español   français   english   português

dph participe à la coredem
www.coredem.info

rechercher
...
dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Capitalisation : quelle diffusion pour le témoignage

Pierre DE ZUTTER

08 / 1993

Si les entretiens-témoignages sont surtout destinés à aider l’auteur d’une capitalisation d’expérience à se resituer par rapport à leur vécu, aux connaissances acquises, aux possibilités et défis d’un partage de celles-ci, convient-il de leur chercher une diffusion particulière ?

Le cas de Stéfanie Zeiss, dont l’apport « Moi, la gringa, et les paysans » eut tant d’impact au sein des publications de la capitalisation du Ppea à Cajamarca, Pérou, en 1989-1990, peut prêter à confusion. Le « style témoignage » de son texte est pour beaucoup dans l’effet produit sur des lecteurs qui s’identifièrent d’une manière ou d’une autre avec ses déboires et démarches. Mais il ne s’agit pas du produit d’un entretien- témoignage en tant que tel sinon d’une écriture délibérée.

Stéphanie avait eu en septembre 1989 des entretiens séparés avec Grimaldo Rengifo et avec moi au cours desquels nous l’avions aidé à réfléchir son expérience et nous l’avions stimulé, puisqu’elle se sentait « endettée » face aux paysans et aux techniciens du Ppea, à leur laisser le témoignage de son parcours. Elle a donc décidé d’écrire pour eux ce témoignage. Ce n’est qu’en janvier 1990, lorsque je l’ai découvert à Cajamarca, que j’ai vu la possibilité de lui donner une diffusion plus élargie.

Cette expérience nous a amenés, dans le cadre de la capitalisation du Priv de Cochabamba en Bolivie, à rêver d’une diffusion pour les témoignages recueillis au cours de multiples entretiens. Les réactions ont été très diverses. Quelques-uns purent être rapidement reproduits à quelques exemplaires qui circulèrent au sein du projet. La plupart restèrent au contraire longtemps ensevelis dans l’attente d’une décision de leurs auteurs.

Que reste-t-il de cette circulation interne ? Bien des éléments positifs quant à la dynamique générale de capitalisation car il devint possible de mieux sentir les apports et en même temps les nombreux défis : les témoignages servirent à préciser que dire et comment, qui voulait dire quoi. Des éléments positifs également quant à la motivation de différents auteurs qui d’un côté s’affirmèrent et de l’autre constatèrent tout le travail qu’il restait à faire. Quelques éléments négatifs également. Il y eut un moment dans le processus où la circulation interne déboucha sur une certaine tendance à l’autocensure par crainte des réactions et susceptibilités, chacun cherchant à se positionner dans un débat interne plutôt que dans le dialogue avec d’autres, à l’extérieur.

Quant à une diffusion locale ou régionale telle que nous l’avions imaginée, elle ne put jamais voir le jour.

Les témoignages eurent également une autre diffusion: sous forme de citations textuelles dans le premier livre de capitalisation du Priv. Il s’agissait, pour les auteurs de celui-ci, d’enrichir leurs textes avec des exemples et des formulations particulièrement intéressants et en même temps de démontrer concrètement à quel point l’expérience et sa réflexion avaient été collectives au sein du Priv.

Mais cette volonté de mettre en valeur les collègues du Projet sans tomber dans une liste ennuyeuse de « remerciements » eut dans certains cas un effet contraire. Des acteurs de terrain qui n’avaient pas pu intervenir dans le livre se sentirent alors « utilisés » et même « ridiculisés » par ces citations! Celles-ci ne peuvent effectivement rendre compte des richesses et des nuances de la pensée de chacun.

Malgré nos efforts pour protéger le droit de l’auteur de témoignage à décider de l’usage qui en soit fait, une autre forme de diffusion eut lieu au sein de l’Université de Cochabamba. Des étudiants, intéressés par le premier livre où ils affirmaient trouver enfin quelque chose d’utile et d’accessible, réussirent à s’agencer quelques témoignages ou extraits de témoignages qu’ils firent circuler entre eux. Selon leurs propres commentaires, bien des débats intérieurs à l’université se trouvèrent modifiés ou enrichis par tout le vécu et la réflexion du personnel du Priv.

Mots-clés

méthodologie, capitalisation de l’expérience


, Pérou, Bolivie, Pays andins, Cajamarca, Cochabamba

Commentaire

Une diffusion locale ou régionale des témoignages de terrain peut-elle être utile? Pas tous peut-être, mais en général je persiste à le croire. Même lorsqu’il ne s’agit que de transcriptions améliorées d’entretiens-témoignages ayant débouché ou non sur une capitalisation. Il suffirait de leur trouver un cadre, une sorte de collection restreinte et bon marché où se retrouvent des matériels de ce genre. Et il faudrait que quelques auteurs acceptent de courir le risque, de s’exposer aux éventuelles critiques et de tracer le chemin.

Notes

Le PPEA : Proyecto Piloto de Ecosistemas Andinos a été réalisé entre 1985 et 1992 à Cajamarca-Pérou par l’Etat péruvien et le PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Le PRIV : Proyecto de Riego Inter-Valles est réalisé à Cochabamba-Bolivie, entre l’Etat bolivien et la Coopération Allemande, depuis 1977.

Fiche traduite en espagnol : « Capitalización: ¿Qué difusión para el testimonio? »

mentions légales