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L’expérience de Médecins du Monde en Ex-Yougoslavie

Témoigner : pourquoi, comment ?

Claire BOULANGER

10 / 1994

Témoins « privilégiés » de la souffrance, les organisations humanitaires se croient investies d’une véritable responsabilité à l’égard des peuples auprès desquels elles interviennent. C’est l’une des raisons pour lesquelles Médecins du Monde a choisi de s’inscrire dans le processus de reconstruction à venir en ex-Yougoslavie, à travers une expérience relativement nouvelle dans son histoire : elle a, dans le cadre de ses missions en ex-Yougoslavie, recueilli de mai à septembre 1993 des témoignages de réfugiés des différentes nationalités impliquées dans le conflit. En partenariat avec Juristes Sans Frontières et avec l’accord des témoins, certains des témoignages recueillis ont été remis en mai 1994 au Tribunal international des Nations Unies créé par le Conseil de sécurité pour juger les crimes commis en Ex-Yougoslavie.

Pourquoi témoigner

Peu de conflits ont été autant observés que celui qui déchire l’ex-Yougoslavie depuis juin 1991, et jamais il n’aura semblé aussi difficile d’établir la vérité de cette guerre. Il fallait donc que les victimes aient l’occasion de rapporter leur expérience et que l’ensemble de leurs témoignages s’impose à nous. Il y avait urgence à conserver la mémoire vive de ce qui s’était passé alors que témoins et victimes étaient présents. Parler pour que nous puissions transmettre devenait prioritaire.

La résolution 808 du Conseil de sécurité des Nations Unies, votée en février 1988, préconisait la mise en place d’un tribunal pénal international destiné à juger les crimes commis en Ex-Yougoslavie

Les ONG intervenant sur le terrain sont directement interpellées, l’article 46 du Statut du Tribunal précisant en effet que « le Procureur ouvre une information d’office, ou sur la base des informations rapportées notamment par les ONG…". Les ONG sont donc habilitées à exercer une sorte de « droit d’alerte ».

Les réfugiés de Croatie et de Bosnie sont informés de l’existence de ce Tribunal, en ont conscience comme d’un enjeu collectif et nombre d’entre eux se sentent la responsabilité de témoigner « au nom de ceux qui ne peuvent plus le faire ». La nécessité du jugement leur paraît évidente pour eux-mêmes et les générations futures, comme un élément incontournable du processus de paix.

MDM, présent auprès des victimes, considère qu’il relève de sa responsabilité de recueillir les témoignages.

Comment témoigner

Les témoignages ont été recueillis dans différentes zones de Croatie et de Bosnie. Notre statut nous a permis l’accès à des régions très fermées. L’accueil a été partout positif, même quans les victimes se trouvaient en situation de grande précarité matérielle.

Les témoins ont été identifiés à travers des sources aussi diversifiées que possible. Nous nous sommes efforcés de ne rencontrer que des gens qui n’avaient pas encore remis leur témoignage à d’autres organisations ou à des journalistes, afin d’éviter les répétitions, souvent sources d’inexactitudes.

Ces témoignages ont été recueillis selon un fil conducteur et sur une durée d’entretien assez longue (4 ou 5 h, parfois plus), dans des lieux et des contextes où les personnes se sentaient suffisamment en sécurité pour parler librement. C’est la même personne, parlant le serbo-croate, qui a collecté tous les témoignages. Il faut souligner à ce propos l’importance, en général, de s’assurer d’une bonne maîtrise par l’interprète des faits et des noms évoqués et d’une bonne connaissance de la culture et de l’histoire de la région, faute de quoi, à force de malentendus, on risque de porter atteinte à la précision et à l’efficacité du témoignage.

Compte tenu de l’importance des témoignages et de la gravité du contexte, il a été demandé à chaque témoin de signer son témoignage et un questionnaire donnant à MDM l’autorisation d’en faire différentes utilisations, médiation ayant pour objectif de protéger les témoins. Tous les témoins auraient souhaité remettre leur témoignage au Tribunal, mais rares sont ceux qui l’ont réellement fait en prenant le risque de représailles pour eux-mêmes ou leur famille.

Protéger les témoins consistait aussi à respecter leur silence et à prendre des précautions avec des victimes traumatisées. Le plus difficile reste enfin de les protéger face à la probabilité que leur témoignage n’aboutisse à aucun procès ou sanction. C’est pourquoi MDM et Juristes sans frontières se proposent de prolonger ce premier travail par une action de soutien aux victimes et témoins, sur le terrain comme auprès du Tribunal international.

Palavras-chave

TPI, vítima de guerra, justiça, paz e justiça, ONG, memória, restabelecimento da verdade históricos, ONU, reparação de danos de guerra, refugiado


, Jugoslávia, Bósnia-Herzegovina, Croácia

dossiê

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Le travail accompli par MDM et Juristes sans frontières ne représente qu’une infime partie de l’énorme enquête qu’il faudrait mener à l’échelle des quelque 4 millions de réfugiés issus de ce conflit; par conséquent cette action est surtout incitative : nous croyons en la justice et connaissons la valeur de la réparation. C’est en vertu de cette conviction que nous espérons voir de nombreuses autres organisations collaborer avec le Tribunal international.

Devant une crise humanitaire comme celle de la Bosnie, le témoignage, en faisant de nous des intermédiaires qui permettent que les voix des victimes ne sombrent pas dans les oubliettes de l’Histoire, devient plus que jamais un devoir.

Notas

L’intégralité des témoignages a dû être publié fin 1994 dans un ouvrage destiné au grand public.

L’auteur est responsable de programme à Médecins du Monde.

MDM (Médecins du Monde) - 62 rue Marcadet, 75018 Paris, FRANCE - Tél : 33 (0)1 44 92 15 15 - Franca - www.medecinsdumonde.org - medmonde (@) medecinsdumonde.org

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