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Expérience du Mali en matière de gestion des conflits

La rébellion touareg

Sidiki Abdoul DAFF

03 / 2001

Le Nord-Mali correspond à l’espace géographique des trois régions économiques et administratives de Tombouctou, Gao et Kidal, soit près des deux tiers du territoire national avec environ 10 % de la population du Mali. Au Mali Nord, les populations blanches nomades du Sahara (touaregs et maures) cohabitent avec les populations noires d’agriculteurs et d’éleveurs.

Cette région a été traversée, depuis l’accession du Mali à l’indépendance, par des rébellions armées (1962-64) que les différents gouvernements ont essayé d’enrayer en vain par la répression. A partir de 1972, une sécheresse persistante s’installe dans cette zone, anéantit les troupeaux, richesse principale des populations nomades. Appauvries, les populations cherchent refuge dans les pays voisins, notamment l’Algérie et la Libye. En Libye les jeunes sont enrôlés dans la Légion islamique et reçoivent une formation militaire et idéologique. Certains de ces jeunes immigrés formeront les mouvements qui déclenchent les hostilités en juin 1990.

Pour mettre fin au conflit, le Gouvernement du Général Moussa Traoré choisit la répression qui fait de nombreuses victimes innocentes. En 1991, ce gouvernement militaire est renversé. Le nouveau pouvoir décide de prendre à bras-le-corps ce problème du Nord. Il signe avec les rebelles le Pacte national le 11 avril 1992 qui prévoit notamment : l’intégration des ex-rebelles dans les services publics et dans les activités socio économiques ; l’allégement du dispositif militaire dans les régions du Nord; le retour de l’administration et des services techniques dans le Nord; la reprise des activités économiques et la mise en oeuvre de programmes de développement socio-économique d’envergure pour le moyen et le long terme; le retour des réfugiés; la mise en oeuvre du programme de décentralisation.

Mais ces accords ne peuvent empêcher le retour de la violence car une fraction des rebelles réclame une application immédiate des accords, ce que le gouvernement ne peut faire faute de moyens. D’août 1994 à juillet 1995 la situation est marquée par la reprise des combats, les exactions contre les populations civiles et les rebelles. C’est durant cette période qu’apparaît le mouvement Ganda Koy (les «  maîtres de la terre "). Il utilise l’exaspération des populations sédentaires lassées d’être victimes d’attaques des rebelles « blancs ». La crise prend une connotation raciale remettant au goût du jour les rapports conflictuels séculaires sédentaires-nomades, blancs (touaregs et maures)-noirs.

Confrontée à cette crise très grave qui a déjà eu raison des précédents gouvernements, le nouveau gouvernement du Président Alpha Omar Konaré adopte une stratégie de traitement cohérent et profond de l’ensemble des problèmes avec l’implication active de la société civile, des pays concernés de près ou de loin par le conflit (Mauritanie, Algérie et la sous région ouest africaine) et l’appui des partenaires au développement.

La médiation nationale est menée par la société civile à travers des chefs traditionnels, des personnalités religieuses, des notables des cadres de l’État issus du milieu et les organisations féminines. C’est cette médiation qui a permis les premiers contacts informels avec la rébellion et qui a enclenché la dynamique de dialogue et de négociations officielles. Elle a permis de réconcilier, de restaurer la confiance et relancer des activités économiques abandonnées depuis plus de quatre ans. Les rencontres intercommunautaires mettent en présence des communautés que les conflits ont opposées alors qu’elles ont souvent de forts liens de parenté, de voisinage, de solidarité et de complémentarité. Ces rencontres ont eu un grand impact sur la réconciliation, la moralisation et la solidarité intercommunautaires. Au cours de ces rencontres, les communautés se sont rappelé mutuellement que dans leur riche histoire, elles ont constitué et géré ensemble des États comme l’Empire du Ghana, l’Empire du Mali, le Royaume songhaï et la Confédération touareg Iwillimidère de la Boucle du Niger, et qu’elles ont toujours entretenu une culture de paix qu’elles se doivent toujours de sauvegarder. En fait, cette culture de la paix a besoin d’être entretenue par son introduction dans l’enseignement et l’éducation, ainsi que par l’adoption de symboliques chargées de mémoire forte comme la « Flamme de la paix » organisée à Tombouctou le 27 mars 1996 et dont le combustible était 3000 armes qui ont servi à faire la guerre.

Au plan international la médiation a été assurée par l’Algérie et confortée par le recours aux services des personnalités étrangères ayant l’expérience en la matière et réputées pour leur neutralité. Avec ces médiateurs, les contacts avec les rebelles deviennent fréquents ce qui a permis de décrisper le climat.

Ce peuple est éparpillé à travers la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, l’Algérie…, ce qui donne à ce conflit une dimension sous-régionale que le gouvernement malien a intégrée en acceptant des pays voisins comme facilitateurs (Algérie et Mauritanie). Mettre fin au conflit suppose aussi qu’on coupe les sources d’approvisionnement en armes. Ainsi sous l’impulsion du Mali, les pays d’Afrique Occidentale ont adopté un moratoire sur la fabrication, l’importation et l’exportation des armes légères en Afrique de l’Ouest.

Le Mali engage une véritable offensive diplomatique en direction des partenaires du développement pour les informer et les mobiliser en faveur du renforcement de la paix dans le Nord-Mali. Pour une gestion transparente de ces apports financiers et matériels, une table ronde sectorielle sur le Nord est organisée. Elle comprend tous les partenaires du développement, les acteurs du développement, la société civile, les représentants de la rébellion, les partenaires sociaux, les services techniques de l’État. A l’issue de celle ci, un programme transitoire de normalisation et de réhabilitation des régions du Nord a été défini pour une période de 18 à 24 mois.

Mots-clés

réconciliation nationale, Etat et société civile, culture de paix, coopération internationale, intégration régionale


, Mali

Commentaire

Un conflit ne peut être réglé durablement par la force, seul le dialogue permet d’aboutir à une solution durable. Ce dialogue pour qu’il soit efficace doit intégrer tous ceux qui sont concernés par le conflit. Refusant tout nationalisme frileux caractérisant souvent les gouvernements africains (refus de l’ingérence étrangère dans les affaires internes), le gouvernement a fait appel à ses voisins car ce conflit ne peut être isolé de son contexte et sa solution doit être globale. La société civile, principale victime des conflits, doit être correctement impliquée avant, pendant et après le conflit.

Notes

Cette fiche s’inspire notamment des actes d’un forum sur la gouvernance en Afrique, organisé par le PNUD, Bamako, 28-30 juin 1999.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,… ; Articles et dossiers

PNUD, Répertoire des programmes de gouvernance en Afrique : bonne gouvernance et gestion des conflits pour une paix et un développement durable : forum sur la gouvernance en Afrique, - BAQUE, Philippe, " Nouvel enlisement des espoirs de paix dans le conflit touareg du Mali, Le Monde diplomatique, avril 1995, - BOILEY, Pierre, « Le conflit touareg du Nord Mali : des responsabilités partagées », mai 1999 (UNHCR).

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