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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Quelles réalités recouvre l’acte d’apprendre ?

Claire HEBER SUFFRIN

1995

Les réseaux d’échanges réciproques de savoirs (RERS)sont fondés sur les idées suivantes : On apprend en enseignant; nous sommes tous savants et ignorants; la réciprocité est une démarche sociale et pédagogique juste. Si nous sommes tous offreurs et demandeurs de savoirs, les relations seront plus égales. Si nous sommes tous enseignants et apprenants, les apprentissages seront plus diversifiés, plus réussis et fondés sur la coopération. Lors d’une séance de formation d’animateurs de réseaux d’échanges de savoirs, nous avons écouté Bernadette Aumont, chercheur en Sciences de l’éducation.

Bernadette Aumont a fait une thèse sur "l’acte d’apprendre". C’est important pour le Mouvement des RERS de se relier à des chercheurs pour progresser. VOICI LES QUESTIONS QUE B.A. S’EST POSE ET NOUS A POSEES. Qu’est-ce que les savoirs ? Les savoirs constitués de l’humanité ? Le patrimoine culturel, c’est-à-dire les savoirs plus propres de la culture qui est la nôtre ? Les savoirs savants, impressionnants jusqu’au jour où l’on sait que beaucoup sont dépassés ? Ils ont représenté, un moment, une vérité scientifique. Et ceux qui savent nous impressionnent par la culture accumulée. Ces savoirs sont un patrimoine auquel nous avons le droit d’accéder. Avons-nous véritablement le sentiment d’accéder et d’avoir le droit d’accéder à ces savoirs ? Les savoirs de chacun ? Ce sont les savoirs de chacun qui servent à constituer les savoirs archivés, qui ont été mis en commun dans des communautés scientifiques, et culturels. Savoirs singuliers, personnels, que l’on s’est construits par soi-même et/ou avec d’autres. Il faut aussi utiliser le savoir au singulier. Le savoir est le résultat de ce que j’ai appris. Chacun a des savoirs : est-ce vraiment un savoir quelque chose dont on peut se dire intérieurement "ça, ce n’est pas un savoir ?" Et pourquoi ne serait-ce pas un savoir ? Quand puis-je dire que je sais ? On a tous des quantités d’expériences, de connaissances, d’informations, un stock extraordinaire où l’on peut puiser. Est-ce déjà du savoir ? Est-ce à la racine de ce qui peut devenir un savoir mais ne l’est peut-être pas encore ? Tout savoir est nécessairement un savoir-faire ; une habileté transférable, utilisable dans n’importe quelle situation où elle est nécessaire pour résoudre un problème de la nature de cette habileté.

LES "SAVOIRS" ET "SAVOIR-FAIRE" sont de même nature. Il y a CONTINUITE entre les savoirs. Les savoirs ne permettent pas tous la même habileté. Il y a des degrés d’habileté. Souvent, ceux qui "savent faire" se sentent en infériorité par rapport à ceux qui "savent". B.A. a posé la question à des chercheurs de haut niveau : la recherche que fait un menuisier et la vôtre, en physique des solides, est-elle de même nature ? Ils ont répondu "oui, c’est évident". Il y avait seulement une différence d’avancée, de progression, d’élaboration.

VOICI LA CLASSIFICATION DES SAVOIRS PROPOSEE PAR G. MALGLEVE, chercheur en éducation :

1. LES SAVOIRS PRATIQUES : Habileté acquise dans la vie quotidienne. Ce sont les savoirs qui nous font agir ; acquis dans notre expérience quotidienne, que nous pouvons utiliser dans n’importe quelle circonstance. Nous mettons souvent beaucoup de temps à les reconnaître. Ils peuvent devenir des

2. SAVOIR-FAIRE : Savoir pratique qui a été reconnu socialement. Il y a deux cas de reconnaissance sociale : le diplôme et la reconnaissance par un groupe (par exemple, le quartier lui fait appel). Il y a habileté transférable et reconnaissance sociale.

