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Le principal problème de la Chine : un autre régime

Quel type de pression politique doivent exercer les Etats unis sur la Chine pour appuyer la libéralisation du régime ?

Pierre JUDET

09 / 1996

L’approche "Droits de l’homme" invite après tout à la critique. Quelques occidentaux estiment qu’elle est ridicule dans la mesure où elle est hypocrite alors que certains Asiatiques l’attaquent au nom de l’incompréhension culturelle. Une alternative attirante est la suivante : "Baissez la pression sur les droits de l’homme et Pékin deviendra plus coopératif qu’il s’agisse de l’équilibre des échanges ou de la Corée du Nord".

Mais la question des Droits de l’homme figure sur l’agenda américain non pas à cause des Américains mais à cause des Chinois. Ce sont eux qui ont créé le problème et qui le maintiennent à l’ordre du jour et cela non pas depuis Tian An Men mais depuis la fin du siècle dernier. Car la recherche de la démocratie et d’un ordre constitutionnel pour remplacer la monarchie est sans doute la question la plus importante de l’histoire chinoise moderne. Aussi bien Yuan Shikai que Chiang Kai-Shek avant 1949 buttèrent sur ce qu’on appelle aujourd’hui le problème des "Droits de l’Homme". Mao Tse Tung, qui avait promis la démocratie, n’a jamais tenu sa promesse. Les dissidents d’aujourd’hui s’insèrent ainsi dans une longue tradition. Cet héritage semble apporter une validation à l’intérêt porté par les Américains aux Droits de l’Homme. En réalité, cet objectif est trop étroit car il est fondé sur l’incompréhension du défi fondamental auquel les Etats-Unis sont confrontés aujourd’hui en Chine. Car le problème en Chine ce sont moins les "Droits de l’Homme" que la transition vers un système où le peuple commence à avoir son mot à dire. Ce processus est en cours ; la disparition de la génération des fondateurs du régime communiste va seulement l’accélérer. Les Etats unis ont intérêt à ce que l’évolution se fasse en direction d’une véritable libéralisation qui prenne des formes constitutionnelles.

Sur ce point, les Etats unis rencontrent le même problème qu’en ex Union Soviétique : leur surengagement en faveur du régime actuel. Ces relations qui durent depuis vingt ans constituent en quelque sorte le "capital" des Américains qui déterminent la politique chinoise et qui espèrent qu’ils obtiendront ce qu’ils souhaitent des gens en place qu’ils connaissent déjà.

L’hypothèse qui sous-tend la politique américaine actuelle est que le pouvoir communiste demeurera en Chine substantiellement inchangé et que le même gouvernement chinois acceptera de se libéraliser, de mieux traiter ses citoyens et de coopérer avec la politique étrangère américaine, en Corée, par exemple. C’est le même type de politique qui avait été mis en oeuvre en Union Soviétique du temps du gouvernement de Gorbatchev.

La leçon à tirer de l’expérience soviétique est la suivante : le progrès qui se manifeste par la fin des arrestations arbitraires et des emprisonnements va de pair avec la création d’un système politique plus représentatif.

Le problème des Droits de l’Homme progresse quand les structures politiques changent et que les lois remplacent l’arbitraire des hommes.

Accorder la priorité au changement de régime veut dire pour les Etats unis modifier leur approche du problème chinois. Il s’agira par exemple de trouver une solution au problème de la "nation la plus favorisée" dans la mesure où une sanction économique ne contribuera guère à aider la Chine à changer de régime. Il s’agira également de modérer les espoirs mis dans les dirigeants actuels, tout en développant des relations avec ceux qui sont appelés à jouer un rôle important : dissidents ou responsables militaires. Tout doit être fait en fonction de ce qui peut favoriser ou stopper l’évolution vers un changement de régime en direction de la démocratie.

Parler ouvertement d’un changement de régime en Chine irriterait le gouvernement actuel beaucoup plus que l’évocation des Droits de l’Homme. Il n’y a pourtant aucune raison pour que les Etats-Unis ne reconnaissent pas le défi qui est réellement lancé et ne se mettent pas à réfléchir à la manière d’y répondre.

Mots-clés

mondialisation, Etat, Etat et société civile, droits humains, démocratie, dictature, transition politique, processus de démocratisation, réforme du système judiciaire, relations internationales


, Chine

Commentaire

Sans doute faut-il se méfier des habitudes prises avec des partenaires familiers dont on a fini par s’accommoder mais on peut se demander ce que signifie "changement de régime" par rapport aux innovations introduites depuis 1978.

Source

Articles et dossiers

WALDRON, Arthur in. Asia Wall Street Journal, 1994/04/04 (Etats unis)

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