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Au paradis indien des mangues les variétés ne manquent pas

Mohamed Larbi BOUGUERRA

09 / 1993

Rataul est une localité de 15000 habitants située à 45 km de New Delhi.La petite ville est blottie entre les champs de blé et de canne à sucre de l’état agricole de l’Uttar Pradesh. Rataul est en fait la capitale indienne de la mangue et la Mecque des amateurs de ce produit qui a ses goûteurs et ses connaisseurs à l’instar des oenologues pour le vin. Ceux-ci évaluent la chair, le goût, le parfum, la couleur du produit. Les fruits de Rataul sont partout appréciés et toute l’activité économique de la ville tourne autour du fruit qui a fait sa réputation. Jawaharlal Nehru - le premier premier ministre de l’Inde indépendante - n’y a-t-il pas intronisé "un roi de la mangue"? Celui-ci, Anwar ul Haq a recensé et préservé pas moins de 550 variétés de ce fruit originaire de l’Asie et de l’Amérique tropicales. L’Inde produit 60% des 15,7 millions de tonnes de mangue récoltées de par le monde. Si Rataul vit - petitement il est vrai - de la mangue, il n’en a pas moins de nombreux soucis: pollution, intermédiaires parasites, difficultés à l’exportation, aide trop chiche des autorités...La pollution est un problème grave qui provoque la pourriture du fruit sur le manguier. Rataul est en effet entouré d’une ceinture inesthétique de cheminées de briquetteries qui déversent des tonnes de dioxyde de soufre et de gaz carbonique sur les vergers d’où des infections fongiques noircissant la mangue et altérant son goût. En dépit de nombreuses plaintes, les pouvoirs publics n’ont rien entrepis pour faire cesser cette pollution qui ruine les producteurs de mangue. De plus, vendue à 10 roupies le kg à l’intermédiaire de New Delhi, la mangue est payée 40 roupies au détail. Les producteurs de Rataul se voient refuser le droit à l’exportation celle -ci étant accaparée par les grossistes de la capitale. Enfin, les prix consentis par le gouvernement sont bien inférieurs au cours mondial. Les producteurs de Rataul reconnaissent que cette situation est aussi celle des producteurs de blé et de canne à sucre du pays mais ils font remarquer que leur cas est plus grave du fait de la monoculture de la mangue, leur unique source de revenus.

Mots-clés

culture traditionnelle, monoculture


, Inde

Commentaire

L’intérêt du cas de Rataul est qu’il illustre parfaitement la situation de beaucoup de paysans des pays du Sud qui n’ont aucun contrôle sur le produit de leur labeur et qui, de ce fait, se trouvent poussés vers l’abandon du travail de la terre et l’exode vers les bidonvilles des mégapoles. A tous les maux traditionnels s’ajoute ici la pollution par les industries anarchiques qui utilisent souvent les pneus usagés ou des huiles et des solvants de récupération comme combustible. Cette pratique s’observe en Tunisie où les briquetteries portent atteinte aux oliveraies. De même, au Sud tunisien, les industries chimiques ont pollué les oasis maritimes telle Gabès. Pour ne rien dire des atteintes à la santé des gens! Rataul est en outre un exemple vivant et magnifique de l’extrême diversité biologique du Sud puisque cette localité peut être considérée comme la banque de gènes mondiale de la mangue étant donné la variété des espèces qu’elle abrite. Seule l’énergie des paysans - analphabètes- protège cette manne unique de l’Humanité.

Notes

Titre original de l’article : "In India’s mango heaven, there is a worm of sorts"

Source

Articles et dossiers

GARGAN, EDWARD A. in. THE NEW YORK TIMES, 1992/07/13 (Etats Unis)

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