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Histoire de l’Organisation Paysanne de Bissi Mafou (Tchad)

Un agent de développement présente les activités et les résultats de son organisation

Pierre PAZIMI, Benoît LECOMTE

10 / 2001

"Mon nom est Pierre PAZIMI, je suis originaire de la région où est implantée l’Organisation Paysanne (OP) de Bissi Mafou du même nom qu’un village. Depuis 1982, je suis rentré (de mes études) et j’ai commencé à réfléchir avec les paysans sur la possibilité de mettre en place un groupe pour une organisation paysanne pour toute la région. En fait, je voulais aider les gens à réfléchir en profondeur sur les questions qui sont les causes de leur misère, de leurs difficultés financières et économiques. Quand on a démarré en 1982, c’était la guerre au Tchad et il n’y avait aucune chance d’avoir des relations avec l’extérieur ou très peu. Nous avons essayé avec quelques paysans qui étaient d’accord avec mon idée, qui consiste à dire qu’il faut compter sur nous-mêmes, de créer l’OP de Bissi Mafou.

Aujourd’hui en 1999, c’est une organisation très connue au Tchad. L’OP a démarré par la sécurité alimentaire, cela veut dire : aider les gens à produire davantage, surtout les céréales. L’objectif de l’OP est de ne plus avoir à acheter des céréales de l’extérieur, et de produire et stocker davantage de céréales pour maintenir la sécurité alimentaire. Par la suite, elle a diversifié ses activités, autour du conseil agricole par la méthode biologique et l’approche de la culture durable. Plusieurs paysans, que l’on appelle "pilotes", sont formés dans ce domaine-là. Ce sont des paysans qui mettent en pratique les conseils agricoles et qui sont formateurs auprès de paysans qui ne peuvent pas bénéficier de la formation technique. D’autre part, plusieurs activités sont liées à la sécurité alimentaire, par exemple la santé animale pour que les paysans aient des animaux en bonne santé afin de les aider à produire davantage. Il y a aussi un élevage "économique" : certains paysans peuvent passer de l’élevage classique à l’élevage économique, c’est une nouvelle vision. Les gens commencent à accepter et cela démarre très bien.

Dans la zone il y a environ 3000 chefs de famille. C’est une société très hiérarchisée, si bien que c’est le père de famille qui donne la cotisation pour tous les membres de la famille. Supposons qu’il y ait en moyenne 6 personnes dans chaque famille, il y aurait donc à peu près 18 000 membres et autour de 600 000 FCFA (6 000 FF) chaque année comme cotisations.

Il y a deux niveaux d’activité génératrices de revenus :

a) au niveau des membres : l’OP a beaucoup développé les activités génératrices de revenus, surtout pour les femmes, le petit élevage, le petit commerce, l’école, le stockage de céréales pour les vendre à des moments propices. Les femmes font beaucoup et l’OP a aidé les femmes à mettre tout cela en place.

b) au niveau de l’organisation paysanne elle-même : les tourteaux de coton pour l’alimentation du bétail et la fertilisation des sols ; l’OP en achète des milliers de sacs par an, qui sont donnés à crédit aux membres, pour nourrir le bétail et fertiliser les sols. Ils ont aussi mis en place un atelier de réparation des outils agricoles qui permet aux membres de réparer les charrues, les charrettes, fabriquer les pièces de rechange, ce qui permet à l’OP de faire de petits bénéfices et de payer les indemnités pour les déplacements des responsables.

En gros, l’OP de Bissi n’est pas soumise à une pression quelconque de la part d’une ONG. Elle peut avoir n’importe quelle relation avec n’importe quelle ONG sans être forcément soumise. Il n’y a pas une ONG qui la domine. L’OP a des relations avec le BELACD (Bureau d’Etudes et de liaisons des activités de l’Eglise Catholique pour le Développement), mais sans domination particulière du BELACD ; de même avec INADES (Institut de Formation) avec lesquels nous avons des relations amicales qui consistent à avoir des informations pour la formation des paysans membres. De même avec les services d’Etat qui sont là, à l’occasion, pour discuter des solutions techniques et puis c’est tout. Ce qui fait, quand même, la fierté de l’OP de Bissi est de n’être liée à aucune ONG. Elle ne bénéficie pas d’une subvention importante d’une ONG qui l’oblige à faire ce qu’elle veut !

Je pense qu’il n’y a pas de contrat de longue durée entre l’OP de Bissi et le projet allemand appelé "GTZ Micro". Il y a des aides ponctuelles. Parfois, la GTZ donne des crédits ; j’ai vu 2 ou 3 crédits comme cela accordés à l’OP pour l’achat de céréales, domaine où l’OP est très expérimentée. J’ai vu aussi plusieurs fois la GTZ accorder des subventions pour la formation des membres de l’OP. Je trouve cela très intéressant parce qu’il y en a, parmi les bailleurs, pour lesquels la formation est comme une consommation de luxe. Je pense le contraire, parce que l’aide sans formation cela ne sert à rien.

Mots-clés

développement local, organisation paysanne, financement, production agricole, solidarité, commerce, crédit, stratégie de développement


, Tchad, Bissi

Commentaire

Née en 1982, à l’initiative d’un ingénieur agronome revenu cultiver et vivre au village, l’Organisation Paysanne de Bissi Mafou a gardé le principe de ses débuts : "compter sur nous-mêmes" tant pour assurer la sécurité alimentaire que pour lier agriculture et élevage. Les groupements sont mixtes et comptent environ 18 000 membres.

Notes

Notre interlocuteur est un agronome responsable des activités dans le domaine agricole d’une ONG tchadienne. En même temps il est paysan et fait partie de l’organisation paysanne qu’il décrit et qui agit dans la zone dont il est originaire. Plusieurs fiches ont été établies à partir de l’interview. Voir fiches GRAD n° : 442; 443.

Entretien avec PAZIMI, Pierre, réalisé à Bissi en juin 1999.

Source

Entretien

GRAD (Groupe de Réalisations et d’Animations pour le Développement) - 228 rue du Manet, 74130 Bonneville, FRANCE - Tel 33(0)4 50 97 08 85 - Fax 33(0) 450 25 69 81 - France - www.grad-france.org - grad.fr (@) grad-france.org

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