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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Capitalisation : le saut de la diffusion dans le témoignage

Pierre DE ZUTTER

08 / 1993

L’auteur d’une capitalisation d’expérience reçoit un ou plusieurs exemplaires de son premier entretien-témoignage : que se passe-t-il ?

Normalement nous faisons cette restitution en plaçant l’auteur face à ses responsabilités : c’est à lui de décider. Veut-il le corriger et l’améliorer, ou bien le retravailler à fond, ou bien le compléter dans un nouvel entretien, ou bien passer à une autre forme de travail ?

C’est au cours de la capitalisation du Priv de Cochabamba, en Bolivie, que nous avons le plus pratiqué ces entretiens-témoignages. Avec Loyda Sánchez nous en avons fait des dizaines, nous avons passé des centaines d’heures à les transcrire, à lisser leurs versions successives, à découvrir leurs richesses cachées que souvent nous n’avions pas détecter au premier abord, à fabriquer des maquettes au format livre pour pouvoir photocopier quelques exemplaires bien présentés.

Au moment de les rendre à leurs auteurs, nous étions en quelque sorte amoureux de ces témoignages et de leurs potentiels, enthousiastes à l’idée de pouvoir commencer à les diffuser au sein du Priv pour qu’ils dynamisent l’ensemble de la capitalisation, désireux de transgresser déjà les frontières du Priv lui-même pour offrir tant de réflexions et d’anecdotes révélatrices à d’autres qui en avaient besoin et les demandaient, des collègues d’autres projets, des étudiants en quête d’un peu de réalité pour éclairer les théories apprises, etc.

Mais, règle du jeu essentielle, l’auteur est le seul maître de son témoignage, c’est à lui de décider. Et dans la plupart des cas on déboucha sur un blocage de la diffusion de ces témoignages.

Pourquoi ? Précisément parce que la version imprimée du témoignage proposait un nouveau pas à franchir : la diffusion. Et ce saut du témoignage à la diffusion n’est pas si évident.

L’intimité de l’entretien-témoignage créait une ambiance favorable pour que l’auteur raconte et se raconte. La feuille imprimée symbolisait au contraire l’oeil de l’autre, du lecteur, du public. Le défi de la diffusion du témoignage posait en fait la question de fond quant à la capitalisation à diffuser : que dire et que ne pas dire ? comment le dire ?

Nous avons donc connu toutes sortes de réactions. Depuis la satisfaction d’un auteur heureux de voir les améliorations écrites de ses détours oraux et qui, après quelques corrections de détail, donnait son accord pour le partage, jusqu’au désintérêt d’un autre qui feuilletait rapidement son texte et le laissait tomber pour essayer plutôt de se mettre directement à écrire, alors que d’autres passaient au contraire par des processus plus ou moins longs de correction. Longs ? Surtout dans les témoignages collectifs : il aura fallu près d’un an pour que la version d’une équipe-terrain soit définitivement approuvée par chacun de ses membres !

En effet, c’est autour des possibilités de diffusion de l’ensemble de la capitalisation que chacun réfléchissait celle de son témoignage. Et ce fut finalement là le mérite principal d’avoir posé le défi de cette première diffusion intermédiaire.

Ceux qui entrevoyaient des perspectives concrètes de se mettre à travailler pour un ouvrage de fond ne regardaient le témoignage que comme une étape, à partager ou à délaisser. Ceux qui avaient peu d’opportunités de publier et doutaient de pouvoir participer à quelque ouvrage majeur du Priv corrigeaient et recorrigaient leurs témoignages dans l’idée de laisser là quelque chose d’achevé. Ceux qui doutaient mais en même temps exigeaient de pouvoir participer avaient plutôt tendance à bloquer la diffusion des témoignages de peur que leur rôle ne se limite finalement à celui de témoins-informateurs.

Mots-clés

communication, méthodologie, propriété intellectuelle, capitalisation de l’expérience


, Bolivie, Pays andins, Cochabamba

dossier

Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital, réflexion sur la capitalisation d’expérience

Commentaire

Par la suite, lors de la préparation des deux livres de capitalisation du Priv entre la fin 1991 et le début 1993, aucun auteur ne reprit vraiment son témoignage en tant que base principale de ce qu’il élaborait : celui-ci avait surtout servi à mieux se regarder soi-même ou en équipe, la capitalisation axée sur la diffusion recherchait plutôt un dialogue avec l’extérieur ; la démarche était complémentaire mais différente. Le témoignage avait en tout cas préparé la réflexion sur ce que serait un produit partageable avec d’autres.

Notes

La capitalisation du PRIV : Proyecto de Riego Inter-Valles (Cochabamba-Bolivie, Coopération Allemande) a été financée par la GTZallemande. Les deux livres sont : « Dios da el agua, ¿qué hacen los proyectos? » et « Del paquete al acompañamiento », Hisbol-Priv, La Paz.

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: El salto de la difusión en el testimonio »

Ce dossier est également disponible sur le site de Pierre de Zutter : p-zutter.net

Version en espagnol du dossier : Historias, saberes y gentes - de la experiencia al conocimiento

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