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Comment faire coopérer étroitement entre eux les institutions de recherche, les organismes de vulgarisation et les organisations paysannes ? (Sénégal)

Les efforts et les innovations institutionnelles du CNCR, Comité national de Concertation des Ruraux dans ce domaine de 1995 à 1998

Mamadou Lamine SONKHO, Benoît LECOMTE

2002

M. Mamadou Lamine SONKHO, chargé de la recherche développement au CNCR, dit ceci : " Je suis membre de la cellule d’appui technique, je m’occupe de tout ce qui est relation entre les organisations paysannes et instituts de recherche. Pour ce faire, on a créé au Sénégal une cellule appelée « cadre de concertation pour la recherche » qui intègre les différents acteurs. Les producteurs sont représentés par le CNCR et il y a deux grandes institutions de recherche, l’ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole) et l’ITA (Institut de Technologie Alimentaire).

Un comité « recherche », dont je suis le secrétaire exécutif, rend opérationnelles les orientations. Il regroupe deux représentants de chacune des fédérations du CNCR, avec des rencontres régulières. Il travaille sur la base d’un programme, évalué semestriellement. Ce comité et la cellule n’ont pas d’action en tant que telle. Leurs activités vont permettre de préparer la mayonnaise mais ce n’est pas eux qui la font ni qui apportent les ingrédients. Ce sont les organisations paysannes et les institutions décentralisées au niveau des régions qui exécutent le programme. Le Comité prend les décisions pour mettre en place telle ou telle activité de recherche et celle-ci s’effectue à la base.

Dans chaque région, un comité ouvert à tous (ONG, projets, services de développement régionaux) est constitué. Il participe aux deux grands moments que sont le diagnostic (quand on entame une activité) et les ateliers régionaux de recherche et développement (ateliers annuels pour faire le point dans une région de l’état d’avancement des différents travaux et des résultats).

Il est important de renforcer la position des producteurs au sein des instruments de gouvernance. Tout ce que l’on est en train de faire depuis 2 à 3 ans est le fruit de négociations au sein même des institutions, de leurs conseils d’administration, des conseils scientifiques et techniques des institutions de recherche, etc. En fait, l’objectif à moyen terme est d’arriver à ce qu’une représentation pertinente des producteurs soit assurée au niveau des conseils d’administration de toutes les institutions de recherche et de toutes les institutions de vulgarisation. Ce faisant, les producteurs seront présents là où l’on décide d’allouer les ressources. Il y a tout un travail de lobbying pour garder la majorité au niveau des conseils d’administration ou pour être suffisamment bien représenté pour défendre des intérêts professionnels qui méritent que l’on mette de l’argent sur la table. La cellule d’appui technique du CNCR est là pour soutenir ce type de force au sein des institutions publiques. La cellule est un cadre d’apprentissage permanent. On développe des idées ou des essais de paysans, on leur donne une signification et on essaie de les reproduire. Et au fur et à mesure qu’on rencontre des contraintes, on interpelle et on partage l’analyse avec les gens.

Sur le plan de la conception de notre travail, deux axes émergent :

- Le premier axe est que les innovations des chercheurs, même si elles créent de la plus-value, ne résistent pas à l’effet du temps. D’abord parce qu’elles ne sont pas dans un environnement tel que celui décrit au moment où on les a créées. Par exemple, quand on crée une variété de semences, on ne se pose pas la question de la multiplication de cette variété et avant même d’être utile, elle disparaît. Le chercheur a créé la variété mais il n’a pas travaillé sur les conditions qui doivent l’accompagner pour qu’elle puisse durer comme innovation, sur sa « viabilité ». Cela veut dire que s’il faut dix ans pour mettre au point une variété, nous exigeons trois ans pour voir si les conditions favorables d’accompagnement sont bien là.

- Le deuxième axe est qu’il n’est pas rare de voir des chercheurs ou des conseillers agricoles travailler dans un village pour une seule innovation alors qu’à côté il y a d’autres pistes qui ne sont pas considérées. Par exemple, s’ils viennent mettre un barrage pour un problème de sel dans une vallée, ils ne verront pas qu’à côté il y a une importante possibilité d’embouche. Comment les pousser à s’intéresser à toutes les possibilités de valorisation des différentes formes d’activités ? L’innovation ou l’information spécialisée dans un environnement doit être l’occasion de mettre en oeuvre toutes les potentialités locales. A partir de ce moment, l’innovation va ouvrir une porte d’un développement local qui est global. Si je développe une innovation dans un endroit, je dois rester cinq ans à cet endroit pour chercher les autres portes et mobiliser les autres compétences. Je ne dois pas réduire les possibilités d’amélioration à mes seules capacités ou à ma seule porte.

Nous avons rencontré deux cas très instructifs :

- Le premier c’est le fogno, comme culture de soudure, qui demande peu de main d’oeuvre et peu de temps. C’est une culture à faible coût de revient mais qui demande beaucoup de travail des femmes pour sa transformation. Une machine avait été mise au point au Sénégal, pour décortiquer le fogno. Celui qui a créé la machine est un professeur de lycée d’enseignement secondaire et elle n’appartient donc à aucune institution de recherche. La recherche ne peut plus être le droit exclusif de certaines institutions d’Etat et on doit prendre en compte les autres innovateurs qui font des choses qui intéressent les gens.

- Le deuxième cas concerne la fonction du conseiller agricole. Dans un site où les gens faisaient du sésame, il s’agissait d’accroître les superficies. Le président du CNCR s’en est saisi pour en faire une affaire nationale, et on est passé de 500 hectares en 1996 à 7500 hectares en 1997, sans conseil agricole ni personnel mais simplement à partir de la « réactivité » des paysans. Il fallait trouver des semences, le président est parti au Mali en chercher ; il fallait des crédits, on a mis en place un projet ; il fallait identifier les gens qui connaissaient le mieux cette culture, on a recruté des gens ! En deux mois, le système a réagi et en fin d’année on a eu 7500 hectares de sésame cultivés.  »

Mots-clés

organisation paysanne, concertation, vulgarisation agricole


, Sénégal

dossier

Idées, expériences et propositions sur les sciences et la démocratie

Commentaire

Cette fiche développe les raisons de la création d’un « Comité recherche développement » au CNCR, ses buts et ses fonctions. La raison d’être d’une « Cellule de concertation entre organisations paysannes et instituts de recherche » est argumentée par des exemples précis et clairs.

Notes

Sur le même sujet, à la même époque voir les fiches de MM. Samba GUEYE et Malamine SONKHO et les autres fiches de M. Ousmane NDIAY.

Source

Entretien avec SONKHO Lamine Mamadou, réalisé en 1998 par Benoît LECOMTE.

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