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Deux témoignages de ce qu’est la solidarité et l’aide chez les Ngambayes (Moundou, Tchad)

Benoît LECOMTE

04 / 1998

A/ Marc Mougnan, Secrétaire Général de l’Association Tchadienne pour la Non-Violence : "La solidarité chez nous les Ngambayes ? C’est : "Ce que j’ai est pour tout le monde". Par exemple tout à l’heure, mon oncle paternel était à l’hôpital et quand il est arrivé à l’hôpital, un membre de la famille l’attendait. Donc, ce que j’ai pour dix personnes dans ma famille, je dois maintenant le partager avec les personnes qui l’ont accompagné. Dans les villages, la solidarité est totale. Quand vous avez des difficultés, si votre champ est en retard, les gens s’organisent, viennent vous aider à terminer. Les gens fabriquent des boissons; c’est une manière de dire : "Venez dans mon champ, vous aurez à boire !" Ce n’est pas à cause de la boisson qu’ils vont, mais c’est parce que quelqu’un a demandé qu’on vienne à son secours. Les gens sont très solidaires, à tel point que les personnes âgées ne se plaignent pas tellement; on s’occupe plus des enfants et des personnes âgées. Vous ne pouvez pas ne pas aller visiter votre grand-père qui est là à côté toute la journée, ce n’est pas possible ! Parce qu’il a besoin de vous, il a besoin d’être remonté, il a terminé son temps mais vous devez partager le vôtre avec lui. Donc, la solidarité est telle qu’on est enfant du village et non enfant de son père et de sa mère. Maintenant, les choses commencent à changer. Il y a un adage qui dit : "Quand vous voulez monter sur un arbre, accrochez-vous d’abord à l’arbre. Celui qui essaye de grimper mais qui n’a pas pu, alors quelqu’un viendra le pousser. Mais si vous mettez les mains dans les poches et que vous restez à côté d’un arbre, même si vous avez l’intention de monter, personne ne viendra pour vous aider à monter". Donc chez nous, s’il y a l’aide, c’est qu’on est déjà en train de faire quelque chose. On se bat et on demande du secours. L’aide ne vient qu’après une action qui est en train d’être entreprise. C’est cela l’aide, chez nous".

B/ Fidèle Djetodjide Kanayo, Responsable de l’ASSAILD (Association d’appui aux initiatives locales de développement -Tchad) :"Un Ngambaye ne dira jamais qu’il a faim. Si aujourd’hui, on entend des mots comme "j’ai faim" ou "donne-moi à manger"; ce n’est pas normal. Le Ngambaye est orgueilleux, il ne pourra pas demander à manger, il ne demandera pas des habits, il ne demandera rien en dehors. Mais la solidarité au sein de la famille se manifeste à la récolte par exemple : les cousines, les nièces, les femmes peuvent aller derrière leurs frères, récolter avec eux, mais elles vont toujours rentrer chez elles avec une part des récoltes. Il n’y a rien à faire (rires) les parents vont venir t’aider à récolter mais ils vont rentrer avec leur part chez eux et il faudra accepter que cela se passe comme ça.

Avant, pendant les temps de famine, le village était organisé autour du chef de village ou du chef de famille qui est supposé avoir plus de biens pour aider les individus du village. Le chef, c’est quelqu’un qui ne doit pas être pauvre (rires). Maintenant, ce sont les pauvres qui deviennent des chefs et qui vivent aux crochets des populations. C’est exactement le contraire d’avant. Nous développons maintenant une mendicité qui n’existait pas tellement dans le passé. Les aveugles et handicapés étaient pris par leur famille, on ne voyait pas d’handicapés qui vont rester dehors pour quémander de l’argent par exemple. Ce sont des choses qu’on voit maintenant et ce n’est pas normal dans la société Ngambaye. La solidarité existait, elle était automatique".

Mots-clés

ethnie, culture traditionnelle, communauté paysanne, changement social


, Tchad, Moundou

Commentaire

La solidarité concerne tous les membres de l’ethnie Ngambaye. Mais aujourd’hui, la société change et on voit des choses qui n’auraient jamais existé auparavant comme par exemple la mendicité. Les Ngambayes commencent-ils à prendre goût à l’individualisme ? Trouveront-ils une voie et de nouvelles modalités pour que personne ne quémande et que personne ne reste de côté ?

Notes

Deux cadres tchadiens montrent que la solidarité entre les membres de leur ethnie est au centre de la société rurale et s’inquiètent du rôle de l’aide extérieure.

Entretien avec MOUGNAN, Marc; DJETODJIDE KANAYO, Fidèle.

Source

Entretien

réalisé à Moundou en février 1998.

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