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Philippines et sécurité alimentaire, 1

Promouvoir l’auto-suffisance en céréales

Pierre Yves GUIHENEUF

04 / 1997

Les programmes d’ajustement structurel donnent la priorité à l’ouverture des échanges et l’intégration des Philippines dans des ensembles régionaux. Mais les politiques libérales ne sont pas parvenues à réduire la pauvreté, bien au contraire. Environ 20 % des Philippins vivent en dessous du seuil de pauvreté et ce pourcentage est en augmentation. Un pays agricole comme les Philippines, qui a prouvé par le passé ses potentialités pour la riziculture, ne devrait avoir aucun problème pour subvenir seul aux besoins alimentaires de sa population.

En 1995 cependant, le pays a tremblé. Des stocks de riz insuffisants pour couvrir la demande, des prix qui s’envolaient dangereusement : les éléments d’une véritable pénurie alimentaire étaient réunis. Au plus fort de la crise, qui a commencé en août 1995, les prix étaient affichés à 24, voire 30 pesos philippins le kilo de riz, contre 12 pesos environ auparavant. La hausse des prix et la pénurie ne sont pas restées circonscrites à la ville de Manille, mais se sont étendues à tout le pays, sans épargner les régions traditionnellement riches des Philippines. Le gouvernement à dû importer du riz de Thaïlande, du Viêt-nam ou de Chine pour le revendre à des prix relativement bas. Cela lui a cependant permis de réaliser un bénéfice d’environ 1 milliard de pesos (le kilo de riz importé était acheté 5,5 pesos pour être revendu 10,5 pesos)et n’a pas empêché la formation d’énormes files d’attente devant les magasins.

Ce n’était pas la première fois que le gouvernement avait recours aux importations pour palier à ses déficits : depuis 1984, les Philippines dépendent de plus en plus des importations alimentaires.

Les malheurs de la production

Avec ses technologies très largement issues de la Révolution Verte et grâce à l’implantation à la fin des années soixante de variétés hautement productives, les Philippines ont pu enregistrer des taux de croissance extraordinaires de la production de riz. Mais, à partir du milieu des années quatre-vingts, le pays a connu les limites de cette révolution soi-disant miraculeuse. Dès 1985, la production est en effet devenue très irrégulière, enregistrant selon les années des déficits moyens de 150 000 tonnes (par an)et des récoltes relativement bonnes. De plus, les taux de croissance de la production de riz (2,3 % en moyenne entre 1981 et 1995)n’ont suivi que de façon très erratique la hausse régulière de la demande, liée à la croissance démographique (cette dernière étant au minimum de 2,2 % par an). Aujourd’hui, la consommation moyenne annuelle s’est stabilisée aux environs de 7 millions de tonnes.

Ces difficultés concernant la production rizicole peuvent être liées à une foule de facteurs qui ont "gelé" les capacités du pays. Parmi eux :

a- des coûts de production élevés dus à l’obligation de traiter le riz chimiquement avant de l’empaqueter ;

b- de graves problèmes de crédit pour les agriculteurs, dus à l’absence de programme d’aides, même modestes ;

c- des infrastructures insuffisantes concernant l’irrigation, les voies de desserte vers les marchés, les techniques post-récolte, etc ;

d- des terres insuffisantes pour les agriculteurs producteurs de céréales ;

e- la conversion des terres agricoles sous les effets combinés de l’urbanisation, de l’industrialisation, de la libéralisation du commerce et de la volonté exportatrice, qui ont contribué à diminuer la surface destinée aux cultures alimentaires traditionnelles.

Des obstacles à la sécurité alimentaire qui sont liés au marché

La crise du riz de 1995 a été attribuée principalement aux carences de la commercialisation et de la distribution, ainsi qu’à l’intervention inefficace du gouvernement dans ces processus. Cela explique pourquoi les stocks ont fondu et les prix se sont envolés et ce, malgré les récoltes exceptionnelles de 1994 et 1995.

Le monopole de quelques négociants dans la vente de céréales est un fait reconnu par le gouvernement lui-même. En 1989, des études menées par le PPI (Philippine Peasant Institute)ainsi que par le Sénat révélaient déjà l’existence d’un véritable cartel du riz ; ce cartel, connu sous le nom de "Binondo Big Seven", contrôle non seulement le petit négoce des grains et les grossistes de Manille, mais a étendu son emprise à tout le pays. En raison de ce contrôle, le cartel peut même décider des prix du riz...

Un tel pouvoir existe car les petits producteurs ne sont guère en mesure de prendre en charge les coûts élevés de promotion et de distribution ; ils sont donc très dépendants du réseau des négociants et donc du cartel "Big Seven".

(Suite : fiche n°2)

Mots-clés

agriculture et alimentation, agriculture, agriculture paysanne, alimentation, souveraineté alimentaire, stratégie alimentaire, autosuffisance alimentaire, céréale, ajustement structurel, riz, production agricole


, Philippines

Notes

Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996.

Source

Littérature grise

OCHOA,Cecilia S., PPI=PEASANT PHILIPPINES INSTITUTE, Note de travail pour le réseau APM, 1997 (France)

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