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L’agriculture paysanne : des pratiques aux enjeux de société

Frédéric PRAT

09 / 1995

Partout dans le Monde, l’agriculture productiviste issue de la révolution verte des années 50 a montré ses limites : en France, 61 % des agriculteurs gagnent moins que le salaire minimum (Smic). Les agriculteurs sont la catégorie socio-professionnelle où l’on compte le plus de suicides ; plus de 80 000 agriculteurs sont en difficulté ; plus de 15 000 agriculteurs et salariés touchent le RMI (Revenu Minimum d’Insertion, octroyé par l’Etat aux plus démunis). Pour André Aubineau, secrétaire général de la Confédération Paysanne, ce constat, dressé au cours des Premières rencontres nationales de l’agriculture paysanne (21 et 22 mai 1993 à Saint Lô Thère)est sans appel. L’alternative ? L’agriculture paysanne bien entendu ! C’est pour mieux définir ce concept qu’ils étaient près de 300, agriculteurs, techniciens, enseignants, chercheurs et même philosophe et sociologue à s’être réunis lors de ces rencontres organisées par la Confédération Paysanne, syndicat français agricole minoritaire mais dont l’audience ne cesse de s’élargir depuis quelques années.

L’agriculture paysanne, qu’est-ce que c’est ?

C’est avant tout la résultante d’un ensemble de pratiques, déjà éprouvées sur le terrain par une minorité grandissante d’agriculteurs critiques quant au productivisme, et qui cherche en priorité à :

- produire en respectant l’environnement,

- optimiser la valeur ajoutée pour assurer le revenu,

- recréer des relations de proximité avec le consommateur,

- proposer des produits de qualité,

- réinventer des solidarités locales et internationales,

- participer au développement du "pays", aussi bien au niveau local que national.

En un mot, elle cherche à réhabiliter le métier de paysan en lui donnant du sens. Les témoignages des agriculteurs recueillis lors de ces rencontres sont éloquents : issus ou non du milieu agricole, tous ont choisi de devenir paysan, même si, comme ils le confessent, l’installation a souvent été une étape très difficile : "lorsque l’on est hors-norme, on vous regarde de travers, les subventions à l’installation sont difficiles à obtenir et les relations avec l’entourage délicates. Pourtant ces obstacles disparaissent au fur et à mesure que l’exploitation fait ses preuves et démontre sa viabilité". Les éleveurs misent sur l’autonomie fourragère, en produisant au maximum l’alimentation des animaux sur la ferme (optimisation des prairies). Les arboriculteurs cherchent avant tout la qualité, en retrouvant par exemple les techniques traditionnelles de transformation (pruneau d’Agen)ou en diminuant les temps de stockage. D’autres font le pari de l’agriculture biologique, souvent liée avec une activité d’accueil à la ferme. Tous ont en commun la recherche d’une certaine autonomie, en diminuant au maximum les intrants. "Mais attention, souligne l’un d’entre eux, autonomie ne veut pas dire autarcie ! " C’est pourquoi la majorité de ces paysans sont impliqués dans de multiples associations et gèrent souvent leur matériel en commun (CUMA).

Car l’agriculture paysanne, si elle a été parfois définie comme une forme de résistance à l’agriculture productiviste, est avant tout une agriculture d’ouverture, de relation, avec ses voisins paysans, les consommateurs citadins, la société et le Monde en général. "Nous avons faim parce que vous produisez trop" rappelait un représentant paysan latinoaméricain. Lier les problèmes d’excédents agricoles du Nord avec les déficits chroniques au Sud est aussi l’un des fer de lance de l’agriculture paysanne.

"Il y a un formidable enjeu pour les paysans, celui de l’identité, celui du revenu, celui de la solidarité, celui du plaisir", s’exclamait encore André Aubineau. Car l’agriculture paysanne est bien un enjeu de société. Voulons-nous des campagnes désertifiées, des aliments banalisés produits par 200 000 agriculteurs (tous les calculs montrent que cette évolution est plausible si la tendance actuelle ne s’inverse pas), ou fera-t-on le choix volontariste de maintenir un tissu rural dense, et la production d’aliments de qualité grâce au maintien d’un million de paysans répartis sur le territoire ? Car un paysan qui reste au pays, qui s’installe, génère au niveau local, directement ou indirectement, trois autres emplois. L’adoption d’une agriculture paysanne est donc aussi une condition de survie des villes, en stoppant l’exode rural, en maintenant des paysages ruraux et un équilibre ville-campagne.

Si durant cette conférence l’on a beaucoup parlé du "pourquoi" de l’agriculture paysanne, la question du "comment" n’y a été volontairement qu’effleurée car il s’agissait plus de définir la place de l’agriculture de demain dans un projet global de société que d’insister sur des recettes techniques. Malgré tout, on le sait, le quantum financier est l’un des moyens défendus par la Confédération Paysanne depuis de nombreuses années. Il repose sur une répartition du droit à produire, entre paysans et entre région, avec l’instauration d’un système de prix garantis pour une partie limitée de la production, le surplus étant soumis aux prix du marché. Cette proposition est détaillée en annexe du compte-rendu de cette rencontre.

Mots-clés

agriculture durable, agriculture paysanne, agriculture familiale, agriculture biologique, commercialisation, agriculture et environnement, développement rural, développement local, développement autonome, production agricole, organisation syndicale, politique agricole


, France

Source

Rapport

Confédération paysanne, FADEAR, L'agriculture paysanne : des pratiques aux enjeux de société, FPH in. Dossier pour un Débat, 1994/02 (France), N°28

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