dans un port.

Quand on me dit que mon projet est trop modeste, je ne comprends pas."

Mots-clés

aquaculture, mer, coopération


, Ukraine

Commentaire

"On ne peut pas s’intéresser aux moules sans voir les problèmes de transport et de commercialisation. Une action, même modeste, ne peut pas être séparée de son contexte."

Notes

Entretien réalisé par Sophie Nick au CEMPAMA, à Beg Meil (Bretagne)dans le cadre du CEASM.

Adresse du CEMPAMA: Beg Meil, 29510 Fouesnant, France.

Entretien avec MOLLO, Pierre

Source

Entretien

CEASM (Association pour le Développement des Activités Maritimes) - Le CEASM a arrêté ses activités en 2001. - France

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