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Au Liban, la citoyenneté est à inventer

Claire MOUCHARAFIEH

03 / 1994

Dans des sociétés confessionnelles et communautaires, à fortiori lorsqu’elles ont été déchirées par des fractures profondes provoquées par une guerre civile prolongée, l’individu a le plus grand mal à exister et à faire reconnaître ses droits et ses libertés, car il n’a bien souvent pas droit de cité. Les solidarités locales reposent essentiellement sur l’appartenance au groupe, et non sur des intérêts sociaux, ou des valeurs communes.

Au Liban, la révolution individuelle reste largement à faire - même si des associations tentent de tirer les enseignements de plus de 15 ans de guerre, refusant désormais de s’intégrer dans la règle du jeu confessionnel. Promouvoir et défendre l’idée de citoyenneté, dans ces conditions socio-historiques, s’inscrit dans une logique de rupture. C’est la démarche adoptée par l’Association Sociale et Culturelle (ASC), qui depuis sa création en 1988, contribue à la construction d’une société civile libanaise, à partir des fondements de la démocratie, de la laïcité et de la non-violence.

Pour reconstituer le tissu social, l’ASC agit sur trois volets : en formant des acteurs sociaux, en activant la réorganisation de groupes sociaux (syndicats, rassemblements de jeunes, comités de quartiers…), et en renforçant les liens de coordination et/ou de réunification entre différents groupes sociaux. L’ASC se vit comme un mouvement civil non-violent. Cette référence à la philosophie et à la stratégie non-violente est un véritable défi dans le contexte libanais, mais elle commence à trouver une résonance parmi la population civile qui a trop souffert des milices armées.

Education à la citoyenneté

Depuis plusieurs années, l’ASC concentre ses efforts sur un travail de formation : elle organise des sessions sur la résolution non-violente des conflits, la non-discrimination, les droits sociaux, économiques, culturels et politiques des individus. Commencées au nord du Liban, ces sessions s’étendent aujourd’hui sur l’ensemble du pays, y compris le Sud-Liban, et sont suivies par des chrétiens comme des musulmans. De façon plus formelle, des formateurs de l’ASC donnent, depuis octobre 1992, des cours à « l’Ecole libanaise de formation sociale ». Plusieurs de ses membres participent au programme d’éducation à la paix de l’UNICEF.

Un projet pilote de formation aux droits de l’homme, a été mis en place pour les miliciens ou ex-combattants, pour les aider à se ré-intégrer dans des cadres de vie « normale ». Ces activités pédagogiques, qui touchent plus de 1000 personnes par an, s’inscrivent dans un processus dynamique de « formation-action » (se former/former autrui/agir ensemble). Une plus grande justice sociale est la seule base d’une paix civile durable. Depuis un peu plus d’un an, un centre de formation permanente à la non-violence et aux droits humains est ouvert, en plein coeur de Beyrouth. Il joue également un rôle de centre culturel et de documentation, où sont capitalisées toutes les expériences d’actions non-violentes qui ont déjà été menées.

L’engagement sur le terrain social et politique se traduit notamment par une participation aux luttes urbaines d’usagers, mais aussi aux luttes ouvrières.

L’ASC est membre du « Comité de défense des droits des locataires », et participe aux actions contre les hausses de loyers et les expulsions. Elle entretient également des contacts très étroits avec la centrale syndicale CGTL, et fait partie du Congrès syndical national (CSN), ouvert aux représentants des ONG libanaises.

Enfin, tous les ans, cette association organise, avec d’autres ONG alliées et les syndicats, une manifestation de paix, contre les violences et les injustices et pour le renforcement des actions civiles dans le pays. Rappelons qu’au printemps 1992, la première grande manifestation civile post-guerre, appelée à l’origine par l’ASC et la CGTL, entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest, contre la chute libre du pouvoir d’achat, l’incompétence et la corruption du gouvernement, avait conduit, le 6 mai, à la première chute d’un gouvernement libanais.

L’exemple d’une lutte des citoyens à Batroun

Fief d’une grande famille de notables, dotée d’une milice armée, la région de Batroun au nord du Liban est peuplée de 50.000 habitants. A l’époque où l’action fut menée, c’est à dire en mars 1989, la « guerre de libération » (des forces du général Aoun)avait provoqué une très nette dégradation de la situation socio-économique. Le pain et la farine, conventionnées par l’Etat, se vendaient au marché noir, à des prix prohibitifs. La pénurie, ainsi provoquée, dégénérait souvent en disputes mortelles. Les principaux bénéficiaires de ces profits énormes étaient des miliciens, des propriétaires de boulangerie, ainsi que des fonctionnaires des administrations publiques.

Exaspéré, un groupe de citoyens se décide à agir en collaboration avec l’ASC (Association Sociale et Culturelle)qui tente de promouvoir au Liban l’idée de citoyenneté et, depuis sa création en 1988, contribue à la construction d’une société civile libanaise à partir des fondements de la démocratie, de la laïcité et de la non-violence. Un appel de réunion est lancé par voie de tract. 400 personnes y répondent. Un comité populaire jouissant de la confiance des représentants des villes et villages de la région se constitue; des représentants des familles de notables sont présents.

La réalisation d’une étude précise est décidée (localisation des lieux de disparitions des quantités manquantes, profits réalisés au marché noir; évaluation des besoins de la région en farine et pain; propositions d’organiser des nouveaux canaux de distribution).

Un plan d’action est collectivement adopté :

1) communication de l’étude aux chefs politiques concernés et au Kaimacam (structure officielle de distribution de pain et farine);

2) début de négociations,

3) sit-in illimité devant le siège de Kaimacam en cas d’échec.

Les menaces et les intimidations commencent à pleuvoir sur les membres du comité. Le Kaimacam annule plusieurs réunions de pourparlers, les miliciens tentent un coup de force en occupant le centre de Batroun pour empêcher les membres du comité de se réunir, la mobilisation se rétrécit mais le noyau dur tient bon. Le Kaimacam finit par céder et accepte d’augmenter les quantités de farine et de pain. Une commission est formée pour veiller à l’application de l’accord, incluant des membres du comité.

On peut noter également à l’actif de l’ASC et des réseaux civils constitués, l’action syndicale menée par des enseignants depuis 1988 en vue d’obtenir des modifications de base, au niveau des contenus de manuels scolaires prônant la discrimination et glorifiant la violence. Certains manuels ont été proscrits, suite à cette action. Des sessions de formation auprès des ouvriers depuis 1986, sur les techniques non-violentes et le droit du travail, a permis aux ouvriers de 20 usines au Liban d’obtenir des revendications sociales de base (salaires, prise en charge partielle des frais hospitaliers des familles, contribution aux frais de transport et scolarité des enfants).

Palavras-chave

passagem da guerra a paz, reconstrução nacional, sociedade civil, cidadania, educação a não violencia, violência, rede de cidadãos, mudança social


, Líbano

dossiê

Construire la paix : éléments de réflexion à partir des pratiques des organisations non gouvernementales et de quelques instances nationales et internationales

Ébauche pour la construction d’un art de la paix : Penser la paix comme stratégie

Fonte

Relatório ; Documento interno

A partir de plusieurs rapports d’évaluation de l’ASC (Association Sociale et Culturelle). Partenaire de l’ASC en France : MAN (Mouvement pour une Action Non violente), 31 rue de Reuilly. 75011 PARIS

FPH (Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme) - 38 rue Saint-Sabin, 75011 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 43 14 75 75 - Fax 33 (0)1 43 14 75 99 - Franca - www.fph.ch - paris (@) fph.fr

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