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Histoire et bases juridiques de la coopération décentralisée dans la coopération entre l’Union Européenne et les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique

Un concept flou ou un enjeu pour la rénovation des relations UE-ACP ?

Anne SIMON

02 / 1999

Interrogez l’une ou l’autre des personnes chargées de la conception ou de la mise en oeuvre de l’aide communautaire (UE-ACP)sur ce qu’est "la coopération décentralisée", les réponses peuvent être variables et parfois un peu contradictoires. Cela peut recouvrir la coopération "canalisée par les ONG", la coopération qui "appuie la société civile", qui est conduite par des collectivités locales "jumelées" ou non, la coopération qui suit des principes d’action "participatifs" près des "groupes de bases", la coopération qui "évite les canaux étatiques".

Pour comprendre comment la compréhension du terme peut être si variée, et les modalités d’application multiformes, il semble utile de donner un bref aperçu historique. Dans la mémoire des institutions et de la société civile, comme tous les termes et les "modes" qui se succèdent, la coopération décentralisée s’est façonnée une image par des bases juridiques à la fois explicites et floues, et des expériences d’inégale réussite.

Il faut rappeler d’abord que la Convention de Lomé est caractérisée pour la gestion de l’aide par sa nature exclusivement interétatique, entre la Communauté européenne et des gouvernements ACP. L’aide dans ce cadre est traditionnellement cogérée par des appareils administratifs (communautaire d’un côté et national de l’autre). Ce modèle se développe d’abord à une époque où les jeunes nations souveraines, quels que soient les choix politiques et économiques qu’elles ont effectués, sont appuyées de façon "neutre" par le Fonds Européen de Développement (FED). Les "domaines" de la coopération répondent à leurs priorités. L’aide est canalisée à travers des grands projets, dotés de structures de gestion propres, s’appuyant sur les administrations nationales qu’elles court-circuitent souvent.

Avec la fin de la bipolarisation mondiale et la systématisation du schéma libéral, la fin de la "neutralité politique de l’aide européenne" et l’apparition du discours sur la démocratisation, l’arrivée d’une génération qui n’a pas vécu sous la colonisation et l’ouverture progressive aux libertés individuelles, les sociétés ACP se sont profondément modifiées alors que le schéma de coopération interétatique reste inchangé depuis 1975. Ce constat sera fait en 1996, par la Commission dans son Livre Vert sur l’avenir des relations entre l’Union et les Etats ACP à l’aube de l’an 2000. La Commission proposera à cette occasion de "rénover en profondeur le partenariat".

En 1990, une première brèche dans ce schéma interétatique simple est ouverte par la Convention de Lomé IV. "La coopération appuie également, dans les limites fixées par les Etats ACP intéressés, les actions de développement d’acteurs économiques , sociaux et culturels dans le cadre d’une coopération décentralisée" (article 20). Ces acteurs sont présentés comme étant "les pouvoirs publics décentralisés, les groupements ruraux et villageois, les coopératives, les entreprises, les syndicats, les centres d’enseignement et de recherche, les ONG, les associations diverses et tous les groupes et tous les acteurs capables et désireux d’apporter leur contribution spontanée et originale au développement des Etats ACP". Par le biais éventuellement de "partenariats" avec des acteurs décentralisés européens. Cette ouverture reste cependant inscrite dans le cadre de "prérogatives" de l’Etat ACP qui conserve son rôle dans le fonctionnement du cadre de coopération.

La brèche est mince mais elle peut préfigurer un bouleversement du partenariat en contribuant à:

-Reconnaître et faire participer au dialogue, autrefois uniquement interétatique, les secteurs privés, la société civile (rendre aux gouvernements leurs responsabilités devant les citoyens sur leurs priorités politique de développement).

-Proposer un accompagnement nuancé à des Etats en mutation, dont les administrations se sont sclérosées ont subi les chocs des mesures d’ajustement structurel, la délégitimation, tandis qu’émergent de nouveaux pouvoirs plus ou moins armés, et compétents pour gérer le bien commun.

Mais cela suppose de penser l’aide d’une façon radicalement différente, quitter l’approche "projet". Et progressivement en adapter les mécaniques aux attentes de réussite et à la nature des acteurs. Ce qui nécessite une aide souple, disponible dans la durée, qui puisse favoriser l’innovation, soit disponible en temps et qualité voulue...

Il est difficile d’entreprendre un tel changement sur des bases incomplètes. La mécanique de gestion de l’aide (Convention de Lomé)est dirigée par l’instrumentalisation, et la coopération décentralisée n’est pas dotée d’instrument spécifique nouveau. Les services gestionnaires de la Commission sont confrontés à cette innovation de taille sans savoir par quel bout la prendre. Les gouvernements ACP la regardent d’un oeil assez critique. Afin de faciliter sa mise en oeuvre, le Parlement européen dote en 1992 la Commission européenne de petits moyens financiers pour informer, sensibiliser, créer, rassembler, innover sur ce thème (ligne Coopération Décentralisée).

Mots-clés

coopération décentralisée


, Pays ACP

Commentaire

En remontant aux origines de la coopération décentralisée dans la Convention de Lomé, on comprend l’enjeu qu’elle représente pour la rénovation du partenariat UE-ACP, en termes de relations entre Etat et société civile, secteur public, en terme de philosophie de l’aide (rompre avec la logique projet)pour se tourner vers les Acteurs. Un petit outil budgétaire a été créé pour appuyer cette tentative. Mais l’insuffisance de consensus autour du concept, et sa traduction dans les bases juridiques n’ont pas favorisé sa mise en ouvre et explique sans doute la variété des définitions qu’on lui prête.

La définition de la coopération décentralisée est " l’appui aux activités des acteurs économiques sociaux et culturels dans les limites fixées par les Etats ACP ". Cette définition est complétée par une liste des acteurs qui mêle des composantes de la société ACP de nature et de fonction différentes, à des structures exogènes spécialisées en activités de développement (ONGD ou OSI).

Cette présentation indistincte a conduit parfois à assimiler des projets de coopération gérés par des ONG européennes (quel que soit le type de financement FED ou budget)à des processus de coopération initiés par des acteurs locaux (coopération décentralisée). Une confusion a également été entretenue par le nom (" ligne coopération décentralisée ")du petit outil d’incitation budgétaire. Les actions financées sur cette ligne même s’il s’agissait d’une campagne d’information ou de formation ont été assimilées à " la " coopération décentralisée.

La déviation la plus importante à mon sens aujourd’hui, est celle qui consiste à considérer que la coopération décentralisée évite le gouvernement et les structures de l’Etat.

Notes

[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]

Source

Rapport

La Coopération Décentralisée dans la coopération future entre l'Union européenne

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