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La philotechne comme un idéal de Bildung dans l’éducation en ingénierie

Matti VESA VOLANEN

2007

Il est urgent, plus généralement, de trouver les moyens d’une réunification, dans la fonction d’ingénieur et dans l’éducation qui lui correspond, des trois composantes traditionnelles de l’apprentissage que le grec désignait par les termes Theoria, Praxis et Poiesis.

La Theoria relève très généralement de l’ « Etre ». Le type d’apprentissage lui correspondant est celui consistant à « apprendre en étant » (si on le prend en contexte), puis à « apprendre à être » (si on y ajoute son concept), puis à acquérir une connaissance des phénomènes sous la forme d’une théorie (si on cherche à en former le contenu).

De même, à la Praxis et à la Poiesis correspondent respectivement trois moments. A la Praxis (qui relève du « faire ») correspond un apprentissage consistant à « apprendre en faisant » (en contexte), puis à « apprendre à faire » (avec concept), puis à participer de façon mimétique à une situation par une pratique (contenu). Enfin, à la Poesis (qui relève du « fabriquer ») correspond un apprentissage consistant à « apprendre en fabriquant » (en contexte), puis à « apprendre à fabriquer » (avec concept), puis à constituer une situation immédiate (contenu).

La tradition de la Poiesis, que recouvrait le terme grec philotechne (littéralement l’amour du métier) est donc importante pour un ingénieur, dans la mesure où elle insiste sur la nécessité d’un apprentissage par la fabrication ; apprentissage d’ailleurs dont le contenu, le matériau de base, en vient, à partir d’un contexte particulier, à prendre une forme conceptuelle, mais d’une façon telle que ce mouvement ne sanctionne pas seulement l’émergence d’un nouveau contenu conceptualisé dans un certain contexte, mais aussi la production d’un nouvel espace pour l’apprentissage lui-même.

C’est cette spécificité que la philotechne peut adjoindre à la notion germanique de Bildung, (très grosso modo : « formation humaine »). L’idée de base de la Bildung est que l’individu fait de lui-même quelqu’un de valeur par l’action de ses propres efforts. Historiquement cette quête de la valeur a néanmoins été entendue de différentes façons, et on l’a pensée successivement comme pouvant se faire par la religion, par la science et l’érudition, ou par une vocation pour un métier.

C’est à la suite du Moyen Âge, dans le contexte de la création des universités, et sous la pression d’enjeux sociaux de pouvoir et de privilèges, que s’opéra la distinction entre une Bildung « académique », consacrée à la science et à une vue générale sur le monde, et une Bildung « vocationnelle », dédiée à des tâches plus pratiques et locales. A cette partition (qui, reproduisant bien qu’avec nuances celle entre Theoria et Praxis, tendait déjà à marginaliser la Poiesis), l’époque moderne rajouta celle entre « arts » et « beaux arts », qui, voulant redonner à l’art et à l’éducation artistique une part du prestige social de la science, eut pour effet de scinder durablement la connaissance et la beauté de la techne. Alors que traditionnellement science et érudition concernaient le monde tel qu’il est, que la pratique concernait la lutte pour rendre le monde meilleur par l’activité, et que la Poiesis visait à la production de beaux artefacts, il se créa en effet dès lors une alliance entre science et art, qui défonctionnalisa la Poiesis en l’assujettissant au contrôle extérieur de la science (de la même façon que le taylorisme rationalise extérieurement l’activité du travail manuel), et exclut les questions de beauté des procédés de travail.

Ce partage néanmoins n’est plus tenable, du fait notamment de notre situation contemporaine où un « travail à l’état brut » exempt de significations ne peut exister, où activité signifie immédiatement communication, et où les machines elles-mêmes ont acquis une forme de langage. Les deux dimensions de la Bildung, chacune sans l’autre étant stérile, doivent donc se relier dans un dépassement. Il importe aujourd’hui que les ingénieurs retrouvent la trilogie originelle, qui passe par exemple par la ré-acquisition de différentes vertus (Euboulia ou prudence à large vue, Euphoria ou sens enthousiaste de la réalité, Hyponomé ou patience brave, Prolépsis ou compétence à la visualisation anticipatoire, Epibolé ou intuition pratique, Maieutike téchne ou capacité à donner naissance au Bien, au Vrai et au Beau, etc.), de façon à faire d’eux, comme le dit le dicton, des experts et citoyens à « tête brillante, grand cœur et mains en or ».

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