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Colonisation et modernisation des exploitations agricoles dans l’Ouest Burkinabé

Claire TARRIERE DIOP

03 / 1996

La dynamique de la production agricole développée durant les années 80 dans l’ouest du Burkina Faso, première région cotonnière du pays, relève de la conjonction d’un flux migratoire important et d’une modernisation de la production par la diffusion de la culture attelée.

Les conditions naturelles de la région (quantité et répartition des précipitations)et la disponibilité des terres (zone traditionnellement peu peuplée, et souplesse des règles foncières)ont favorisé le développement d’une dynamique migratoire ancienne en provenance du plateau Mossi qui s’est accentuée avec les sécheresses des années 73 et 84.

Après les premières années consacrées à la satisfaction des besoins alimentaires, les migrants vont chercher à dégager des revenus monétaires, par l’augmentation des cultures commercialisables.

Les années 80 sont marquées par une hausse de la production du coton et par le nombre important d’exploitations adoptant cette culture. La production céréalière devient elle aussi excédentaire, en particulier le maïs associé au coton, mais aussi le mil, le sorgho, les arbres fruitiers, le maraîchage de saison sèche. Cette diversification de la production s’inscrit dans une stratégie de recherche de revenu monétaire développée par les producteurs. Si l’accès au bétail de certaines exploitations relève d’une volonté de thésaurisation, il est aussi lié au développement de la culture attelée.

La volonté de moderniser l’agriculture paysanne, pour laquelle les structures d’encadrement ont bénéficié d’appuis financiers étrangers, s’est faite par la mise en place d’un système de crédit permettant l’accès aux intrants et l’équipement en culture attelée. L’encadrement, d’abord axé sur la culture du coton, se généralisa ensuite à l’ensemble de la production des céréales, notamment le maïs.

Après le succès des années 80, succède un renversement de tendance dès le début des années 90.

La baisse de la production cotonnière à partir de 1992 est en partie liée à la chute du prix international mais aussi à des facteurs internes au Burkina Faso: problèmes de relation entre les structures d’encadrement, fort endettement des paysans lié au dérapage du système de crédit, et crise des groupements villageois associés dans la gestion de la filière cotonnière. Ces facteurs internes ont empêché le Burkina Faso de profiter des gains de compétitivité engendrés par la dévaluation du franc cfa de 1994.

Le marché céréalier est lui aussi perturbé par une variation importante du prix du maïs entre 1993-94 et 1994-95, liée à la succession de périodes de surproduction et de sous-production engendrées par des aléas climatiques.

Face à la difficile maîtrise de l’environnement naturel et économique, les marges de manoeuvre varient selon les exploitations agricoles. Si l’existence de disparités entre ces dernières n’est pas nouvelle, les facteurs de différenciations se sont multipliés. Les terres disponibles se réduisant, l’accès aux meilleures terres devient un facteur discriminant. L’accès au crédit pour l’équipement en culture attelée ou pour l’octroi d’un tracteur est fonction de la superficie de l’exploitation et du nombre d’actifs. Le niveau d’équipement renforce les disparités, permettant aux exploitations motorisées d’accroître leur capacité de commercialisation. Mais cette modernisation ne concerne qu’une minorité d’exploitation. La plupart disposant d’une force de travail restreinte se limitent au niveau de la subsistance alimentaire et sont écartées du processus d’accumulation et de modernisation.

Dès lors, un certain nombre de questions pèse sur l’avenir.

L’adoption des techniques proposées par l’encadrement agricole (engrais-coton, culture attelée)a été facilité dans la mesure où elle ne s’opposait pas à l’objectif de sécurité alimentaire du producteur. Mais actuellement, l’augmentation du prix des intrants agricoles et la baisse du prix d’achat des céréales et du coton ne favorisent pas l’adoption de techniques d’intensification de la production, qui deviennent pourtant nécessaires avec la limitation de l’espace. Dès lors, comment maintenir le niveau de production et éviter des évolutions régressives notamment face aux divers défis à relever.

L’extension des espaces cultivés a entraîné une diminution des zones de parcours et de pâturage pour le bétail, entraînant un accroissement des conflits entre les agriculteurs et les éleveurs. L’insécurité foncière des exploitations des migrants n’est pas favorable à des investissements dans la protection des ressources naturelles. Les groupements villageois chargés de la commercialisation primaire du coton et de la gestion du crédit agricole traversent une crise de confiance entre les producteurs d’une part et avec les intervenants extérieurs d’autre part. Cette crise, liée principalement à l’endettement des producteurs, diminue l’efficacité de ces groupements.

Il est donc nécessaire d’agir simultanément dans trois domaines principaux. Il s’agit en premier lieu de préserver les capacités productives du milieu par la mise en place de mesures contribuant à améliorer les systèmes de production et à éloigner les risques d’affrontement liés au contrôle foncier. En second lieu, il s’agit de structurer le milieu paysan par la mise en place d’une véritable cogestion de la filière cotonnière et un meilleur contrôle de la commercialisation des céréales. La formation des responsables d’organisations paysannes et l’évolution de l’encadrement agricole vers une fonction de conseil devrait favoriser la professionnalisation des organisations paysannes. Vu l’évolution différenciée des exploitations familiales, l’appui et le conseil doivent être dispensés en fonction des besoins et non selon un modèle unique. Enfin, vu l’importance des répercussions de l’environnement économique, la politique agricole nationale peut-elle garantir aux exploitations agricoles un environnement économique stable ? L’absence de prix rémunérateurs pose le problème de l’insertion économique des exploitations agricoles et à terme c’est l’avenir de cette région cotonnière du Burkina Faso qui est en jeu.

Mots-clés

colonisation, agriculture familiale, prix des produits agricoles et alimentaires, crédit rural, céréale


, Burkina Faso, Burkina Faso Région Ouest

Commentaire

Ce texte illustre la capacité des exploitations familiales à évoluer mais montre aussi leurs limites et leur vulnérabilité, quand à l’adoption d’innovations techniques. La modernisation peut-elle être généralisée à l’ensemble des exploitations familiales, ou au contraire ne conduit-elle pas à une marginalisation croissante des exploitations familiales ? Le cas de la zone cotonnière de la région ouest du Burkina Faso, montre que l’augmentation du nombre des exploitations n’est pas forcément un signe de bonne santé de l’agriculture familiale, mais peut s’accompagner d’une moindre viabilité économique de ces dernières.

Notes

Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire", Chantilly, 20-23 février 1996.

Source

Communication présentée par TALLET Bernard

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