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L’Asie monte en puissance : elle apprend à dire non à l’Occident -1-

Nous ne voulons pas dire que nous sommes supérieurs, nous voulons simplement dire que nous ne sommes pas inférieurs

Pierre JUDET

09 / 1996

La Malaisie est en pleine prospérité. Les exportations de semi-conducteurs et d’automobiles sont en plein boom. L’économie progresse plus vite qu’aucune autre à l’Ouest. Alors les responsables du pays aimeraient qu’on les respecte un peu ; et vraiment, ils insistent.

Quand la presse britannique s’est risquée à faire des insinuations sur la corruption qui règnerait dans le gouvernement de Malaisie, la réponse a été brutale : plus de contrats afin de punir ces mensonges. D’autres nations asiatiques prospères manifestent également leur impatience par rapport à ce que beaucoup considèrent comme un Occident arrogant et dominateur. Singapour refuse d’écouter les plaidoiries en faveur du jeune Américain condamné à la bastonnade pour vandalisme. La Chine rejette avec mépris les demandes américaines en faveur des Droits de l’homme. Le Japon refuse d’accéder aux exigences des mesures chiffrées pour le progrès des échanges. Le Premier Ministre a déclaré qu’il n’était pas convenable de forcer une démocratie de type occidental et européen à se soumettre à une autre.

La nouvelle Asie monte de plus en plus, prospère et confiante en ses propres forces ; elle est souvent pleine de ressentiment par rapport à un Occident prêcheur et condescendant. Au lieu de considérer les pays développés occidentaux comme des modèles politiques ou économiques, certains Asiatiques estiment que l’Occident pourrait s’inspirer de leurs exemples rigoureux mais réussis.

La leçon fondamentale que les Américains peuvent apprendre des Asiatiques c’est que pour avancer, il faut secouer les débris de l’histoire ; qu’il s’agisse d’une liberté individuelle sans limite ou d’un respect insuffisant de l’autorité.

"Nous ne voulons pas dire, explique un officiel de l’Asie du Sud Est de haut rang, que nous sommes supérieurs. Nous voulons simplement dire que nous ne sommes pas inférieurs".

Aussi le Premier Ministre Australien qui avait traité le Dr Mahatir de récalcitrant parce que ce dernier n’avait pas participé à la réunion de l’APEC à Seattle a dû s’excuser sous la menace de voir la Malaisie boycotter les échanges avec l’Australie. Car, dit Mahatir, c’est seulement en étant désagréable qu’on peut retenir l’attention de l’Occident.

Ce désir d’égalité s’affirme non seulement dans le domaine politique mais également dans le domaine des affaires. A l’occasion d’un appel d’offre d’un montant de 700 millions de US $, le responsable de la société malaisienne demanda à rencontrer personnellement le responsable des 2 principaux offreurs : Siemens et GEC. Le responsable de Siemens accepta, celui de GEC refusa ; Siemens obtint le contrat.

L’Asie a découvert qu’elle pouvait prospérer en se passant de l’Occident. En 1992, alors qu’Europe, Etats-Unis et Japon étaient en récession ou en crise, le taux de croissance des 10 principaux pays asiatiques s’élevait en moyenne à 5,2% ; en 1994 il sera de 7%. Les Asiatiques peuvent trouver des financements sans l’appui de Wall Street ou de la Cité de Londres. Si bien que certains financiers occidentaux ont compris que pour faire des affaires sur des marchés aussi divers que la Chine et la Thaïlande, ils doivent faire un effort pour apprendre à s’insérer dans le milieu local en embauchant, par exemple, des nationaux.

Il s’agit d’une véritable révolution psychologique dans des pays qui étaient des colonies européennes et qui ont commencé par prendre modèle sur leurs anciennes métropoles. Mais après une génération, ils commencent à croire en eux-mêmes pour entrer dans une ère de "Renaissance Asiatique".

Pour l’instant, les heurts entre l’Est et l’Ouest sont surtout d’ordre réthorique. Toutefois le Japon qui a produit, il y a quelques années, un best seller intitulé : "Le Japon qui peut dire non" est devenu le Japon qui a effectivement dit : Non ! à certaines exigences américaines en matière de commerce. Les diplomates et les intellectuels reconnaissent que l’Asie, en train d’émerger, met l’accent sur ses droits même lorsque cela risque de conduire à l’affrontement.

C’est d’ailleurs ce qui est en train de se produire lorsqu’en réponse aux tentatives américaines de lier Droits de l’Homme ou conditions de travail à l’accès au marché américain, le ministre des Finances de Malaisie qualifie cette démarche d’arrogante. De nombreux pays asiatiques partagent cette façon de voir. Les Asiatiques qui bénéficient de bas salaires pour exporter considèrent que les pressions occidentales dans ce domaine sont destinées à mettre un frein au dynamisme asiatique.

(suite fiche suivante (2))

Mots-clés

droits humains, aliénation culturelle, valorisation de la culture d’origine, coopération régionale, croissance économique, relations internationales, commerce régional, commerce international


, Asie, Malaisie, Singapour, Japon

Commentaire

Ces réactions fortes s’affirment et s’estompent successivement en fonction des événements. Mais, de toute façon, il est clair que l’Asie a cessé d’être un terrain de jeu de l’Occident et qu’elle exige d’être prise en considération.

Source

Articles et dossiers

Asia Wall Street Journal, 1994/04/04 (Etats unis)

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