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La médiation entre conjoints dans les cas de divorce

Un processus en cinq étapes

04 / 1996

Le processus de médiation familiale comporte à peu près cinq étapes qui se déroulent sur quatre à neuf entretiens:

- une étape d’orientation et d’évaluation où le couple va pouvoir faire le point sur ce qu’a été sa vie passée, l’objectif étant de savoir si c’est bien de médiation dont ils ont besoin ou, peut-être, au contraire, de thérapie, ou d’un juge, ou d’un avocat.

- une étape au cours de laquelle on va tenter de cerner de quoi veulent parler ces couples : aspects parentaux, aspects financiers ?

- une étape de négociations des options choisies par le couple. Une fois imaginées toutes les options, il faut définir laquelle va être retenue.

- la rédaction du projet d’entente, par le médiateur, à partir des éléments qui auront été travaillés par le couple,

- la révision de l’entente et la finalisation des procédures chez les avocats.

Dans la première étape, la pratique de la médiation familiale se distingue de la pratique du droit et de la pratique de la thérapie, bien qu’associant souvent ces deux approches : pendant cette phase, le médiateur cherche à connaître le profil du couple, ce qu’il est au niveau social, matériel et psychologique. Il vérifie où se situe chaque conjoint face à la décision de rupture : est-ce une décision commune ou pas ? Comment chacun vit-il cette décision ? Le médiateur fait préciser à chacun comment il perçoit la réalité d’aujourd’hui, ce qu’il veut faire de sa vie de demain. Il aide à ajuster les demandes et reconnaître les intérêts et les objectifs communs, comme celui d’assurer le bien-être des enfants. Il favorise la formulation des demandes de manière que chacun puisse faire des concessions sans perdre la face ou sans que cela soit perçu comme un signe de faiblesse. Pour encourager et faciliter ce processus, le médiateur aide les conjoints à séparer le côté émotif du côté rationnel. On a dit parfois que la médiation devenait un "divorce rationnel"... Est-ce possible? On peut peut-être prendre de la distance mais il est vrai qu’en médiation il y a beaucoup d’émotion et qu’elle doit sortir. Cette émotion, contrairement à ce qui se fait en thérapie, n’est pas le terrain sur lequel on va travailler. On va mettre des mots dessus et on va la dépasser parce qu’en fait, on ne cherche pas à comprendre pourquoi le couple se sépare mais à organiser la séparation.

Le médiateur aide les conjoints à séparer par exemple les manifestations de colère ou de culpabilité du débat sur les questions économiques. Un moyen que nous employons est de donner au couple des feuilles où ils vont devoir écrire concrètement leur budget et, surtout, le budget pour les enfants une fois la séparation effective. Combien voulez-vous que votre enfant vous coûte quand vous serez séparés ? C’est une question qu’on ne se pose jamais quand on vit ensemble. On travaille beaucoup avec des tableaux de papier sur lesquels le médiateur va mettre une grille reprenant l’ensemble d’un mois et où chaque parent va pouvoir développer des options : est-ce que le père, s’il n’a pas la garde, va garder son ou ses enfants pendant un week-end, deux week-ends ? Et on va mettre des croix en face des dates. Un père va faire par exemple quatre croix sur ce tableau de papier. La femme va prendre une autre couleur et va bien entendu remplir toutes les autres cases puisqu’elle aura le ou les enfants - si on prend un mois de 31 jours - les 27 autres jours. En face de ce tableau, je vais leur demander ce qu’ils pensent de cette répartition. La mère qui ne voulait, par exemple, pas lâcher plus d’un week-end sur deux, va réaliser que, finalement, 27 jours, c’est lourd... Peut-être a-t-elle intérêt à lâcher un peu. Le médiateur essaie de faire réfléchir sur cette option et pendant ce temps, l’émotion est un peu à l’écart parce que là, nous sommes vraiment dans l’imagination de la réalité : qu’est-ce que cela fait, face à mes quatre croix, d’envisager d’avoir mes enfants quatre jours? Ou bien devant les vingt-sept croix, la mère doit se représenter qu’elle les aura tous les jours... Petit à petit les négociations sur les réalités d’aujourd’hui et de demain permettront au couple de faire la distinction entre sa relation conjugale passée et la relation qui est à développer.

Chacun doit se réadapter et apprendre à vivre différemment. C’est encore pendant cette phase que le médiateur va demander qui a pris la décision initiale, comment se distribue le pouvoir entre les parties... Quelles sont aussi leurs attitudes vis-à-vis des conflits ? Il est très important pour le médiateur de savoir comment, lorsque le couple vivait ensemble, il réglait ses conflits. En fait, on s’aperçoit que bien souvent ils utilisent le même mode de règlement de conflit : mais maintenant c’est beaucoup plus difficile, parce qu’ils ne vivent plus ensemble.

Dans cette première phase, en fait, le médiateur établit sa crédibilité de tiers impartial, explique la nature et les étapes de médiation, vérifie les attentes du couple face à la médiation et cherche à définir ce que pourrait être une entente satisfaisante pour les deux individus. Pendant la deuxième phase, on aborde l’étude des points soumis à la médiation en commençant par les questions susceptibles d’être résolues le plus facilement. De fait, le couple qui arrive a déjà trouvé des points d’entente. C’est à partir de ceux-là qu’on va commencer à travailler et petit à petit on va aborder les points qui sont les plus difficiles.

C’est à la phase de négociation que se prendront les décisions. A cette étape, les conjoints ont eu l’occasion de réaliser qu’il y a d’une part les émotions et d’autre part des options basées sur une réalité familiale et économique. Ils ont vécu des expériences de coopération qui facilitent la prise de décision. Un autre objectif de la médiation est que le couple soit capable, après une médiation, de continuer à coopérer et d’établir des points de négociation ("self médiation").

Le médiateur a pour tâche de transcrire les décisions dans un projet d’entente qui pourra être soumis à l’avocat lequel pourra alors voir avec son client si l’entente respecte le droit de chacun et peut s’inscrire dans les règles judiciaires. Les conjoints on la possibilité de revenir en médiation pour discuter des changements proposés par l’avocat. Puis l’avocat intégrera cette entente aux procédures légales en vue d’un divorce ou d’une séparation.

Mots-clés

famille, médiation familiale, droits des enfants, méthodologie, médiation


, France

Commentaire

Ne pourrait on pas imaginer un entretien de médiation "obligatoire", au tout début de toutes les procédures concernant des questions de séparation ou de divorce ? L’objectif de cet entretien étant d’informer le couple sur ce qu’est la médiation, avec ses avantages et ses limites. Pour cela, il faudrait que l’ensemble du système - avocats, magistrats, travailleurs sociaux... - soient convaincus de l’intérêt de la médiation pour le couple, les enfants et la société toute entière.

Notes

Annie Babu est Présidente de l’Institut européen de médiation familiale(IEMF, 71, rue St Jacques, 75005 Paris)qui organise des formations de médiateurs familiaux. Tél : 51 59 50 50 ou (1)44 07 22 58.

Source

Articles et dossiers

BABU, Annie in. Non violence actualité, 1995/10 (France), 195

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