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Les rôles évoluent entre ONG d’appui et unions d’organisations populaires

Position de l’Association d’Appui aux Initiatives Locales de développement au Tchad

Séverine BENOIT, Geneviève PILLET

10 / 1998

Geneviève Pillet, membre fondateur de l’ASSAILD: " Dans l’ASSAILD, on a essayé d’avancer par des autoévaluations; on a beaucoup réfléchi sur notre façon de travailler avec les paysans. Et la réflexion s’est passée aussi avec eux. Pas seulement à notre niveau à nous. On en est arrivé à la conclusion qu’il ne faut absolument pas mélanger l’appui institutionnel (ou appui en conseil)et l’appui financier. On a eu cette image pour les paysans: il y a deux voies bien claires, celle des activités et celle du financement. Et puis on a comparé "les activités" aux champs et le financement "au grenier". Quand on travaille dans son champ, on a besoin d’aller chercher des semences dans le grenier et puis on revient et on travaille avec. Et le résultat, après, on le remet dans le grenier pour prévoir la suite. Si ce sont les mêmes personnes qui font les deux choses, ou quand le groupement ou l’association font les deux activités, il y aura toujours des problèmes. C’est une réflexion qu’on a menée avec les gens. Parce qu’on voit que cela mène toujours à certaines confusions, à certains problèmes. Et il vaut mieux que ceux qui appuient en aide, conseil et autre aident à réfléchir et à monter les projets. Mais il ne faut pas que ce soient eux qui donnent ou qui prêtent. Les groupements doivent apprendre à faire la démarche d’aller chercher ailleurs les ressources financières. Parce que si tu prépares les gens et que tu les finances, tu es presque juge et partie de leurs projets. Nous, ASSAILD, depuis 2 ans, on a choisi la voie d’aider à la réflexion, à la structuration. Une autre association s’est créée à côté pour l’épargne et le crédit. Il faut vraiment que dans les deux domaines, ce ne soit pas les mêmes intervenants. On peut collaborer, on peut conseiller aux gens de faire la démarche vers les autres pour qu’ils puissent monter une caisse d’épargne et de crédit. Mais ce n’est pas à nous de le faire. Ce changement était lié à l’expérience de l’ASSAILD. Nous étions "crédits et conseil" à la fois et on a vu que tout se mélangeait.

Mais on observe aujourd’hui que certains unions de groupements ont tendance à vouloir, à leur tour, être à la fois les donneurs de conseils, si j’ose dire, et à la fois ceux qui obtiennent l’argent et qui donnent l’argent. Parce que c’est valorisant; cela donne un certain pouvoir. Des groupements, des Unions de groupements et d’autres structures s’échafaudent à tous les niveaux et l’aide ne peut pas être la même pour chaque niveau. On est tous plus ou moins appuyeurs et appuyés, même les leaders paysans sont aussi appuyés et appuyeurs. C’est eux qui arrivent à glaner l’argent de l’aide. Les autres membres les voient comme des "intermédiaires" vis-à-vis de l’aide. Les grands financeurs sont les seuls à être uniquement appuyeurs et les derniers en bas de l’échelle sont les seuls à être uniquement appuyés. Comme on est presque tous appuyeurs et appuyés, la réflexion ne doit pas seulement venir d’en-bas. Il y a une façon spécifique d’aider, à chaque niveau.

Après avoir eu l’appui de l’ASSAILD, les unions ont imité l’ASSAILD. Elles deviennent une structure d’appui et non pas seulement une structure associative du deuxième degré. Les responsables du comité, qui regroupe tous les groupements membres de l’association du deuxième degré, trouvent que leur rôle est de les former, d’aller chercher du financement pour eux, de les aider à réaliser leurs projets. Ils sont devenus une organisation d’appui paysanne. Reste à savoir s’ils peuvent le faire en restant bénévoles et comment vont se faire les ateliers, dans quels domaines. Eux veulent tout faire. Et ce n’est pas évident de concocter ce qu’ils veulent faire et comment nous nous pouvons les aider. Dans notre compréhension à nous, on imaginait qu’une structure paysanne du troisième degré se crée, par exemple, pour la commercialisation des produits car il faut être à un échelon régional pour avoir suffisamment de productions à commercialiser.

Mais aujourd’hui, on se trouve devant une structure du deuxième degré qui veut appuyer ses groupements membres dans tous les domaines et elle devient comme nous nous étions avant. Ils veulent, par exemple, être des formateurs parce qu’ils ont déjà eu un type de formation et qu’ils voient que c’est nécessaire pour les autres. Si les paysans mettent en place une structure d’appui, est-ce qu’on va les aider à devenir une structure d’appui ou dire "Non, ils empiètent sur notre domaine"? Si on joue bien notre rôle, on va disparaître en tant que structure d’appui. On deviendra peut-être un groupe de consultants que les paysans viendront chercher selon leurs besoins. Il faut arriver à se laisser mettre en cause, mais on peut comprendre que certaines ONG se raidissent dans leur rôle, parce que c’est leur raison d’être qui disparait".

Mots-clés

organisation paysanne, ONG, financement du développement


, Tchad, Moundou

Commentaire

Désirant ne pas mélanger son appui institutionnel et son appui financier aux associations paysannes, une ONG tchadienne se replie sur la première de ses fonctions. Mais que va-t-elle devenir lorsque les Unions d’associations paysannes assumeront elles-mêmes les tâches d’appui à leurs groupements membres ? Un groupe de consultants ? A suivre...

Notes

Entretien à Bonneville, septembre 98

Entretien avec PILLET, Geneviève

Source

Entretien

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