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Capitalisation : différences avec l’évaluation

Pierre DE ZUTTER

07 / 1993

Il y a une différence essentielle entre l’évaluation et la capitalisation : la première doit produire un jugement de valeur, la seconde n’a d’autre objet qu’offrir ce qui dans l’expérience peut être utile à d’autres.

Au delà de cette différence bien des méthodes employées se ressemblent, par exemple dans la révision de la documentation, dans les entretiens avec les acteurs, dans l’observation des résultats de terrain, etc. Mais leur maniement n’est pas nécessairement le même.

En réalité capitalisation et évaluation sont collègues et devraient apprendre à travailler ensemble, mais cela n’est possible qu’une fois bien établies les différences de rôles, donc de subjectifs, donc de formes.

Une capitalisation bien faite peut offrir énormément de matériel et de pistes à l’évaluation. Une bonne évaluation sera une des bases de la capitalisation et pourra même lui indiquer des points à approfondir.

Mais attention au mélange des genres! Il est dangereux aussi bien pour la qualité de l’effort que pour l’utilité du produit.

On évalue, c’est-à-dire qu’on émet un jugement de valeur, pour pouvoir prendre un certain nombre de décisions et on agit donc en fonction de l’échelle de valeurs qui guide ce genre de décisions : convient-il de poursuivre telle action ? faut-il la réorienter ? fut-elle un succès ou un échec ?

Si telle expérience apporte bien des connaissances nouvelles, l’évaluateur peut prendre cet élément en considération, mais dans le cadre des objectifs poursuivis. Alors il peut très bien recommander de cesser une activité parce que trop coûteuse ou finalement contraire aux résultats attendus et demander en même temps de la capitaliser afin d’en garder toute la substantifique moëlle… Par contre, s’il se laisse gagner par l’enthousiasme des découvertes et déguise son jugement pour permettre que l’expérience continue, il causera sans doute plus de mal que de bien.

De même la capitalisation s’intéresse bien sûr aux résultats des évaluations existantes, elle en tient compte, aussi bien pour ce qu’elles disent que pour ce qu’elles supposent. Elle peut même inclure un peu d’évaluation s’il n’y en a pas encore. Car la comparaison entre ce qui fut prévu, ce qui fut fait et ce qui fut obtenu est toujours utile. Mais la capitalisation n’en tirera pas nécessairement des jugements, elle cherchera à voir ce qui peut y être source d’enseignement, ce qui peut y être connaissance à partager.

Quant au mélange des genres dans l’élaboration du produit final, il est tout aussi dangereux.

L’évaluation termine sur des conclusions et des recommandations. Le rapport d’évaluation commence même souvent par celles-ci car peu lisent l’ensemble : le reste est destiné à présenter et expliquer les observations de l’étude (antécédents, contexte, comparaison des objectifs et des résultats, des programmations et de l’exécution, etc.). Vouloir y introduire la capitalisation amène soit à forcer des recommandations et conclusions, soit à disperser quelques réflexions difficiles à trouver ensuite pour le lecteur non averti et point trop motivé.

Ce dernier point (dispersion au sein de l’évaluation) est contraire à l’objectif de partage et d’échange qui guide la capitalisation. Le premier (conclusions forcées) est inadmissible car il peut induire des erreurs graves.

La capitalisation, elle, se préoccupe de présenter au mieux (de manière accessible et avec l’information adéquate pour comprendre, non pour convaincre). Pour être accessible elle cherche à s’adapter à son public. C’est pour cela que souvent elle s’essaie à raconter : pour toucher un public plus large. Et le récit n’est pas enfermé dans une structure logique préétablie. Il peut jouer sur bien des registres suivant les besoins des destinataires, la teneur des acquis à partager, la sensibilité des auteurs, les caractéristiques du support de diffusion.

Mots-clés

évaluation, capitalisation de l’expérience


, Amérique Latine, Pays andins

dossier

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Commentaire

C’est sans doute parce que j’ai toujours été plus attiré par les richesses de l’expérience que par les rigueurs du jugement équilibré que je ne suis pas un bon évaluateur. Mais il m’est arrivé quelquefois de prendre part à une mission d’évaluation sans intervenir dans la décision. Je crois que la sensibilité de capitaliseur m’a alors permis d’apporter quant à la compréhension des processus vécus et à la détection de potentialités existantes. Et la dynamique de l’équipe d’évaluation m’a énormément aidé à me préparer par la suite à capitaliser, m’obligeant à tenir compte d’une série d’aspects que sinon j’aurais sans doute dédaignés.

Mais jamais mes rapports avec les collègues de terrain n’avaient été aussi tendus que durant cet accompagnement d’une évaluation et son jugement.

Les relations évaluation-capitalisation sont souvent confuses ce qui les appauvrit réciproquement. C’est surtout à la capitalisation qu’il revient de s’affirmer afin de mieux mettre à profit les complémentarités entre les deux.

Notes

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: diferencias con la evaluación »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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