3. Les SAVOIRS PROCEDURAUX. Ils correspondent à des règles, des principes qu’il faut connaître (règles de grammaire, de calcul.). Tout savoir-faire est fait de savoirs procéduraux, acquis par expérience, ou par transmission. Ce sont les savoirs de l’école ; ce sont les savoirs qui ont fait le plus souvent échouer à l’école. Les élèves en difficulté scolaire ne voient pas bien le sens des savoirs procéduraux, on ne peut en voir le sens. L’échec est souvent dû au fait qu’il fallait les apprendre sans voir à quelle habileté ça va permettre d’aboutir. Quand les savoirs procéduraux prennent un sens, on se pose la question : Pourquoi ?

4. LES SAVOIRS THEORIQUES. Ils sont la réponse à la question que nos savoir-faire nous posent. Théoriser, c’est sortir de sa propre expérience pour se confronter aux savoirs des autres. Telle habileté se justifie pour telle raison : dans certains cas, ces raisons sont GENERALISABLES. Le savoir théorique intervient dans le savoir-faire, il lui donne un sens. Tout savoir théorique est un savoir-faire. On est toujours des expérimentateurs. Si nous avons un savoir-faire, nous avons aussi la possibilité d’accéder au savoir théorique. Si c’est un savoir théorique, ça ne l’est que si c’est un savoir-faire. Il s’agit de faire intérioriser le savoir-faire. L’action est motrice : il faut agir pour penser et apprendre. Il arrive que cette intériorisation ne se soit pas bien faite. Théoriser, c’est raisonner et chercher à partir de l’expérience quelle peut en être la règle générale. Théoriser vient du grec : contempler, prendre du recul.

LES SAVOIRS S’APPELLENT MUTUELLEMENT. L’acquisition dans un domaine facilite l’acquisition dans un autre domaine. On ne peut pas apprendre si on ne savoure pas d’apprendre. Savoir apprendre, ce n’est pas une compétence, c’est se mettre en état de savourer de se mettre en situation de construire son savoir. Etre motivé, avoir du plaisir, de la curiosité. La motivation est "ce qui pousse", elle est d’ordre affectif.

Quelle est l’ORIGINE AFFECTIVE DU DESIR D’APPRENDRE ? C’est un mouvement intérieur qui fait que je vais agir, faire.

Que dire des CONDITIONS POUR APPRENDRE ? Le motif : c’est ce qui pousse au niveau du raisonnement. Le mobile : c’est ce qui est d’ordre affectif, le mouvement affectif, intérieur. Une connaissance n’est pas un savoir. Le savoir se construit, c’est un TRAVAIL AU NIVEAU DE LA PENSEE.

Et le "SAVOIR TRANSMETTRE" ? Si j’ai quelque chose à offrir, je le mets en partage librement avec d’autres. Je le mets à la disposition, je le socialise de telle façon que je donne le goût à d’autres de savourer cette offre. Transmettre, c’est mettre en mouvement le moteur intérieur de ceux qui sont là pour apprendre quelque chose de mon savoir; le moteur qui va faire désirer d’apprendre, mettre la personne en projet d’apprendre. Il y a une relation très étroite entre savourer d’apprendre et savourer de connaître. On aime quelque chose dans quoi on a une habileté. On a envie de le partager, on l’offre, parce qu’on l’aime.

Mots-clés

autoformation, échange de savoirs, réseau d’échange de savoirs, réseau de citoyens, réseau d’échange d’expériences, rapport au savoir, construction du savoir, recomposition du savoir


, France

Notes

Le MRERS est une association créée par Claire et Marc HEBER SUFFRIN en 1985 et qui fonctionne sur un mode de réciprocité ouverte, chaque participant étant à la fois offreur et demandeur de savoirs. Les fiches ont été produites dans les ateliers d’écriture de ce réseau.

Claire Héber-Suffrin est coauteur, avec son mari, Marc, de :

- "L’école éclatée" (1981), réédité aux éditions EPI-Desclée de Brouwer en 94

- "Appels aux intelligences" (1988), Ed. Matrice

- "Echanger les savoirs" (1992),Ed. EPI-Desclée de Brouwer

- "Le cercle des savoirs reconnus" (1993), EPI-DDB.

Source

Texte original

(France)

MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs) - B.P. 56. 91002 Evry Cedex, FRANCE - Tel 01 60 79 10 11 - France - www.mirers.org - mrers (@) wanadoo.fr

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