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Enquête  Nanotechnologies : Les raisons d’un échec

Science et Société : Renouer le dialogue

Catherine Ferrieux

06 / 2011

L’arrivée des nanoparticules dans le monde qui nous entoure inquiète. Pour éviter de refaire les mêmes erreurs qu’avec les OGM et par souci de transparence, des rencontres entre des experts et la population française ont été organisées afin d’informer et de décider de l’avenir de cette technologie. Retour sur une initiative qui n’a pas atteint les résultats escomptés.

Du 15 octobre 2009 au 24 février 2010, des rencontres entre experts et citoyens ont eu lieu dans quinze grandes villes de France dans le cadre du « Débat public national sur le développement et la régulation des nanotechnologies ». Dans plusieurs villes, les débats ont été perturbés voire empêchés1. Cet échec du débat public sur les nanotechnologies aurait-il pu être évité ?

De quoi parle-t-on ?

Les nanotechnologies désignent les technologies qui utilisent des propriétés physiques de la matière à l’échelle du nanomètre (le milliardième de mètre), l’échelle d’un atome ou d’une molécule. Les nanoparticules peuvent donner des propriétés hydrophobes aux fibres textiles, des propriétés autonettoyantes ou bactéricides aux peintures et revêtements, ou encore de la transparence aux cosmétiques. Les «nanos» existent dans la nature. Les volcans recrachent des nanoparticules dans l’air. Le lézard gecko adhère aux plafonds grâce à ses nanoventouses. Alors quel est le problème?

En fait, plus les particules sont petites, plus leur « surface spécifique » augmente –c’est-à-dire la surface totale des particules par unité de volume. Or, cette surface détermine la réactivité chimique et le potentiel toxique des particules. Plusieurs études existent en toxicologie des nanos mais il n’y a pas encore de consensus scientifique sur leur toxicité pour l’homme et pour l’environnement. Certaines applications des nanos posent également des problèmes éthiques : les nanopuces RFID (utilisées dans les passeports biométriques) pourraient être implantées dans la peau des individus, stockant toute l’information les concernant, ce qui constituerait une grave atteinte aux libertés individuelles. Pour éviter le « syndrome OGM » et un rejet populaire total, le gouvernement a ouvert le débat au public par l’intermédiaire de la Commission nationale du débat public (CNDP), l’autorité administrative qui coordonne les débats territoriaux sur l’implantation d’infrastructures locales (rocades ou antennes de télécommunication). La CNDP a mandaté une commission particulière (CPDP) composée de sept membres afin d’organiser le programme des débats. « Six mois de préparation, c’était insuffisant pour préparer un débat d’une telle ampleur », analyse Patrick Legrand, membre de la CPDP. La commission s’est alors lancée dans le tour de France des acteurs industriels locaux et a décidé d’attribuer une thématique par ville : « nanotechnologies et textile » à Lille, « nanos, automobile et pollution atmosphérique » à Clermont- Ferrand, « nanos et applications médicales » à Toulouse, « informatique et libertés » à Grenoble… « Le choix d’affecter des thématiques par région était une erreur, reconnaît Patrick Legrand. Cela donne vite un avantage aux détails techniques, offre un boulevard à la technocratie et empêche les gens qui ne savent pas de s’exprimer. »

Un débat biaisé

Morceler la question empêche surtout d’aborder la problématique générale. « La vraie question, c’était l’intérêt, l’utilité sociale des nanos, commente Claude Bascompte, président de l’association Les Amis de la Terre. Or, le débat de la CNDP n’était pas prévu pour porter sur ces questions. Elles ont été volontairement occultées ! C’est cela qui a catalysé les résistances et les a exacerbées. » Pour de nombreuses associations, le débat est également arrivé bien trop tard : il existe déjà plus de mille produits contenant des nanos sur le marché. Elles ont d’ailleurs souligné que l’intitulé général du débat « sur le développement et la régulation des nanotechnologies » donnait lui-même à penser que la question de l’utilité sociale était déjà réglée. La Fondation Sciences Citoyennes a ainsi dénoncé une « pure opération de communication, visant à faire accepter par le grand public des choix déjà entérinés ». L’opposition la plus virulente est venue de l’association Pièces et Main d’Ĺ“uvre (PMO), basée à Grenoble, là où se trouve aussi le Centre européen Minatec, le campus d’innovation pour les micro et nanotechnologies. PMO s’est étonné du manque de publicité faite par la CNDP sur les débats, soulignant l’absence de campagne d’affichage ou de distribution de tracts. Au final, seuls 3 216 participants ont assisté aux réunions, alors que 10 000 personnes étaient attendues. Isabelle Jarry de la CPDP répond : « Avec le budget d’un débat local pour faire un débat national, il était impossible d’envoyer le dossier de présentation des débats à chaque foyer ». Selon PMO, cependant, l’agence de communication I&E consultants – prestataire de la CPDP – aurait réalisé un important effort de diffusion à destination des universités, laboratoires, instituts de recherche. De fait, dans les salles, le « grand public » était assez absent, contrairement aux officiels, notables locaux, chercheurs, industriels et associations. La contestation a alors paralysé les débats, les protestations prenant diverses formes : banderoles, slogans scandés, tonnerre d’applaudissements empêchant le débat voire jet d’ammoniaque dans la salle.

