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Fuite des cerveaux : comment mobiliser les compétences expatriées ?

Marie Lise SABRIE

10 / 1996

L’un des obstacles majeurs au développement scientifique et technique des pays du Sud est l’émigration de leurs chercheurs et ingénieurs vers des nations offrant un environnement institutionnel, universitaire, financier et technologique plus approprié à l’épanouissement de leurs compétences. Le phénomène est bien connu sous l’expression «fuite des cerveaux». Ces compétences expatriées sont-elles irrémédiablement perdues pour leur pays d’origine ?

Aujourd’hui des réponses à cette question apparaissent. La première est apportée par les nouveaux pays industrialisés (NPI)qui ont réussi à rapatrier et tentent de réintégrer systématiquement une grande partie de leurs scientifiques établis à l’étranger. Mais ces politiques de retour supposent l’installation de fortes infrastructures locales pour les recevoir. Cette capacité fait défaut dans la plupart des pays en développement qui ne peuvent guère, par conséquent, appliquer de façon significative une telle stratégie.

Il existe des voies alternatives offrant aux pays du Sud des moyens de «récupérer» les compétences de leurs chercheurs et ingénieurs en «exil». Le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement)conduit depuis 1977 le programme Totken (Transfert de connaissances par l’intermédiaire de nationaux expatriés)afin de soutenir des missions temporaires de consultance scientifique ou technique réalisées par des chercheurs expatriés dans leur pays d’origine.

Poursuivant ce même objectif de mobiliser ses scientifiques et experts établis à l’étranger, la Colombie s’est engagée dans une voie très originale qui a fait l’objet d’un suivi scientifique par une équipe de sociologues de l’Orstom (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération)et de l’UNC (Université nationale de Colombie).

En 1991, un réseau de chercheurs, universitaires et ingénieurs colombiens expatriés se crée sous l’impulsion de Colciencas, l’organisation gouvernementale chargée de la recherche en Colombie. Son objectif : contribuer, depuis l’étranger, au développement scientifique, technique, socio-économique et culturel de la Colombie. A l’origine de la création de ce «réseau Colombien des chercheurs et ingénieurs à l’extérieur», il y a un constat simple : «Nombre de nos compatriotes les plus qualifiés sont à l’étranger : ce n’est pas une perte, mais au contraire une ressource que nous pouvons capitaliser. Ils ont été formés et travaillent ailleurs dans les meilleures conditions ; des conditions que nous n’aurions jamais pu leur offrir ici. Si nous pouvons faire en sorte qu’ils participent à distance à nos programmes de recherche et de développement, nous bénéficierons non seulement de leurs compétences et connaissances personnelles, mais encore des multiples ressources qu’ils mobilisent chaque jour autour d’eux.»

Ce réseau, baptisé «Caldas», s’est progressivement organisé et rassemble aujourd’hui près d’un millier de personnes sur les deux mille environ que compte la diaspora scientifique colombienne. Un quart est établi dans les autres pays de l’Amérique latine, 24% aux Etats-Unis, 12% en Grande Bretagne, 9% en France, 9% en Allemagne et le reste dans d’autres régions du monde. Les sciences sociales et humaines constituent le domaine où ils sont les plus nombreux à travailler (31%), suivies par la technologie et l’ingénierie (23%), puis viennent les sciences naturelles (16%), les sciences exactes (14%), la médecine et les sciences de la santé (12%)et enfin les sciences de la terre et de l’environnement (4%).

Le réseau Caldas est constitué actuellement de 24 associations établies dans différents pays et réunissant des étudiants, scientifiques et techniciens colombiens travaillant dans des universités, laboratoires et entreprises. C’est à partir de ces différents "nÏuds" que s’organisent des activités de recherche collective en liaison avec des équipes et programmes nationaux. La coordination générale du réseau est assurée par Colciencias. Un réseau de communication électronique via Internet permet l’échange d’informations dans le cadre de projets communs, d’évaluation de programmes scientifiques et techniques, de sessions de formation ou de recherche de données.

Cette stratégie de mise en réseau de la communauté scientifique expatriée - et baptisée "option diaspora" - pourrait-elle être adoptée par d’autres pays en développement ? L’étude conduite en Colombie permet de définir les conditions de sa reproduction dans d’autres régions du monde. La principale difficulté à surmonter est la suivante : comment associer une population tellement dispersée et orienter ses potentialités multiples sur des thèmes stratégiques pour le pays ?

Il faut, pour ce faire, des indicateurs et des méthodes qui permettent de détecter les compétences requises dans la diaspora et d’induire des dynamiques de recherche appropriées. L’étude pilote menée par les chercheurs de l’Orstom et de l’UNC sur la Colombie a servi de laboratoire pour élaborer de tels instruments, de véritables cartes de la science, à travers lesquelles on peut naviguer, à l’aide d’outils informatiques, pour trouver les partenaires idoines et pour définir les thématiques porteuses susceptibles de les associer de façon optimale.

Mots-clés

recherche, université, politique de la recherche, chercheur, déséquilibre Nord Sud, pays en développement


, Colombie

dossier

Idées, expériences et propositions sur les sciences et la démocratie

Commentaire

L’élaboration de ces instruments, fondée sur l’analyse de l’expérience originale conduite par la Colombie, devrait permettre à d’autres Etats de créer des réseaux fédérant leurs experts expatriés, notamment en Afrique, continent particulièrement touché par une déperdition des compétences à laquelle "l’option diaspora" pourrait en partie remédier.

Notes

Cette fiche est reproduite ici intégralement, conformément à un accord entre la FPH et l’ORSTOM.

Contacter : MEYER, Jean Baptiste, Centre Orstom Ile-de-France, Bondy. Tel/fax : 01 69 20 33 51. E-mail : jmeyer@bondy.orstom.fr

Source

Articles et dossiers

SABRIE,Marie Lise, ORSTOM=INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT EN COOPERATION in. Fiche d'actualité scientifique, 1996/11 (France), 27

ORSTOM (Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération) - L’ORSTOM a été renommé en 1998. La nouvelle appellation de l’institut est IRD (Institut de recherche pour le développement). - France - www.ird.fr

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