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L’ensemble du personnel d’une mine marocaine en difficulté se mobilise autour d’un plan de redressement qui est vécu comme une véritable aventure

Grâce aux slogans inventés par le directeur, mais aussi à l’appui des journalistes, un récit héroïque de l’action entreprise se construit peu à peu, et aboutit à un succès inespéré

Elisabeth BOURGUINAT

08 / 1998

L’unique site d’exploitation des Charbonnages du Maroc, la Mine de Jerada, en activité depuis 1927, menaçait de fermer : 2. 000 mineurs sur les 5. 700 qu’elle comptait devaient être licenciés, l’anthracite qu’elle produisait, pourtant de très bonne qualité, étant peut compétitif par rapport au charbon russe ou sud-africain.

Les différentes tentatives de redressement de la situation s’étaient soldées par des échecs, et chacun se résignait à une fermeture pourtant dramatique, la mine faisant vivre une petite ville de 70. 000 habitants, et en même temps dangereuse, Jerada étant le berceau du syndicalisme marocain et se trouvant à quelques kilomètres de la frontière algérienne, pays en ébullition.

Dans cette situation bloquée, le ministre de l’Energie décida de faire appel à Amar Drissi, dont le profil complètement étranger au monde des ingénieurs et à la culture locale lui paraissait être un atout : docteur en psychologie et détenteur d’un MBA de finances obtenu aux Etats-Unis, celui-ci était désireux de se confronter à des problèmes plus concrets que ceux de la finance internationale.

Plutôt mal accueilli au départ, A. Drissi s’emploie à rallier l’ensemble des mineurs autour du projet de sauver la mine. Il suspend le plan social initial, considéré comme trop brutal, et se contente de jouer sur les départs naturels et les incapacités professionnelles, et de faire respecter l’âge légal de départ à la retraite. Les manquements à la sécurité et les fautes professionnelles des contremaîtres sont sévèrement sanctionnés ; pour la première fois depuis longtemps, des ingénieurs sont licenciés. Des cadres peu motivés sont remplacés par des personnes qui avaient été confinées à des postes subalternes. Un contrôle de gestion strict et des indicateurs de performance sont mis en place. A. Drissi descend au fond de la mine et invite ses cadres à en faire autant, pour prendre la mesure des problèmes techniques qui se posent et des améliorations à entreprendre.

S’appuyant sur les journalistes locaux pour faire de son entreprise de redressement une véritable aventure, A. Drissi joue de slogans forts pour rendre leur fierté et leur dynamisme aux employés de la mine : " Jerada doit vivre ", " C’est impossible, donc nous réussirons ", " Nous sommes très forts, car nous n’avons plus rien ", " L’importance de la difficulté est à la mesure de notre capacité et de notre détermination ". Lorsque, à deux reprises, les organisations syndicales essaient de lancer des grèves, le personnel se range de son côté et préfère consacrer tous ses efforts à la survie de la mine.

Une activité intense de réflexion, des réunions décidées en urgence et qui se poursuivent tard dans la nuit, la mobilisation de toutes les énergies permettent enfin d’atteindre le but : la mine continue de vivre, et ce sans les subventions de l’Etat ; les importations de charbon ont complètement cessé, seulement 650 personnes ont quitté l’entreprise et la productivité a augmenté de 27

en deux ans.

Le secret d’A. Drissi a été selon lui " une certaine authenticité provocatrice ", la conviction qu’il " restait de la vie " dans cette mine et qu’il fallait seulement lui accorder un peu d’espace pour s’épanouir. Il croit aussi que la Providence a joué son rôle : " Au plus fort de la crise, les gens priaient pour moi ".

Mots-clés

industrie minière, gestion d’entreprise, organisation syndicale, journaliste


, Maroc

Commentaire

Outre l’enthousiasme communicatif d’A. Drissi, j’ai été particulièrement frappée par l’importance qu’il accorde aux mots, au langage, qu’il s’agisse des slogans qu’il fait afficher dans la mine, de la " mise en histoire " à laquelle il convie les journalistes, ou de l’importance qu’il attache à ce nouveau récit qu’il en fait pour l’Ecole de Paris. Citant Paul Ricoeur, " l’action est structurée par sa narrabilité ", A. Drissi montre comment l’événement ne prend sa vraie dimension que par le discours puis le récit qui lui donne tout son sens, pendant puis après l’action, et souligne ainsi le prix des récits d’expérience, qui permettent non seulement l’apport d’information à autrui, mais aussi un enrichissement et un approfondissement de cette expérience pour celui même qui l’a vécue.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

DRISSI, Amar, LEFEBVRE, Pascal, Ecole de Paris de Management, C'est impossible, donc nous réussirons : le redressement de la mine de Jerada, Association des Amis de l in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1995 (France), I, Une version proche a été publiée dans la revue " Gérer et comprendre ", n°38, mars 1994.

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