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Autonomie et dépendance des organisations paysannes et des organismes d’appui vis-à-vis de l’aide (Sénégal)

Le point de vue d’un contrôleur de gestion sénégalais (APCO, Thiès)

El Hadj NDONG, Benoît LECOMTE

04 / 1998

El Hadj Ndong, responsable du cabinet comptable de l’APCO (cabinet d’accompagnement pour les associations dans la gestion et l’organisation) explique ceci : « Dès 1987, la FONGS (Fédération des ONG Sénégalaises) a développé la notion de « capitalisation » à partir de financements étrangers. A l’époque, déjà, il y avait l’idée qu’un jour l’aide allait progressivement disparaître et qu’il faudrait faire en sorte que les associations de base (et la FONGS qui doit donner l’exemple) puissent capitaliser et participer de manière beaucoup plus importante au financement de la structure. Dans ce cadre-là, on a développé des techniques de capitalisation qui n’ont pas donné les résultats qu’on escomptait. Des efforts immenses ont été fournis au niveau des associations; des fonds capitalisés ont existé au niveau de la FONGS mais ils ont été, par la suite, détenus à travers les créances dues à la FONGS par les associations membres. Une partie de ces créances n’ont pas été versées et nous n’avons pu réellement capitaliser ces sommes d’argent pour faire face aux dépenses de la fédération au cas où les fonds de l’aide s’amenuiseraient.

Les gens parlent aujourd’hui beaucoup d’autonomie financière mais, pour moi, c’est un processus qui se prépare. Les structures doivent s’organiser progressivement pour être plus tard autonomes. Autonomes par rapport aux financements de leurs activités. Est-ce que les associations pourront réellement l’être un jour ? C’est une question que je me pose. Parce qu’une fois une action réalisée, les gens sont toujours tentés de mener d’autres activités pour lesquelles il faut trouver des ressources financières complémentaires.

Pour moi, la recherche de l’autonomie financière devrait se traduire par une participation accrue des ressources des paysans dans le financement des activités qui se créent. Des bailleurs poussent dans ce sens-là. Souvent, les bailleurs parlent d’appui à l’institution et de la prise en charge du fonctionnement de l’institution par ses ressources propres. Certains bailleurs incitent les structures paysannes (ou d’appui) à concevoir des programmes qui leur permettront progressivement d’asseoir cette autonomie. Il y a quelques années les bailleurs de fonds ne réfléchissaient pas comme cela mais maintenant ils se soucient de la possibilité de pérenniser. Et désormais, « l’institutionnel » joue un rôle important dans le financement du développement.

L’aide a sensiblement baissé et toutes les associations paysannes qui ont été créées pendant les années 1977 à 85 en sont conscientes. Elles ont pu suivre cette baisse de l’aide et éprouver des difficultés pour trouver des financements. C’est pourquoi elles pensent à développer des activités de crédit et d’épargne pour suppléer à la diminution de l’aide. Les associations qui mènent actuellement des activités et reçoivent des financements extérieurs sont en nombre très limité. Comme l’aide ne vient plus, on voit naître aujourd’hui des groupements d’intérêt économique (GIE) de femmes. Celles-ci cherchent la possibilité de contracter un crédit pour mener une activité qu’elles jugent rentable ; alors elles mettent ensemble des moyens personnels qu’elles gèrent de manière collective et se redistribuent entre elles pour financer des activités lucratives. Il n’y a cependant pas beaucoup d’associations qui suivent annuellement leurs chiffres d’autofinancement, ou gèrent avec précision leurs apports propres pour couvrir les charges institutionnelles parce que pour cela, il faut avoir atteint un niveau d’organisation poussé. Non seulement qu’elles soient capables de tenir une bonne comptabilité, mais de définir des bilans et des comptes de résultats. Aujourd’hui, en 1998 les associations arrivant à sortir ces états-là sont en nombre limité. A l’époque où l’on faisait cet appui au niveau de la FONGS, chaque année un bon nombre d’associations arrivait à dresser leur bilan et leurs comptes de résultat mais, depuis un certain temps, rares sont les associations qui sont capables de le faire. Soit les responsables de gestion, qui étaient épaulés pour faire ce genre d’états, n’occupent plus les fonctions qu’ils occupaient avant, soit le volume du financement a tellement baissé que les gens ne pensent pas qu’un travail de ce genre soit nécessaire. Or, c’est, à mon avis, très utile pour mieux gérer les performances et surtout pour voir les changements à apporter.

L’un des intérêts du financement par « fonds de programme » est qu’il intègre un certain nombre d’éléments importants : la planification, la nécessité de faire des évaluations, de tenir une comptabilité qui permette de sortir des bilans et des comptes de résultats, la mesure de la progression des ressources propres, l’intérêt de banques de données à exploiter. Ces partenaires qui raisonnent en programme, se préoccupent ainsi des possibilités de pérenniser l’institution. Il y en a même qui ne financent que des activités économiques à travers des instruments spécifiques tels que la ligne de garantie bancaire. Celle-ci est un outil de financement destiné à des structures qui ont repéré des activités pour lesquelles elles espèrent un gain. D’autres partenaires s’intéressent à l’épargne crédit afin de multiplier le volume d’activités à développer. Les programmes de crédit sont de 2 types : soit un fonds de crédit donné à gérer à l’association par un partenaire financier; soit les associations intègrent l’épargne paysanne dans le processus. Ce dernier est plus intéressant parce les gens reçoivent à la fois un crédit pour une activité rentable et grâce à celle-ci, les membres épargnent pour augmenter le volume de fonds destiné au crédit ».

Mots-clés

organisation paysanne, ONG du Nord, gestion d’entreprise, autonomie, structure d’appui


, Sénégal, Thies

Commentaire

Trois remarques d’un exigeant acteur / observateur du mouvement paysan sénégalais : il pense que la baisse du volume d’aide disponible au niveau de chaque association paysanne est un facteur - en 1997 - favorable à la construction de leur autonomie financière ; il observe que les groupements de femmes se multiplient en vue de développer des activités individuelles rentables ; enfin, à son avis, la variété des formes d’appui et des instruments de financement (dont les programmes d’associations et la garantie bancaire) est un atout pour les Organisations Paysannes. Cependant, bien des progrès, ne serait-ce que par l’enregistrement du rapport fonds propres/fonds externes, restent à faire alors que le nombre d’associations qui établissent un bilan et des comptes de résultats diminue.

Notes

Entretien avec NDONG, El Hadj, réalisé en décembre 1997.

Source

Entretien

LECOMTE, Benoît

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