Tout reste à faire !

Dans le milieu associatif, certains se sont élevés contre ces perturbations et ont essayé de jouer le jeu. « Tout n’est pas joué, s’anime Josée Cambou, de France Nature Environnement. Certes, il y a de la production, certaines décisions sont prises, mais pas toutes. Par exemple, du côté réglementaire, tout reste à faire. » Très prochainement, un projet de décret d’application de l’article 185 de la loi Grenelle II va rendre obligatoire la « déclaration annuelle des substances à l’état nano particulaire mises sur le marché », pour l’importation, la fabrication ou la distribution. « Le débat n’a pas été un échec, poursuit-elle. Avant personne ne parlait des nanos. Depuis, même la presse quotidienne régionale en parle. » A la CPDP on se refuse à parler d’« échec » mais seulement de « difficultés », notamment « celle d’avoir organisé un débat public sous la direction de sept ministères ayant des intérêts divergents, comme l’industrie et la santé, pointe Isabelle Jarry. L’Etat devait produire dans les trois mois un compte rendu sur ses engagements à la suite du débat public. Nous attendons toujours. » « La CNDP n’était pas la structure adaptée pour ce débat, commente Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à l’université de Paris-IV Sorbonne. Elle a commis une erreur dogmatique. Les organisateurs ont confondu la question des risques et bénéfices pour la santé et l’environnement avec celle plus profonde du type de vie sociale et collective qui résulte de l’intrusion de la technologie dans nos existences. » Changer de structure et distinguer « ce que peut cette technologie » de « ce que l’on veut en faire » sont les deux ingrédients à retenir pour un prochain débat public sur les nanos.

1 Les deux derniers débats publics ont même été remplacés au dernier moment par des sessions à huis clos, retransmises sur le web.

Palavras-chave

escolha tecnológica, inovação tecnológica, risco tecnológico, ciência e tecnologia, tecnologia, acesso à informação, informação científica, informação técnica, responsabilidade cidadã


, Franca

dossiê

Sciences et Démocratie : un mariage de raison ?

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Les conférences de citoyens

Nées au Danemark, les conférences de citoyens sont arrivées récemment en France, la Ville de Paris en ayant notamment organisé une sur les ondes électromagnétiques en 2009. Jacques Testart, président de la Fondation Sciences Citoyennes en décrit les principes : « On prend au hasard 200 personnes sur une liste électorale. On leur propose de participer à une expérience de convention de citoyens, à but d’information et de débat sur un thème, sans être payé, juste dédommagé. En général 60 sur 200 acceptent. Un institut de sondage en sélectionne quinze, en tenant compte de la diversité du panel en termes de sexe, de métier, de région et en vérifiant qu’elles ne sont sujettes à aucun conflit d’intérêts. Ces personnes sont alors formées pendant trois week-ends. Le programme de formation et le choix des formateurs sont confiés à un comité de pilotage composé de dix personnes représentant des opinions différentes. Pendant les deux premiers week-ends, les citoyens suivent la formation. Puis le troisième, ils choisissent eux-mêmes les intervenants (chercheurs, experts) qui viendront répondre à leurs questions en public. Ensuite ils rédigent à huis clos un compte rendu. On demande que le résultat du débat soit pris en compte, et que les parlementaires puissent voter sur les propositions des citoyens. »

L’expertise en spirale

L’association Vivagora a mené une expérience de concertation sur les nanotechnologies baptisée CoExNano. Cette «expertise en spirale » consiste à « s’éloigner du centre de gravité des experts scientifiques, pour élargir progressivement la concertation aux autres acteurs de la société civile », explique Dorothée Benoît Browayes, déléguée générale de Vivagora. Ce processus s’est déroulé en trois étapes : 1) Une phase d’expertise scientifique et technique avec la publication d’un rapport d’expertise sur les nanorevêtements (peintures, vitres, ciments) 2) Une présentation du rapport aux associations et collectifs territoriaux à travers des ateliers de discussion sur les risques et sur l’utilité des nanos. 3) Une journée de mise en débat entre chercheurs, industriels et associatifs qui se termine par le vote des participants. CONTACT : Site de Vivagora.

Fonte

Altermondes, Sciences et démocratie : un mariage de raison ?, numéro spécial Juin 2011, 50p.

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